Le grand voilier - Michel Bigoin - Ed Zeraq - NDL

Note de lecture :
Un ”Journal de bord” émouvant et passionnant de cet autodidacte fier de lui ?
Voilà un livre étrange, difficile à classer, certes un livre de mer si les chantiers navals et leurs architectes sont aussi « la mer » et qui passionnera tous les amateurs de voiliers et les curieux car après avoir feuilleté brièvement le Grand Voilier on peut se dire « je n'arriverai jamais au bout de ce livre, trop technique pour moi et sans doute indigeste ». Mais une petite voix dit qu'il faut quand même l'ouvrir, au moins lire le début. Et finalement on arrive jusqu'au bout. Certes il se peut que vous passiez quelques pages mais le plus important est de découvrir un homme, un homme de l'art qui éblouit sa façon de vivre sa passion : la construction des bateaux.
C’est la carrière de Michel Bigoin, grand architecte naval polyvalent mais piètre écrivain, qui y est déroulée et, du fait même, un demi-siècle d’évolution des voiliers. Apprenti d'abord en région parisienne, devenu fin régatier, il s'est formé sur le tas en suivant des cours du soir dans tous les corps de métiers touchant à la construction navale, s'est reconverti plusieurs fois, innovant sans cesse, utilisant de nouveaux matériaux, cherchant et trouvant des solutions inédites, jusqu'à devenir un des plus grands dans sa profession.
On y trouve aussi des descriptions, sans langue de bois, de quelques grands marins comme Colas ou Tabarly, de grands architectes comme Herbulot et aussi de grands passionnés comme Deferre ou non marins comme Tapie. Ce récit nous fait toucher du doigt les moments clefs de la construction navale depuis les années 50 et l'étendue de l'apport de Michel Bigoin. Nous découvrons l'histoire de bateaux de légende : le Club Med, Penduick V, leur gestation et leur fabrication, le contexte qui les a vus naître. Le palmarès architectural de Bigoin est impressionnant Il a tout construit, du plus petit au plus grand des voiliers, des bateaux à moteur pour la plaisance ou le travail pour les plate-formes pétrolières, en passant par des jonques. Surnommé "le sorcier" par le maire de Marseille, il a sauvé et transformé d'innombrables bateaux, accomplissant de véritables prodiges.
Grâce à ses compétences mais aussi à sa disponibilité et à son intégrité, il a su trouver les bonnes personnes, au bon moment. Car chaque nouveau bateau est d'abord le résultat d'une rencontre.
C’est ce qui rend passionnant la lecture de cette page d’histoire de la voile de plaisance. Le texte est un peu noyé de précisions techniques mais c’est ce qui le rend original et intéressant par rapport aux histoires journalistiques de ces Trente Glorieuses de la voile. Bigoin a eu de brillants succès architecturaux ; on peut regretter sa propension à s’attribuer des lauriers sans doute mérités mais était-ce à lui de le faire ? Un autre aspect de sa saga est son origine comme modeste travailleur manuel ainsi que sa volonté de rester un directeur de chantier naval et non un architecte en chambre. Ses débuts comme régatier en dériveur au CVP expliquent sans doute cette volonté de n’être pas seulement dans les plans.
De tout ce qu’il a été, de ce qu’il a fait, écrit, dessiné, peint, photographié. De tout ce qu’il a imaginé, conçu, construit ; on peut rester ébahi. Même mal écrit, ce récit constituera sans doute un des livres incontournables sur l’histoire de la voile moderne. Il est foisonnant d'informations, les spécialistes y trouveront une foule d'explications, extrêmement précises. Les néophytes, que la navigation fait rêver, goûteront le plaisir de côtoyer de magnifiques bateaux.
Merci à Zeraq, qui ne nous avait pas habitués à de « beaux » livres, de l’avoir publié.
Jacques de Certaines, Françoise Tran et Anne Goursat pour la commission Livres De Mer
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