Jacques et Madeleine
publié le 02 Février 2006 09:45
Ce sont des inconnus. Et pour cause... Ils n'ont absolument rien écrit malgré leur 27 ans de navigation sur toutes les mers du
monde, depuis la mer de Chine et le Japon, jusqu'au cap de bonne espérance en passant par les îles du Pacifique ou celle de
l'Océan indien.
Ils n'ont même jamais pris aucune photo... Se contentant de vivre leur vie tout simplement !
Je les avais rencontré à Algésiras, puis aux îles Canaries, et puis à Dakar, il y a bien longtemps.
Jamais je n'oublierai cette première rencontre à Algésiras. C'était un dimanche matin. Un bateau en acier d'une douzaine de
mètres dont la coque pissait la rouille accosta précipitamment. Une petite vieille ressemblant à s'y méprendre à Tartine Magnole
en sauta, la cigarette au bec, et courra sur le quai en lançant :
- je n'ai pas le temps, je vais être en retard à la messe...
C'était Madeleine !
Il semble qu'il y ait toujours une bonne étoile pour les gens comme eux. LUDMAJA, leur voilier, s'était retrouvé immobilisé sur un
récif près d'une île de l'océan indien.
Chance ou malchance ? Toujours est-il que cette île était occupée par l'armée américaine. Ils furent "raccompagnés" jusqu'à
l'avion, comme il arrive que nous le fassions nous-mêmes avec les clandestins, et expulsés manumilitari vers la France. On ne
leur laissa pas même le temps de prendre leurs affaires. Ils débarquèrent à Roissy en tee short et bermuda... C'était l'hiver chez
nous si je me rappelle bien.
Quelques jours plus tard, Bernard subissait un triple pontage cardiaque.
Sans cette fortune de mer et cette expulsion, on l'aurait sans doute retrouvé mort sur son bateau...
Malgré une tentative désespérée de sauvetage du voilier par des bretons chevronnés du Crouesty, celui-ci fut
malheureusement perdu.
Jacques et Madeleine s'achetèrent un autre bateau, à moteur cette fois-ci, et s'en allèrent alors sur les fleuves européens...
Il y a quelques mois, alors que je me trouvais au Crouesty, une personne vient me voir pour m'apprendre que Jacques et
Madeleine nous avaient quitté. L'un après l'autre, à peu de temps d'intervalle.
Pas un écrit, pas une seule photo... Et pourtant, ce qu'ils vécurent durant plus de 25 ans est sans doute digne du plus grand de
nos aventuriers des temps modernes.
Que dire de plus ?
Johnny ( Walker, pas Hallyday ) n'a pas fait un pli: Madeleine, elle ne buvait pas que du vin de messe ! Et Jacques prenait son
quart comme personne ! Plus de 15 ans sont passés depuis ce jour à Las Palmas où les départs s'annonçaient: pour eux,
Madagascar, pour nous notre 1ère transat de débutants. Chignon et jupe d'un autre âge, Madeleine ramait ferme malgré ses
70 ans passés. Et nous, fascinés par ces personnages de roman, les avons écoutés, écoutés, il y avait tant à apprendre !...
Bien sûr il y avait la rouille de Lumandja, son gréement fatigué, et puis les "veilles" oû Jacques dormait, impassible au milieu des
cargos... le bout dehors n'y a d'ailleurs pas résisté quelques jours plus tard !... Déjà on sentait que pour ces deux là, comme
pour beaucoup d'entre nous, le retour à une vie de terrien, à la raison de l'âge, ne valait guère au regard d'une définitive
fortune de mer...Plus tard nous avons eu quelques nouvelles, l'écriture de Madeleine. Plus tard encore VetV les a retrouvés,
Lumandja échoué aux Chagos. Pas vraiment une surprise. Et puis ça a fait un peu de bonheur, pour C. Chabaud.
Et aujourd'hui où naviguent-ils ? Qui le sait ?
Moi en tout cas je connais un océan oû ils tirent des bords: il a nom "souvenir", là tout au fond de nos coeurs.
Alors, bon vent à toi, Jacques, et à toi, Madeleine, et à un de ces jours !
PS: on est passés au "carte noire", au catamaran, au PC. Décidemment, tout fout le camp !
Ex Kat Dan
Elle est superbe ton intervention Alain...
la premiere et la dernière fois que nous nous sommes rencontré c'était à Meaux sur la marne...madeleine avait toujours le
clop au bec et son franc parler. c'etait en 98 sur leur bateau à moteur ou nous avons diné ensemble. Jacques était un brin
nostalgique, mais paraissait résigné à se plier aux injonctions de son cardiologue...Lui, nous a raconté son activité dans
l'industrie petrolière qui lui avait permis de trouver du travail quand c'était necessaire, avant de pouvoir continuer à
naviguer...Madeleine, a insisté sur le fait que la navigation, c'était elle!! etc etc une soirée typique de voileux sur un
bateau (à moteur), et un merveilleux souvenir.
olivier
Bon voyage sur les vagues de l'infiniment bleu, et si Madeleine était si proche du Grand Captain , elle doit l' avoir pris comme
équipier
"LOIN, PLUS LOIN"
Oh ! je me suis libéré des emprises de la terre,
Pour danser sur les ondes, poussé par des voiles immaculées,
Je suis allé vers l?horizon,
J'ai rejoint des cascades chaotiques de vagues tranchées de lumière ;
Et là, j'ai vécu des moments dont vous n'avez jamais rêvé.
Roulé, tangué, et balancé, si fort sur l?océan majestueux ;
Au plus près, j'ai pourchassé le vent hurlant
Et lancé mon vaisseau au travers de fabuleuses cavernes
Pleines d'un vert infini.
Loin, plus loin, au long d'un délire de bleu brûlant
J'ai surfé l?écume balayée de vent.
Dans une sérénité que nul sterne, nul albatros n'ont jamais vécue.
Puis, alors que mon esprit silencieux s'évadait.
Au travers du sanctuaire inviolé de l'océan
J'ai sorti une main et caressé le visage de DIEU.
Sur la base de «HIGH FLIGHT » de : John GILLESPIE MAGEE jr
Bonjour,
je suis très triste d'apprendre la disparition de Jacques et Madeleine.
Nous avions rencontré Ludmadja à Lisbonne en 1985, nous étions à couple et nous avons sympathisé. j'ai toujours leur dédicace
sous forme d'encouragement sur mon livre d'or. Nous en étions à notre premier grand départ. C'est une rencontre qui marque à
tout jamais.
Bon vent à eux.
Merci pour ce magnifique hommage
JF Meunier
je viens de m'inscrire a la lecture de ce post que j'ai trouve fouillant le net de mes souvenirs de gosses...
Je suis alexis, et bien que je ne connaissait pas jacques et madeleine personellement, j'ai toujours etait proche de leur histoire et ca me fait chaud au coeaur d'apprendre leur mort meme avec six ans de retard.
En 1994 j'avais 13 ans et j'habitais a bord de tagouna (voilier de ma mere francoise) a la darse de plaisance du port-reunion et j'ai suivit de pres les preparations et retour des efforts de renfloument du Lumadja 2. Ca fait un bail et je ne me rapelle plus du nom du bateau qui etait partit (ketch de 16m en acier avec un nom malgache :)). 6 mois plus tard nous partions vers le pacifique avec Woody, un des memebres de l'expedition de renflouement, vers la nouvelle caledonie.
On a passe 7 jours en toute ilegalite en pelerinage aux south islands (chagos) endebut dec 1994. On mouillait a middle, mais on a reussit a faire une visite sur le site de l'echouage de leur bateau. les marins anglais avait echoue un boston weller et avait cache le mat sur des bidons de fuel dans la foret. A ce jour on a toujours la pelle de l'armee brittish recuperee sur le boston weller. Un peu de vengeance pour la terrible facon qu'ils ont eu de traiter jacques et madeleine.
salut a tous :)
Pour le nom du bateau peut etre Tongasoa (ou Tangaroa !?) un plan Subrero à bouchains ?
tongasoa :) c'est ca!
Quand on est mort on est mort et le vent efface sur le sable la trace de nos pas. Ou plutôt referme à jamais le sillage entre-ouvert l'espace d'un instant.
Ne restent que quelques bulles qui viennent pétiller à la surface. Et le riche sillage de Ludmadja pétille encore pour beaucoup et pour longtemps.
On s'est connu en 84 à La Réunion, pour ne plus se quitter affectivement.
Demain, je repars pour un nouveau tour de la prison. La voix de Madeleine, les histoires de Jacques me visiteront certains soirs sans lune...
Bonjour a tous
Que du plaisir a vous lire
Bons vents a tous