Au vent des Kerguelen Christophe Houdaille
publié le 04 Novembre 2003 13:51
Christophe Houdaille est retourné à la voile passer
seize mois aux îles Kerguelen pour y retrouver les
albatros et les manchots, en arpenter les vallées et en
sonder les baies.
336 pages, 91 photographies, 14 cartes, 2 similis.
ISBN 2-913955-01-0, 21,34 euros.
« Je regarde encore vers l'Ouest, vers cette partie de
l'archipel de Kerguelen si peu visitée, si austère,
tellement complexe. Ma poitrine se gonfle, mon coeur
exulte. Je désire cette terre de toute mon âme. Elle me
ressemble, elle est mienne, je veux tout savoir d'elle
et lui consacrer ma vie. Oui, malgré sa démesure, ses
caprices, ses violences et sa désolation, j'aime
puissamment cet univers. Seul face à l'immensité
minérale, j'ai envie de m'envoler tel un albatros pour
embrasser ce dédale marin avec mon être tout entier; je
veux m'unir définitivement à chacune des montagnes et
chacune des vallées. »
Voir quelques images de ce récit.
Après trois mois de mer, Christophe Houdaille parvient
aux Kerguelen à bord de son cotre Saturnin. Durant
seize mois, il séjourne seul sur cet archipel,
réalisant ainsi le voeu formulé cinq ans plus tôt lors
d'un premier périple subantarctique. Saturnin devient
son partenaire dans l'exploration du littoral, son abri
dans les mouillages exposés aux humeurs de l'océan
Indien et son confident dans les moments de doute.
Connaître la côte ne suffit pas, aussi le navigateur
s'engage-t-il dans d'incroyables courses hivernales,
parcourant deux mille kilomètres à pied pour que rien
ne lui échappe d'un détail géologique ou d'un vestige
humain. Fasciné par la faune, il assiste aux combats
des éléphants de mer, aux parades nuptiales des
albatros et au rassemblement des manchots.
Au fil des mois, au fil des pages, Christophe Houdaille
nous ouvre les yeux sur la nature insoupçonnée de cet
archipel des Cinquantièmes hurlants que le capitaine
James Cook avait surnommé îles de la Désolation.
L'auteur, confronté aux éléments, nous confie sa
passion pour cette terre australe et antarctique où
veillent les scientifiques de Port-aux-Français et où
son courage l'a mené à tracer un chemin de liberté.
Né en 1963, Christophe Houdaille a plus de quatre-vingt-
dix mille milles nautiques à son actif. À bord de
Saturnin, le voilier de onze mètres qu'il construisit
en 1988, il a parcouru l'Atlantique et les mers
australes. Il a ensuite hiverné en Géorgie du Sud et
effectué un tour du monde en solitaire de huit mois
sans escale.
Au vent des Kerguelen, cest bien sur une histoire de navigation en zone extrême, la griserie dévoluer dans les vagues énormes que seules les mers australes produisent, mais cest aussi le parcours intérieur de Christophe Houdaille, le solitaire qui recherche la compagnie de ses semblables tout en maintenant la distance des êtres forts.
Quand il part pour lîle de la Désolation ainsi nommée par Cook, il a déjà pratiquement 1 tour et demi de la planète dans son sillage avec le côtre quil a construit de ses mains : Saturnin. « Iles des quarantièmes, visions des navigateurs aux long cours » est son premier livre. Après la Géorgie du sud où il hiverne, Il a été fasciné par lArchipel des Kerguelen quil souhaite explorer dans le détail. Les Damien sont à lorigine de ses navigations et lon retrouve avec plaisir lesprit de ces pionniers
Il souhaite aussi partir avec un équipier pour partager les joies de découvrir un monde encore partiellement vierge. Son équipier débarquera quelques jours après leur arrivée, et cest seul quil va explorer cet univers minéral, sans arbre durant plus dun an englobant lhiver austral à la recherche de lui-même.
Il réalise des randonnées pédestres pouvant durer jusquà un mois en organisant des dépôts de vivres, portant un sac de 35 kg et profitant des cabanes que les chasseurs de phoques, les explorateurs divers puis les scientifiques ont construites au fil du temps. Il monte souvent sa tente réalisée de ses mains dans de la grosse toile à voile.
Le mouillage hivernal de Saturnin donne lieu à la recherche dun site dans une zone à la cartographie incertaine où il lui faut sonder, vérifier chaque pouce de terrain. Lancrage de son bateau est colossal afin de résister aux vents qui balayent la région à 150 kmh. A lavant 2 ancres + 4 aussières à terre, même chose à larrière.
Il passera quelques courts séjours pour ne pas « sincruster » avec les permanents de Port aux Français, pour prendre son courrier et faire de lavitaillement. A titre déchange, il partage plusieurs semaines avec les bergers de lîle longue et les aide pour le comptage et la tonte des moutons ainsi que pour la réfection des clôtures.
Christophe Houdaille écrit magnifiquement dans un style très fluide, très imagé, un vocabulaire riche et très accessible. Liconographie est superbe. De nombreuses cartes présentent ses randonnées et ses navigations allant jusquen zone très exposée aux cinquantièmes rugissants de louest ce qui motive son titre.
Un livre qui ne peut que marquer le lecteur contant une histoire et une force de caractère peu communes, hors des routes de croisières habituelles. Publié chez Transboréal, une Maison dEdition à létique forte quil nous faudra explorer davantage car elle recèle de forts beaux ouvrages de voyages dont une partie maritime. Découvert plus tôt, il aurait certainement posé un problème de choix à la commission du Prix Albatros.
André