Vendée-Globe : les chroniques de Jean-Yves Chauve ! 1. « Même après huit Vendée Globe, la tension est toujours là »

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Vendée-Globe : les chroniques de Jean-Yves Chauve ! 1. « Même après huit Vendée Globe, la tension est toujours là »
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Vendée-Globe : les chroniques de Jean-Yves Chauve !

« Même après huit Vendée Globe, la tension est toujours là »

Médecin de course depuis la première heure du Vendée Globe, Jean-Yves Chauve nous livre les raisons de son fidèle engagement auprès des marins. Chaque semaine, il fera un point dans une rubrique d’actualités dédiées à la santé.

« L’attente a été longue : quatre ans. Quatre années à attendre que les portes du grand large s’ouvrent de nouveau. Ce sera le 8 novembre, à 13h02. Alors, pendant trois mois, on va vivre avec ces 33 marins et partager avec eux les bouffées d’alizés et les bourrasques glaciales des quarantièmes rugissants.

Fidèle à cette magnifique aventure depuis la première édition, en 1989, je serai à leurs côtés, en veille, prêt à les aider à boucler ce tour du monde par le grand Sud, un graal que certains ont déjà connu et que d’autres vont découvrir.

Cette année, la foule agglutinée sur les pontons sera malheureusement distanciée. Un virus rôde, on doit s’en protéger. Les skippers en ont parfaitement conscience. Ils acceptent bien volontiers les mesures mises en place pour limiter au maximum les risques de contamination. Une fois en mer, leur confinement solitaire dans le désert liquide et stérile sera la meilleure des protections.

Une foule happée par de longs monologues solitaires 
 

Je me remémore le premier départ. Ils étaient 13. 13 face à l’inconnu du Grand Sud avec ses vagues abruptes sous un ciel gris et bas et ses icebergs tapis dans les brumes glaciales. La performance était encore secondaire, l’essentiel était d’en revenir. Ce jour-là, le froid était intense, mais déjà le chenal des Sables s’enflammait au passage de chaque bateau. Ils ne le savaient pas encore, mais la même ferveur enthousiaste les accueillera à leur retour. Ce succès populaire ne se démentira pas les années suivantes. La course au large avait trouvé dans cette épreuve, un public qui dépassait largement le cercle des initiés. Car la force de cette course repose sur l’aventure humaine, la capacité à se dépasser soi-même pour aller tutoyer ses limites, dans un long monologue solitaire. Evidemment, avec les moyens de communication modernes, l’isolement n’est plus tout à fait le même, mais il reste l’essentiel : un être humain qui se confronte à un milieu hostile et implacable, seul, si loin de l’assistance de la terre.

Ce jour-là, j’avais tenu à les accompagner jusqu’à leur disparition derrière l’horizon. Je pensais à la pharmacie que je leur avais concoctée, une première. J’avais évidemment réfléchi à tout ce qui pouvait leur arriver sans imaginer, qu’un jour, un gars se couperait la langue. J’avais rangé les produits dans une valise un peu trop lourde, mais ils l’avaient acceptée, se disant inconsciemment qu’ils ne l’ouvriraient jamais. Elle ferait juste un bon contrepoids. Par superstition ou par défi, ils ne voulaient pas penser à l’accident ou à la maladie. Et puis, il y avait déjà suffisamment de motifs d’angoisse dans cette confrontation avec la mer pour ne pas en rajouter. Mais l’angoisse, je la portais aussi.     

 A l’époque, le téléphone satellite n’existait pas. Les liaisons avec les bateaux étaient très aléatoires avec l’appréhension de mal comprendre ou de mal évaluer la réalité d’un problème. Mais j’avais pris cet engagement. Les skippers me faisaient confiance, je me devais de ne pas les décevoir. Cette charge, cette responsabilité, je me l’étais imposée, spontanément, sans trop réfléchir, juste par passion. Je me souviens de ma rencontre avec Philippe Jeantot, l’organisateur des premières courses.  « Un médecin sur la course ? Pourquoi  pas ? Mais attention, il n’y a pas de  budget, à toi de te débrouiller ! ». Alors, j’ai démarché les laboratoires pour obtenir des échantillons de médicaments gratuits, c’était possible à l’époque. C’est ainsi que j’avais constitué les 13 pharmacies embarquées. Quant à ma disponibilité 24/24 pendant près de 4 mois, je l’avais offerte aux skippers, une manière d’être avec eux tout en restant à terre.

L’implacable angoisse de la sonnerie du téléphone

Je n’avais pas évalué la tension de l’attente des appels ni les sueurs froides face à des situations pour lesquelles il fallait trouver des solutions immédiates, simples et applicables par une personne seule. Je ne le savais pas encore mais ce « Vendée Globe Challenge », puisque c’était le nom des premières éditions, allait ouvrir de nouveaux horizons dans la compréhension de la physiologie de l’extrême, que ce soit dans la gestion du sommeil, la nutrition, la préparation physique et mentale, la téléconsultation ou les soins médicaux à distance. Sans en avoir réellement conscience, ces marins allaient nous apporter, course après course des enseignements qui nous concernent tous, dans le quotidien de notre vie à terre. Tout au long de ces 3 mois, nous allons avoir tout le temps d’en reparler.

Aujourd’hui, à quelques jours de ce neuvième départ, grâce aux formations obligatoires, ils sont mieux armés pour gérer un problème de santé. Leur suivi médical a également beaucoup évolué, avec des bilans de santé périodiques. Les tests PCR et le confinement d’une semaine avant le départ devraient leur permettre de partir sans craintes. En cas de problème, les liaisons satellites avec images et vidéos seront d’une aide incomparable. Reste le stress de cette veille qui va durer plus de 3 mois, 24 heures sur 24. Mais cette année, j’ai la chance d’avoir avec moi Laure Jacolot, médecin urgentiste à Quimper, prête à me seconder si nécessaire. Même après huit Vendée Globe, cette tension est toujours là. Elle est nécessaire pour rester vigilant avec une mission incontournable : les aider à aller jusqu’au bout de leur aventure. »

Dr Jean-Yves Chauve
Avec MACSF, Fournisseur Santé du Vendée Globe

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