Récit d'une traversée
Nous sommes au Suriname depuis deux jours et disposons d'une bonne connexion Internet. Vous allez donc pouvoir suivre, avec un peu de retard, la suite de notre aventure. Bonne lecture et n'hésitez pas à nous envoyer, vous aussi, quelques nouvelles...
Lever 8h : l'appareillage est prévue à 11h. Après un copieux petit déjeuner, nous complétons le plein d´eau, fermons les panneaux de ponts et contrôlons que tout est à peu près calé à l´intérieur. Nous faisons le tour des deux pontons pour saluer les équipages des bato-copains. Instants d'émotion. Finalement, c´est vers 10h que les marineros viennent nous aider à larguer les amarres ; nous quittons la marina de Jacaré en remerciant encore Francis et Philippe de leur accueil ; c´est sans doute la marina la plus sympa - et la plus pro - que nous ayons trouvée jusque là. La veille nous avons fait nos dernières courses de produits frais au marché de João Pessoa : légumes (pommes de terre, choux, tomates, concombres, carottes, avocats...), fruits (ananas, bananes, oranges et mangues) et un peu de viande. Les cales sont pleines pour au moins trois semaines d'autonomie. Grand voile hissée, nous descendons au moteur la rivière jusqu’à Cabedelo et nous engageons dans le chenal de sortie. Vers 13h, par un petit vent d´Est, nous envoyons le génois : nous avons 767 milles à parcourir pour atteindre notre prochaine escale, Ilha dos Lençóis, un peu au nord de Sao Luis.
Mercredi 9 avril 2014
Pour ses 5 à 6 jours de navigation nous avons choisi de faire des quarts de quatre heures. Katia fait 9h-13h / 17h-21h / 1h-5h. Un gros grain nous arrose copieusement pendant la nuit mais le vent reste à l´Est. Il ne dépasse guère les 10 nœuds et Spip, un peu aidé par les courants, progresse à près de 5 nœuds. Hélas, le vent nous abandonne vers midi pour ne revenir que 2h30 plus tard mais ne dépasse pas 8 nœuds. Le ciel est encombré d´impressionnants strato-cumulus sous lesquels s´abattent parfois de violentes mais brèves averses tropicales. Quelques cargos et encore moins de bateaux de pêche viennent distraire notre horizon, encore limité à l´ouest par la côte brésilienne.
Jeudi 10 avril 2014
Une belle demie lune éclaire la première partie de la nuit qui, sous ces latitudes, dure douze heures. Le vent faiblit : vers 2h30, nous tombons à moins de 3 nœuds et décidons de nous motoriser, génois enroulé. Aux alentours de 6h, l´aube m´offre un spectacle magnifique : le soleil se lève derrière de gros nuages qu´il ourle d´un liseré argenté et lance de grands rayons sur l´horizon incendié. La journée est très chaude mais, dans ce petit temps, nous pouvons ouvrir les capots et ventiler un peu l´intérieur du bateau où la température atteint 36º. Moteur au point mort, j´en profite pour faire une bonne toilette au savon d´eau de mer et prendre un bain. Katia, impressionnée par les 2000m de fonds, se contente d´une douche sur le pont. Vers 19h, alors que nous dînons dans le cockpit (spaghettis avec une sauce bolognaise que Katia a mijoté avant le départ), deux grosses grosses boules de feu tombent du ciel sur bâbord : météorites où débris de satellites ? Le vent se renforce un peu pour atteindre parfois 10 nœuds et Spip dépasse enfin les 5 nœuds de moyenne.
Vendredi 11 avril 20
Deux heures du matin, de nombreux orages zèbrent le ciel de tous côtés pendant le quart de Katia : en mer,de nuit, avec un horizon dégagé sur 360º, les éclairs sont toujours impressionnants. Même s´ils se produisent très loin comme cette nuit, ils peuvent illuminer le ciel et la mer sur des kilomètres carrés presque comme en plein jour. Côté météo, rien ne change : vent d´Est 2 à 3, soleil avec quelques nuages. Je décide de mettre en pêche. Dans la matinée, quelques dauphins viennent jouer à l´étrave : les premiers que nous voyons depuis notre départ du Cap Vert. Je m´aperçois que j´ai oublié de renouveler mon code pour obtenir les fichiers météo. Flo est déjà parti en w-e : je fais donc appel à Monique et Fred. La nuit tombe... sans poisson !
Samedi 12 avril 2014
Nuit douce et calme, sans grain. Tellement calme que nous remettons le moteur vers une heure du matin. La manœuvre ne gêne en rien un oiseau épuisé qui a trouvé sur Spip un perchoir confortable pour se reposer. Un peu de vent au lever du jour nous incite à renvoyer le génois que nous affalons 3h plus tard, la pétole étant revenue. Les dauphins aussi et en nombre : plusieurs dizaines jouent longtemps à l´étrave ce qui nous permet de les identifier à l´aide notre guide. Il s´agit de dauphins tachetés pantropicaux. Retour aussi de notre hôte emplumé mais lui nous n´avons pas de moyen pour l´identifier. Comme nous nous rapprochons de la côte, les cargos sont plus nombreux et certains porte-containers toujours aussi impressionnants avec leur 300m de long et 40 de large qui déboulent à 18 nœuds ! Vive les moyens de communication modernes et heureusement qu´il y en a qui travaille le week-end : depuis le Gabon, Frédo me dépanne et et je peux prendre la météo pour les deux jours à venir. Elle n´a rien d´enthousiasmant puisque le régime de vents faibles se maintient. Après le déjeuner, le vent se lève un peu d´Est-Sud-Est : nous arrêtons le moteur et poursuivons notre route sous génois seul pour ne pas risquer d´empannage involontaire. Des bananes flambées (spécialité du capitaine) viennent agrémenter le repas du soir.
Dimanche 13 avril 2014
Un vent qui se renforce un peu, la pleine lune : belle nuit pour la navigation. À l´aube, une escouade de dauphins escorte Spip pendant plusieurs heures ; cette fois ce sont des dauphins de Clymène. Le vent adonne (revient à l´Est) et nous renvoyons la grand-voile. Ciel un peu plus couvert en matinée qui se dégage l´après-midi mais pas de bouchon à signaler : un seul cargo aperçu dans la journée ! Belle touche sur la ligne, mais la bête se décroche : toujours bredouille. Vers 21h le vent forcit jusqu´à 15 nœuds et nous réduisons le génois en prévision de la nuit. Le bateau gîte un peu et au moment de prendre mon quart, je me rends compte que de l´eau sort d´un des panneau de cale... Effectivement : le puisard est plein d´eau salée. Quelques instants plus tard nous localisons l´origine de la fuite : la pompe à eau du moteur. Après avoir fermé la vanne il ne reste qu´à jouer les shadocks, c´est à dire pomper pour vider les fonds.
Lundi 14 avril 2014
Après une nuit sans histoire, nous renvoyons tout le génois au petit matin, cap toujours au ouest-nord-ouest. Reste à identifier la cause de notre fuite et, si possible, réparer. Je soupçonne un joint spi d´étanchéité de l´arbre d´entraînement de la pompe à eau de refroidissement du moteur d´être à l´origine de nos ennuis. J´ouvre la pompe à eau, en profite pour changer le rouet, et enduit le joint suspect avec une pâte qui, je l´espère, colmatera la fuite. Plusieurs heures de bricolage plus tard, tout est remonté et la fuite n´est plus qu´un léger goutte à goutte : c´est mieux que rien ! Problème : nous ne savons pas bien quelle conséquence peut avoir cette fuite. L´eau peut-elle s´introduire dans le moteur, qui, c´est sûr, ne va pas aimer ? Doit-on faire l´escale prévue ou faire route sur la Guyane pour espérer trouver de quoi réparer ? À l´unanimité, l´équipage décide de ne plus l´utiliser qu´au minimum et de faire escale : à l´arrêt je pourrai re-démonter la pompe et parfaire mon joint de fortune et il sera toujours temps de faire escale en Guyane si ça n´est pas satisfaisant. Reste à attendre le jour pour pouvoir pénétrer dans l´archipel où nous comptons jeter l´ancre. Nous mettons le bateau à la cape (manœuvre qui consiste à immobiliser le bateau en mettant le foc à contre, la barre bloquée sous le vent et grand-voile larguée ) vers 21 h.
Mardi 15 avril 2014
Vers 2h du matin je suis intrigué par l´aspect de la lune : peut-être des nuages d´altitude qui la masque... Mais, une heure plus tard, plus de doute : il s´agit d´une très belle éclipse partielle de lune ! Spip a dérivé de quelques milles lorsque nous repartons vers 4h du matin. Nous sommes étonnés de trouver de forts courants à remonter pour atteindre le mouillage dans le sud de l´île de Lençóis puisque, d´après nos cartes, elle n´est pas à l´embouchure d´un rio important. Et il est finalement presque midi lorsque nous posons notre ancre dans le sud de l´île dans un paysage de bras de mer bordés de mangrove et de dunes de sable blanc où évoluent quelques barques. Alors que nous rangeons le pont, un petit bateau de pêcheurs nous accoste pour nous saluer, nous demander d´où l´on vient et nous offrir deux grosses poignées de crevettes cuites : quel accueil ! Un peu plus de 800 milles parcourus en presque exactement sept jours : pas si mal finalement. Et maintenant place au farniente pendant au moins quatre jours !
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