Sauvetage à Lesbos (Molivos, pour ceux qui connaissent)

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Sauvetage à Lesbos (Molivos, pour ceux qui connaissent)
sujet n°113406
C'est une histoire de mer qui mérite d'être connue, je pense.
Je l'ai librement traduite de l'anglais. Mais le plus fidèlement possible, j'espère.

Elle était accompagnée d'une photo que je trouve superbe, même si très triste et que je reproduis donc ici.

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Voici une histoire de Lesvos qui ne sera jamais publiée par les media :


Il y a deux nuits, les garde-côte Grecs ont reçu un appel disant qu'un bateau de réfugiés avait des heures de retard parce que les membres de la famille restés  en Turquie n'avaient plus de nouvelles de leurs proches à bord. Après des heures de recherche dans le noir de la mer, la garde côtière a retrouvé le radeau et ramené tous ses passagers au plus proche rivage -un tout petit village de pêcheurs- où un café a été transformée en salle d'urgence de fortune.

Là-bas, des médecins et des bénévoles ont réussi à sauver tout le monde, malgré de nombreux cas d'hypothermie et d’état de choc, dont un bébé trisomique de neuf mois. Tout au long de l’opération, les réfugiés n’ont pas cessé de raconter aux travailleurs humanitaires qu'il y avait quelqu'un d'autre de perdu en mer et qu’ils devaient continuer la recherche.
...
Quand le moteur du radeau a rendu l’âme à mi-chemin de la traversée de la mer Égée et que le radeau surpeuplé a commencé à prendre l'eau, les familles à bord ont paniqué. Leurs derniers biens ont été jetés par-dessus bord. Mais ils ont continué à dériver et à couler lentement dans le noir. Depuis le boudin du radeau, un Irakien costaud et large d‘épaules a pris la parole : sa femme et ses enfants avaient été tués par les roquettes qui ont détruit sa maison. Il était seul au monde. Pour retarder le naufrage du radeau, il proposait de sauter par-dessus bord, en espérant que sans son poids, les autres à bord auraient une chance de se sauver.
Je ne sais pas combien de temps il est resté dans l‘eau, ni à quoi ressemblait cette nuit solitaire et glaciale dans la mer Égée. J'imagine qu'il a regardé les étoiles et pensé à sa femme et ses enfants, et comment il allait bientôt les rencontrer à nouveau. J'imagine qu'il pensait qu’ils seraient fiers de lui.
Pendant ce temps, les sauveteurs espagnols avaient entendu l'histoire et ils ont rapidement mobilisé les jet-skis qui sont partis dans les ténèbres pour tenter de le trouver. De temps en temps les sauveteurs ralentissaient pour scanner les eaux agitées avec des lampes torches tout en  l'appelant par son nom.

Finalement la lumière est tombée sur l'homme et son gilet de sauvetage orange gorgé d‘eau. Les sauveteurs se sont précipités et ont ramené son corps inanimé au café sur la rive. Les médecins et les bénévoles avaient peu de ressources, mais ils ont passé deux heures à lui administrer de l'oxygène et à tenter de le réchauffer. Le docteur a dit qu'il a vacillé entre la vie et la mort et qu’il n’aurait pas survécu cinq minutes de plus dans l'eau. Mais il a survécu.

Il a fini par s'asseoir et a posé des questions sur le radeau. Puis il a remercié ses sauveteurs dans toutes les langues qu'il connaissait. Je ne sais pas son nom, ni où il espère pouvoir aller, mais je sais qu'il envoie quotidiennement des SMS à ses sauveteurs pour leur dire sa gratitude. J'espère qu'il va trouver un endroit qu’il pourra à nouveau appeler « sa maison ».


Il est vrai que les réfugiés ne sont pas que des femmes et des orphelins. Il est vrai qu'ils viennent d'une culture que je ne connais que très peu. Et c'est vrai qu’il est plus facile de penser en termes généraux et de laisser la peur obscurcir notre responsabilité à l'égard des êtres humains. Mais je préférerais vivre dans un pays où vivrait cet homme qui a pensé sacrifier sa vie, plutôt que d'être membre d’une communauté qui l’exclurait.

Colleen Sinsky à Molyvos Lesbos.


Merci à Joakim B Olsen et Maria Kamal, amis bénévoles, goutte d'eau dans l'océan, (http://drapenihavet.no/en/) qui ont passé une longue nuit à sauver des vies et m'ont raconté leur histoire.
AUSSI POUR LES SAUVETEURS DE PROACTIVA D'
http://en.proactivaopenarms.org/
Et les médecins de israaid http://www.israaid.co.il/

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Peio
Haize Egoa
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réponse n°262555

.
merci




Anonyme (non vérifié)
réponse n°262557
Peio64 a écrit :
C'est une histoire de mer qui mérite d'être connue, je pense.
Je l'ai librement traduite de l'anglais. Mais le plus fidèlement possible, j'espère.

Elle était accompagnée d'une photo que je trouve superbe, même si très triste et que je reproduis donc ici.

Sans autre commentaire....

Peio
Haize Egoa

L'hsitore est magnifique, l'image égalemeent c'est le style d'image à la Toscani/Beneton que j'adore !!!!!

Du coup j'en ai fait un ficheir PDF (124 kilos) car cela mérite largement de le faire circuler partout autour de nous.
La pensée, la beauté et l'action, le tout réuni dans un seul doc.

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réponse n°262559
Germain a écrit :
Peio64 a écrit :
C'est une histoire de mer qui mérite d'être connue, je pense.
Je l'ai librement traduite de l'anglais. Mais le plus fidèlement possible, j'espère.

Elle était accompagnée d'une photo que je trouve superbe, même si très triste et que je reproduis donc ici.

Sans autre commentaire....

Peio
Haize Egoa

L'hsitore est magnifique, l'image égalemeent c'est le style d'image à la Toscani/Beneton que j'adore !!!!!

Du coup j'en ai fait un ficheir PDF (124 kilos) car cela mérite largement de le faire circuler partout autour de nous.
La pensée, la beauté et l'action, le tout réuni dans un seul doc.

 ...Sans oublier l'aide financière indispensable à ce que ces actions de sauvetage puissent continuer avec l'hiver qui arrive et ce flux de désespérés qui ne tarit pas, contre toute attente (ce qui indique bien, soit dit en passant, l'ardente nécessité qui pousse ces réfugiés à fuir).
Voir ici, par exemple : http://en.proactivaopenarms.org/ (les sauveteurs professionnels Catalans. Où sont les français ?)

La photo ? Les gilets entassés sur la plage dans la pénombre m'ont rappelé les fleurs sur les trottoirs à Paris, ces derniers jours. Il a fallu que je me fasse violence pour admettre que là, il n'y a ni fleurs ni couronne (même plus de place dans les cimetières de Lesbos !)

Merci beaucoup pour le PDF. Je vais demander à l'auteure si je peux le publier dans des organes de presse.

Il y a aussi ce problème prégnant à Leros (que tu as eu la gentillesse de traduire hier et que je rappelle ci-dessous. Mais là, il n'y a pas grand-chose à faire (sauf peut-être militer pour qu'on envoie enfin un patrouilleur français à la rescousse) :

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La nuit dernière, une énorme tempête a frappé l'île de Leros, des heures de pluies torrentielles, vents extrêmement violents et la foudre a duré longtemps dans la nuit. Dans des circonstances normales, je me serais sentie dans la crainte d'une telle puissance naturelle, je suis resté à la regarder à travers la fenêtre de ma chambre et puis, de sommeil, je me suis mise dans mon lit et je pleurais. Je pleurais pour les réfugiés que nous savions tous bloqués sur l'île militaire de Farmakonisi. Environ 160 personnes, dont beaucoup de jeunes enfants, exposés aux éléments et privés de nourriture, d'eau, de la chaleur et de la lumière. Il était impossible de dormir et je ne suis pas la seule, avec un grand nombre de bénévoles à exprimer la même honte sachant que les réfugiés étaient pourtant si proche de la sécurité et de la chaleur mais hors de notre portée.

La situation sur Leros est très unique en ce que les réfugiés viennent d'abord à terre sur l'île militaire de Farmakonisi, souvent dans des bateaux dégonflés et irrécupérables. Ils sont mouillés, ont froid et sont épuisés après leur voyage à travers la mer depuis la Turquie et certains ont des blessures faites sur les rochers. Il n'y a pas de volontaires autorisés sur cette île militaire pour recevoir et soutenir les réfugiés et nous entendons des rapports réguliers que, bien que l'aide nécessaire est donnée par l'armée pour secourir les réfugiés de la mer, le soutien est minime.

La logistique de transport des réfugiés de Farmakonisi à Leros n'est pas simple non plus. Il y a actuellement un problème mécanique avec l'un des bateaux de la garde côtière et donc il n'y a qu'un seul petit bateau de la garde côtière disponible pour faire le voyage. Nous avons entendu dire que ce bateau a trop fonctionné pour secourir les réfugiés sur d'autres îles voisines et est actuellement seulement en mesure d'apporter secours aux réfugiés de Leros pendant la nuit. Parce qu'elle est une île militaire, il existe des restrictions qui limitent l'utilisation de tous les autres bateaux de sauvetage de faire des voyages de sauvetage et en conséquence, certains réfugiés se retrouvent bloqués là pendant plusieurs jours.
(...)
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Peio
Haize Egoa

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