Des vierges américaines aux saintes françaises

Des vierges américaines aux saintes françaises

Posté par : Joseph
18 Janvier 2014 à 15h
Dernière mise à jour 07 Décembre 2014 à 22h
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Chapter one: Ou comment les vierges réduisent l'homme à l'esclavage et gardent leur beauté pour les financiers

Après la découverte d'une première traversée au long cours, expérience intense, riche, où je suis passé par tous les stades de l'angoisse à l'extase j'ai donc repris contact avec mes congénères et la terre ferme. Mais pas n'importe quelle terre, les îles des tropiques, celle dont les noms font rêver les financiers, les travailleurs, les moins travailleurs, les adorateurs de Jah, les océanographes et surtout les blonds. Tortola, Saint John, Saint Barth, Antigua, Barbuda, Marie-Galante... Des noms que l'on a du mal à placer sur une carte, sortis d'un passé et d'une histoire mal connue entre légendes et faits avérés qui éveillent dans l'imaginaire du métropolitain des histoires de pirates, des cartes au trésor et pour les plus désillusionnés des cargaisons de rhum. Oui les caraïbes attirent une foule bigarrée dont on a du mal à saisir l'harmonie après 12 jours de mer. A commencer par Saint Thomas, île principale des îles vierges américaines, ma première escale. Toujours pas de rêve ici, une escale technique dans un port de commerce à 3km de l'aéroport, cela fait un peu bizarre d'entendre les grues des dockers et les avions remplis de touristes décoller toutes les 10mn... Mais en fait cela m'a amusé, le contraste, le décalage, pour une escale technique finalement c'était pratique, j'avais tous les ateliers dont j'avais besoin à proximité, j'ai donc pu réparer le régulateur d'allure, le bimini, changer ma drisse de génois, refaire l'étanchéité des hublots, du pied de mat. Bref on a mis une semaine à repartir de Saint Thomas. Assez pour voir  un autre visage des tropiques, moins glamour, un peu plus cru, celui des descendants d'esclaves qui constituent quand même la principale population des îles, loin devant les blonds et les financiers. L'esclavage, une histoire qui se cache, pas franchement assumée, on trouve ici et là quelques traces: une statue dédiée à la liberté sur la place principale de Saint John. Mais pas de détails sur la révolte des esclaves de 1733 qui a été éradiquée dans un bain de sang. Et lorsqu'on visite les charmantes ruines d'une rhumerie avec son moulin à vent, ses fours, pas un mot sur les esclaves qui la faisait fonctionner. Et que dire des amérindiens premiers habitants de ces îles dont les traces ont été quasiment complétement effacées? Avec un peu d'effort (3h de randonnée dans la forêt tropicale) on peut voir sur Saint John des pétroglyphes d'indiens Arawacs au pied d'une chute d'eau.

 Petroglyphe 2.JPG

 Randonnée accomplie à la tombée du jour avec un retour à la lumière de la lune, au milieu des bruits de la jungle. Il n'en fallait pas beaucoup plus à mon imagination pour qu'elle cache derrière chaque feuille de bananier un indien en train de m'observer avec son visage peint de rouge et de noir. Tristes tropiques comme les appellent Levi-Strauss. En contemplant ces pétroglyphes au milieu de la jungle, j'étais fasciné par ces choses disparues, ces mots qui n'existent plus ou presque, ces mythes, ces légendes, ces façons de voir le monde et de vivre. Vous l'aurez compris la deuxième escale, Saint John, réputée être une des plus belles îles des caraïbes était nettement plus touristique. Là on commence à vendre du rêve, mouillage dans une crique paradisiaque, premier plongeon, sable blanc, cocotier, la carte postale.

 1er mouillage 2.JPG

  Et tout ça grâce à...? M. Rockfeller bien sûr. Ah heureusement qu'ils sont là nos bons financiers pour sauver le monde avec leur générosité. Donc Lawrence Rockfeller en 1956 sous le charme de l'île décide d'en donner la moitié aux parcs nationaux américains. La moitié de Saint John est donc préservée et sauvage. Aller, je ne vais pas vous abreuver de paysages paradisiaques car ils se ressemblent tous un peu mais juste une ou deux photos et un panorama pour vous donner une idée. Mais la détente fut de courte durée puisque déjà nous devions repartir pour la Guadeloupe.

 Plage Maho Bay.JPG

 

Maho Bay 2.JPG

Chapter two: Où Jonhatan se révéla à l'équipage éberlué de Cody

Ragaillardis par le charme de Saint John et deux nuits réparatrices dans la baie de Maho nous repartions en passant par les Narrows, passage entre l'américaine Saint John et la britannique Tortola. Un petit louvoyage pour passer entre Norman island et Peter island et nous filions, au prés toujours, dans la mer des Caraïbes vers la Guadeloupe. Nouvelle traversée, nouveau rythme. L'occasion de tester nos réparations, à commencer par mon régulateur d'allure. Un peu incertain je remis donc le dispositif en marche et là miracle. Après un petit balbutiement les drosses se mirent à tirer, à pousser et le bateau à garder son cap. Ca y est nous avions un nouvel équipier, il ne restait plus qu'à  lui trouver un nom. La chose fut rapidement trouvée, en mémoire de ma première croisière avec Cody où un troisième larron du nom de Jonhatan nous accompagnait. Ainsi notre nouveau barreur s'appellerait Jonhatan, ce n’est pas un goéland mais il écoute le vent et glisse dans l'eau pour tenir la barre sur le bon cap. Satisfaction, le bateau avance tout seul, par habitude on reste à côté pour le surveiller et s'assurer que Jonhatan ne joue pas au jeune chien fou pour lancer un virement de bord inopiné. Mais dans l'ensemble les choses se passent bien, nous avons à apprendre à nous connaitre un peu, car le lascar a ses subtilités mais ça viendra. La traversée aurait même pu être complétement reposante si je n'avais pas stressé encore sur un ou deux bruits, mais enfin, au bout du deuxième jour nous avions cette masse sombre sur l'horizon par le travers qui annonçait l'arrivée sur la mère patrie. Même image, mêmes effets, même émerveillement, même miracle à se dire, j'y suis, j'ai traversé avec mon bateau, une carte et un GPS, pas d'avion, pas de route, le bleu de la mer comme boussole où chacun traçe sa route. Seule différence notable tout de même avec l'arrivée sur les îles vierges c'est qu'avec le vent dans le pif, ce n’est pas 8h qu'on a mis pour rejoindre la Guadeloupe mais 24h et une nuit blanche en prime à terminer en tirant des bords dans le canal sainte entre les grains et les ferries. Un peu épuisante l'arrivée, mais lorsqu'à 6h du matin nous accrochions Cody à un corps mort dans la baie des Saintes la satisfaction revenait. Nous avions mis 3 jours finalement à rallier la Guadeloupe et partis à deux nous arrivions à trois.

Chapitre trois: Où les saintes dévoilent leurs charmes au marin tourmenté par tant d'amour

Routard en poche le retour à la mère patrie se devait d'être un peu chauvin. Alors pas d'hésitation la baie des saintes est carrément classée parmi les plus belles baie du monde, elle rivaliserait même avec Rio puisqu'elle a aussi son pain de sucre. Il faut dire que son bourg se laisse découvrir gentiment, une rue principale des maisons peintes de toutes les couleurs, une ou deux bicoques délabrées qui donne une touche locale au lieu, une petite église, une petite place de village tout ça les pieds dans l'eau face à la baie, face à la Guadeloupe. J'éprouvais un certain plaisir à entendre parler français, à retrouver les panneaux de ma chère DDE. Des petits resto un peu partout, tous fermés des fois que des clients seraient intéressés (ça change tellement des USA....) et lorsqu'ils ouvrent ils refusent les clients parce que faut pas avoir trop de boulot non plus. Ah chère France, comme tu m'as manquée. Je ne le comprends et je ne le réalise qu'en revenant. J'ai besoin de partir pour apprécier tes charmes, même loin de la métropole j'apprécie cette fameuse exception, cette façon d'être et de vivre si différente de l'anglo-saxon. Pas de doute c'est ma culture, celle où je me retrouve et me reconnait. Quel plaisir de déambuler dans les petites ruelles, entretenues mais pas trop, découvrir une petite plage lovée au creux d'une crique et trouver deux parasols Tropico et quatre chaises en plastique, aller visiter le fort Napoléon et lire des bribes d'histoire écrites par un prof baba cool en 79 sur une feuille jaunie par les années. C'est un sentiment étrange de se sentir arrivé à la maison si loin de chez soi. C'est une nouvelle partie de mon voyage qui s'ouvre, celle du temps de la découverte, des promenades, loin d'un agenda, d'un timing. Je sens que le temps du marin commence à prendre la place sur le temps du terrien. Je sais que les choses se feront plus lentement que prévu. Peu importe, je suis ici pour prendre le temps. Celui de continuer à connaître Cody, Jonhatan, celui de découvrir ces îles mystérieuses, par petits sauts, à mon rythme avant la prochaine traversée, la grande, début mai. Mais en attendant j'ai des serpents à combattre et je dois gouter à la spécialité locale: les tourments d'amour... Il faut vivre dangereusement parfois!!

Toutes les photos ici.

Même si je suis étanche au romantisme des restos fermés (traine-savate, va !), j'ai beaucoup aimé ton post. On a vraiment l'impression d'y être. Bises

Jonathan Livingston Seagull .... un de mes livres préférés, avec le Petit Prince. Tu as bien fait de choisir Jonathan. C'est un passionné, un peu barré mais super libre. Tout ce qu'il te faut sur Cody, non ? Et si tu rencontres le Petit Prince, dans ton voyage, dis lui bonjour de ma part. :o)

Quel richesse dans ce que tu vis. J'aime ce retour en France dans une île des Antilles. C'est un grand plaisir de te lire à chaque fois. françois

Salut Joseph le marin, j'avoue que j'ai tardé à passer un peu de temps sur ton blog, et je dois dire que j'ai bien voyagé à travers tes posts, tu as une belle plume (je n'en doutais pas cela dit)! Continue de donner des noms à tes compagnons de route, même métalliques, plastiques ou en bois, tu auras une bonne bande d'amis à la fin de ton périple (si tu pouvais éviter de choisir Wilson dans le tas, j'aurais peur que tu passes bcp de temps sur une île déserte!) A très bientôt et prends soin de toi!

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