Adaptation, adaptation...
Adaptation, adaptation…
Nous étions prêts à partir mais la mer n’était pas prête à nous accueillir ! 30 nœuds annoncés sur le golf du Lion, des coups de vents qui se suivent à 24h d’intervalle. Pas envie d’aller voir s’ils se ressemblent. Le quai Catana du Canet nous apparait comme un vrai havre de paix avec eau, électricité, wifi… Le rêve du plaisancier… La mer est toute blanche et vient se fracasser contre les digues. Même si j’ai hâte de retrouver Vanessa et Adrien à Sanary on va attendre un peu…
L’adaptation aux éléments semble être le maître mot de notre nouvelle vie. La dépendance à la météo est totale. La raison doit toujours l’emportée sur l’envie, la sécurité prime : lors de nos entraînements nous avons pris un coup de vent de 35 nœuds en pleine nuit. Il n’était pas annoncé, sur aucun des trois sites météo que j’avais consultés avant le départ. Le bateau s’est bien comporté mais nous avons été secoué pendant quelques heures ! Situation certes très formatrice, surtout pour moi à la manœuvre... mais on va éviter… sauf quand on se fait surprendre, ce qui risque de nous arriver quelques fois !
Comme nous ne pouvions raisonnablement pas être en mer nous avons continué de bricoler le dimanche, ménage, petits plats concoctés par Marie qui excelle dans le domaine, petit vin rouge bio à la tirette(cave Joliette à Canet, trop bon !)… pas trop dure la vie même si on ne fait pas ce que l’on avait prévu. On regarde quand-même la météo, petite fenêtre pour passer mais trop étroite à mon goût : il faudrait partir de nuit et naviguer avec un coup de vent devant et un autre derrière qui nous rattrape ! Et s’il nous rattrape… De plus Marie vit sa première navigation « hauturière », l’équipage est novice… On va encore attendre.
Le chantier me prête une voiture pour la journée et nous allons visiter Collioure, toujours aussi beau, puis la route des crêtes au milieu des vignes en escalier. Nous goutons au raisin sur le pied de vigne : délicieux, très sucré, mais il faut cracher la peau très épaisse et les pépins mais sans se tromper de direction pour éjecter l’ensemble vu le vent… qui confirme bien les prévisions. Retour par Leroy-Merlin car sur un bateau il manque toujours quelque chose pour finir un bricolage ! Et pour les mecs c’est vraiment un beau magasin !
La météo semble plus favorable pour notre projet d’aller à Sanary. Les différents sites météo donnent une fenêtre plus large, toujours entre deux coups de vents, mais là on peut partir de jour. Le vent annoncé est de 10 à 15 nœuds entre deux coups de mistral, mais il faut savoir traduire : cela fera en mer 15 à 25 nœuds ! C’est une chose assez étonnante la valeur donnée par les sites est toujours sous-estimée de 5 à 10 nœuds ! Dans les cours et les bouquins de météo on nous explique que cela est du au fait que ces fichiers sont issus de calculs numériques, de modèles que nous ne sommes bien sur pas aptes à comprendre… Par contre ce que je comprends c’est que quand je lis 15 nœuds j’en ramasse 25… On pourrait sans doute faire plus simple et nous donner directement la vraie valeur mais c’est comme cela… Comme je suis conscient que je ne peux pas changer le monde je lis 15 et je comprends 25, question d’habitude! Encore un coup tordu des ordinateurs qui me rendent bien des services au quotidien, certes, que je suis bien heureux d’utiliser mais que j’ai du mal à comprendre et quand je ne comprends pas… méfiance avec ces bêtes là!
Je décide donc de partir. On va longer la côte pour éviter un gros noyau de vent au plein milieu du golfe du Lion et naviguer à l’abri de la côte. En gros un peu de vent, entre 15 et 25 nœuds, mais pas de vagues car elles n’auront pas eu le temps de se former. On avancera donc assez vite puisque que l’on sera au portant (on va dans le sens du vent) après une petite branche de prés (on va contre le sens du vent) mais sans se faire trop secoué j’espère : je pense ainsi que l’on ne va pas dégoûter Marie tout de suite de la navigation ! Il lui reste encore un mois de vacances !
Donc effervescence sur le quai. Les « au revoir » sont toujours touchants. Sur un quai les liens se tissent très vite. Les gens qui ont décidé de voyager en bateau doivent sans doute se ressembler un peu puisqu’ils ont décidé de vivre la même chose… et ils s’entendent en général bien. Alors l’entraide est forte, chacun explique la solution qu’il a trouvé ou qu’on lui a donné aux nombreux problèmes liés au bateau, surtout sur le quai du chantier au moment du départ. Quoi que l’on dise et même si on ne le laisse pas apparaître tous les skippers sont conscients qu’ils emmènent leur famille à l’aventure, toujours à la merci d’aléas… On a beau tout préparer au mieux on sait que l’imprévu sera au rendez-vous, les pannes plus ou moins nombreuses, le confort moins important… Mais la vie à terre est-elle vraiment sans danger ? Pense-t-on aux risques en montant dans sa voiture tous les jours? En mer on en est juste plus conscient. Christelle et Patrick de Maui viennent nous larguer les amarres. Ce sera bientôt leur tour de faire comme nous aujourd’hui. Des liens se créent très vite au hasard des rencontres et j’espère que l’on pourra les revoir d’ici quelques temps, nous raconter nos aventures autour d’un verre…Rencontre fort sympathique, une belle famille, un beau projet qui demande du courage avec trois enfants! Chapeau !
Voilà c’est parti ! On s’extirpe de notre place où nous étions coincés entre deux catamarans, manœuvre pour prendre le chenal de sortie du port toujours trop étroit, un peu de vent à contrer… Un dernier signe de la main à Christelle qui est au bout du quai. On passe entre les deux bateaux écoles qui sont dans le chenal puis on arrive au quai de la pompe à essence où l’on s’amarre. On fait du fuel ce qui soulage la caisse de bord de 500 euros… et nous permet d’avoir une ambiance olfactive originale à bord, car bien sur il y en a toujours un peu sur le pont... et cette fois sur mes pieds ! Cette fois je me suis fait avoir car il en restait dans le pistolet, donc quand je l’ai baissé pour le mettre dans le réservoir bain de pieds au fuel !!! Je n’imagine pas encore comment je me ferai avoir la prochaine fois… mais je me ferai surement avoir encore malgré toutes les précautions que je prends! Il faudrait filmer les ravitaillements, assez comique quand ce sont les autres! L’odeur du fuel pas terrible…
Le confort a un prix : il faut faire de l’électricité, donc il faut avoir du fuel… On avisera après pour les autres formes d’énergies plus douces… car leur budget est nettement moins doux et là on est un peu au ras des pâquerettes…
On relargue les amarres, on sort du port, on monte les voiles, on prend le cap. C’est parti ! 10 à 12 nœuds, on avance au pré (on va contre le vent) à 5 ou 6 nœuds, la mer est assez calme. On va monter jusqu’à Sète puis obliquer plein Est sur Sanary. Le vent monte doucement, 17-18 nœuds on bouge un peu, prés oblige mais on avance bien. On passe Agde, en longeant la côte à 1km, ce qui nous permet d’avoir moins de vague. Marie commence à blêmir un peu et s’allonge… Bof… j’espère qu’elle va éviter l’état « épave »… La nuit va tomber, la météo du CROSS indique une aggravation force 6 au centre du golfe, soit plus de 30 à 35 nœuds… On va continuer à longer la côte même si cela nous rallonge. Nous serons bien mieux protégés et on nous nous donnerons plus d’angle pour descendre au portant (un catamaran n’est pas à l’aise s’il est vent arrière, il faut qu’il reçoive le vent légèrement de côté. Nous prenons un ris (on diminue la surface de la voile) comme la nuit arrive. C’est une précaution que j’aime bien. La manœuvre de nuit est toujours plus complexe et mon frère n’est pas encore habitué… A équipage peu aguerri on augmente la prudence. Plus on monte vers le nord et plus le vent se calme. Arrivé devant Port-Camargue là on n’a plus le choix, on tourne donc à droite… et c’est le miracle du portant, tout se calme d’un coup ! On va dans le sens du vent, dans le sens des vagues… le rêve ! Marie refait surface, en pleine forme et nous fait des crêpes au Calvados! Elle n’est pas belle la vie ?
Le vent est très irrégulier, passe de 10 à 25 nœuds en quelques minutes : on a l’impression qu’un couillon allume le ventilateur juste pour nous casser les pieds, puis l’éteint d’un coup sans prévenir… puis quand on se méfie plus il nous rebalance la sauce… et ainsi passe la nuit avec une pointe de vitesse pour le bateau à 10.4 nœuds ! Au matin nous sommes devant Fos à slalomer entre les tankers qui vont décharger à la raffinerie toute illuminée juste en face. Après ce sont les cargos qui rentrent sur Marseille puis les pêcheurs qui remontent les filets devant les calanques… Pas de soucis on est loin d’être seuls sur l’eau ! Veille sérieuse obligatoire et slalom dans le vent ! Le spectacle est superbe, même si la nuit nous à laissée quelques traces sous les yeux. Le vent se renforce et je décide de mouiller à Laciotat à 14h, mouillage sur par mistral fort, qu’en plus je connais bien. Entrée à 8 nœuds dans la rade… un peu vite pour moi, il aurait fallu reprendre un ris pour les deux derniers milles... On affale tout, on mouille l’ancre. Premier tronçon terminé !
Les mouillages de Bandol ou de Sanary me semblent peu protégés. Vanessa et Adrien viendront nous rejoindre par la route avec Belle-maman. Pour l’instant sieste !
Vers 19h, tout le monde arrive, avec armes et bagages, ce qui n’est pas peu dire quand il s’agit de Vanessa… L’annexe est full ! C’est super ! Je crois que je ne pourrais plus vivre avec une femme « normale »! Dire que j’avais horreur des bagages… Je suis comblé ! C’est super de les retrouver. Nous avons été un peu trop obligé de nous séparer ces derniers mois et Adrien grandit très vite…
Michelle et Tonton Bruno arrivent un peu plus tard, c’est Vanessa qui conduit l’annexe pour étrenner son tout nouveau permis bateau. Petit bain pour retrouver les lunettes à Michelle tombée à l’eau dans le port de Laciotat, vraiment maladroits les terriens… Et l’eau du port vraiment chargées en hydrocarbures mais je commence à avoir l’habitude du fuel!
Tout le monde s’amuse bien pour notre repas de départ : échine de porc façon Belle-maman inspirée par un cours de cuisine à Cucuron (resto préféré de Vanessa). Petite larme à l’œil pour la mère et la fille à l’heure du départ, cette fois c’est pour plus longtemps…
Le lendemain matin départ pour Hyères où nous irons aussi nous cacher pour éviter le coup de mistral suivant qui est annoncé pour Samedi : du sérieux celui là, 35 nœuds d’annoncés donc comprendre 45, soit plus de 80 km/h ! Je suis donc un peu pressé de partir pour ne pas nous faire rattraper. On suit la côte, les Embiez, cap Sissié, rade de Toulon où nous croisons un sous-marin qui rentrent pendant que nous modifions la drosse du deuxième ris, montée d’origine du mauvais côté de la baume… et que je n’avais pas vérifiée…Pas droit à l’erreur, il faut vraiment tout vérifier. Je crains de devenir un petit peu chieur…
Drôle d’impression que de croiser un sous-marin, pas très sympa ce genre d’animal tout noir qui pourrait nous expédier en enfer, du moins en ce qui me concerne, juste en nous regardant d’un peu prés dans les yeux… Cette rencontre improvisée me symbolise la technologie destructrice de l’homme, me montre à quel point je me sens loin de ce monde dans lequel j’ai vécu…
Nous avançons sous deux ris, 25 nœuds de vents… Depuis le départ du Canet je reprends bien le bateau en main après un mois d’arrêt au chantier. Toujours un peu d’appréhension à la reprise surtout en conditions un peu musclées... mais je sens bien le bateau sous de grand-voile à deux ris et quatre tours d’enrouleur au solent (la voile d’avant est montée sur enrouleur et s’enroule sur elle-même pour être diminuée). Les autres bateaux autour de nous commencent à affaler les voiles et passent au moteur… Trop de vent pour eux… Nous prenons la petite passe de Porquerolles, vent de trois quart arrière, ça pousse dans le goulet…Puis nous arrivons à l’abri de la côte Est de la presqu’île de Gien, synonyme de calme et de mer plate. Un bord d’enfer à 8 nœuds sous deux ris sur mer plate! Mouillage à Hyères avec comme toujours beaucoup de bateaux qui sont tous trop proches les uns des autres... L’équipage a bien supporté la navigation. Nous devons être à Gocolin lundi pour le montage du téléphone satellite, dernier équipement qui nous manque. Demain repos à Hyères pour cause de mistral, donc plage, petits plats…
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Smile
19 Septembre 2015 - 11:02pm
Apprentis nomades...