De l'importance du nom et du pavillon
Lequel d'entre nous, lors de ballades sur les pontons, ne s'est pas amusé à lire les noms des bateaux ??? De grands moments de rigolade et de questionnements ! Entre les navigateurs qui jouent avec les mots (Onvaou, Ouquiva, Tamalou, etc), ceux qui jouent avec les lettres (Xcetra, Xtra,eXcellent, pour les bateaux X), ou Oceanide pour les Oceanis, plus ceux qui jouxtent les consonnes des prénoms de la famille (parfois avec bonheur...), les latinistes ( Somnio, In vino veritas, Carpe Diem), les expressions ("Bille en tête" rebaptisé "Bitte en Tête" par des américains qui ne savaient certainement pas de quoi ils parlaient), on a déjà une idée des priorités des propriétaires du yatch.
Si le nom qui figure à l'arrière du bateau est édifiant, la police et la taille des caractères d'écriture choisies le sont aussi. Ces deux éléments reflètent l'état d'esprit du navigateur et nous permettent donc de repérer les futurs amis potentiels. Ils nous aident aussi à détecter l'origine des bateaux : les noms bretons, s'ils sont légion en Bretagne, sont un peu moins nombreux dès lors qu'on s'éloigne, et quand un breton rencontre un autre breton loin de chez lui !!!
En ce qui nous concerne, à chaque changement de bateau, nous avons changé le nom, refusant de rajouter un 2, 3 ou 4 au nom de notre premier bateau.
Pourquoi, parce que chaque bateau représente une époque de notre vie et que le nom choisi il y a 10 ans ne correspond ni au nouveau programme de navigation, ni au nouveau bateau, ni même aux individus du bord qui ont évolué.
Certes, nous avons eu la tentation de rebaptiser notre dernier bateau "Taravana", mot tahitien qui désigne celui qui est un peu givré (littéralement celui qui a reçu une noix de coco sur la tête) car il convenait parfaitement à l'équipage que nous formons et à mon humble avis serait toujours d'actualité, mais le bateau ayant changé, le nom doit être représentatif de la période que nous entamons. A chaque changement de bateau, nous nous octroyons une vraie séance de brain storming (tous les proches sont consultés) qui dégénère souvent en bosses de rires. Et celui qui a trouvé le nom... est déclaré parrain ou marraine du bateau.
Beaucoup de navigateurs hésitent encore aujourd'hui à débaptiser un bateau par supersition.
Bien que superstitieux, Michel a toujours accepté de changer le nom du bateau à condition de respecter le rituel qui conjure le mauvais sort : couper le sillage du bateau 7 fois de suite le jour du baptème. Cette manoeuvre est souvent regardée d'un oeil suspect par les bateaux qui sillonnent dans le voisinage mais tant pis, nous n'avons pas peur du ridicule. Il parait qu'on peut aussi tirer un coup de carabine dans le sillage pour casser ce dernier mais comme nous n'avons pas de carabine ...
Le baptème est également l'occasion de faire la fête ; jusqu'à présent, nous n'avons sacrifié sur le davier que du vin pétillant, voire une bouteille de cidre, nous réservant la bouteille de champagne ! nous n'avons malheureusement pas de sponsor chez les viticulteurs !!!
De même que le nom, j'ai toujours souhaité arborer le pavillon de la Bretagne dans les barres de flèche (je dis "je" car Michel est normand) ; d'une part, le "gwen a du" (en breton blanc et noir comme les couleurs du pavillon) est très esthétique, d'autre part, il signale notre origine aux autres navigateurs, et comme à priori il y a peu d'anti bretons dans le monde ...
En mer de Cortès un voilier français est venu nous accoster dans un mouillage car il avait repéré aux jumelles le pavillon breton, et non le pavillon français puisque le voilier sur lequel je me trouvais battait pavillon américain (c'était le fameux "Bille en tête" de Frank). Cette rencontre au sommet fut l'occasion d'une soirée mémorable à l'eau de vie distillée à bord de ce voilier tourdumondiste ; je dois avouer que quelques kangourous sautaient dans nos cranes le lendemain !!!
Mais quand on hisse le pavillon d'origine, attention à l'étiquette !
Un anglais très pointilleux m'a demandé un jour sur un ponton breton : "Pourquoi avez vous placé votre pavillon breton à babord, il doit être à tribord !"
J'ai eu l'immense plaisir de lui rappeler que, selon l'étiquette des gens de mer, certes le pavillon de courtoisie se plaçait à tribord, mais étant donné que j'étais bretonne, ce pavillon était le pavillon de propriétaire et se hissait donc à babord. L'anglais, fair play, a reconnu que je n'avais pas tort, ouf !!! Une guerre aurait pu éclater avec nos amis les rosbifs pour manquement à l'étiquette des gens de mer.
Autre élément important : le pavillon national. Michel et moi apprécions d'arborer à la poupe du bateau un grand pavillon national en coton style vieille marine sur un matereau en bois verni, sans doute une rémininiscence de mon enfance de fille de militaire. Nous aimons voir le pavillon national traîner jusque dans l'eau et n'apprécions pas les bateaux qui omettent de l'arborer. Mais pas d'inquiétude, nous ne refuserons pas à un bateau de se mettre à couple s'il a omis d'arborer son pavillon national.
Et, une fois de plus, regardons les anglais : avez vous jamais vu un bateau anglais sans pavillon national ?
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