Notre transat Cuba - Les Açores
Le 23 mai, Katia rejoint la France tandis que Pierre et Arnaud arrivent à La Havane. Une journée de visite et nous rejoignons Spip pour préparer notre grande traversée.
Vendredi 27 mai 2016, il est 12h30 quand nous quittons la marina Hemingway après avoir fait le plein de gas-oil et accompli les formalités de sortie de Cuba. Après étude des prévisions météo, nous savons que nous allons avoir le vent dans le nez pour rejoindre les côtes de Floride où nous trouverons le Gulf Stream qui nous poussera gentiment vers le nord des Bermudes où nous ferons peut-être escale d'ici une semaine pour avitailler en denrées fraîches.
En fait le vent retourne dans l'est et nous faisons quasi route directe sur le même bord vers la côte sud-est de la Floride que nous longeons, à bonne distance des Bahamas. Nous apercevons les nombreux phares qui marquent les Florida Keys. Nous avons opté pour des quarts de trois heures chacun et réglé nos montres sur l'heure universel : nous ne changerons donc plus d'heure d'ici Les Açores où c'est l'heure légale. Rapidement la routine des quarts s'installe et chacun trouve son rythme. Nous profitons d'un bord au moteur faute de vent pour prendre un dernier bain dans les eaux chaudes de la côte américaine. Nous sommes au large de Miami, dont nous apercevons clairement les buildings, lorsque les Coast Guards US viennent nous interroger sur notre destination.
Le téléphone satellite nous permet de recevoir régulièrement les cartes météo et les prévisions nous montrent une grande zone de calmes sur une route directe vers les Bermudes. Le 30 mai, après consultation de l'équipage, je décide de continuer à monter vers le nord-nord-est pour trouver des vents favorables : nous ne ferons donc pas halte aux Bermudes. Le vent reste dans un secteur ouest à sud, avec quelques périodes de calme plat ; nous passons même une journée sous spi que Pierre a si bien réglé que nous laissons la barre au pilote automatique !
De gros orages se forment en fin de journées et illuminent souvent nos quarts de nuit : très impressionnants, heureusement ils sont à bonne distance de Spip. Nous sentons que nous quittons les tropiques : les températures baissent et je dois ressortir mes pantalons (il y a sept mois que je n'en ai pas portés !!!). La vie à bord a trouvé son rythme. Les vivres, achetés avant d'être à Cuba, (Merci Katia pour l'intendance !) permettent à chacun de mettre en pratique ses dons culinaires. Nous conservons plus d'une semaine les fruits et légumes embarqués à Cuba. Ensuite nous passons aux conserves...
Spip avance bien, Pierre et Arnaud tentent de battre le record des 200 milles en 24 heures (établi avec Katia au large du Brésil...) mais leurs efforts ne seront pas couronnés de succès malgré de belles performances. Et pourtant Pierre nous réglait les voiles au quart de poil, comme si nous étions en régate. Quelques incidents viennent rompre le train-train de notre navigation : par exemple, remplacement de la ferrure d'écoute de grand voile sur la bôme, ou encore ascension en haut du mât pour dégager la drisse de génois enroulée autour de l'étai.
Après avoir vu un cachalot à un dizaine de mètres du bateau et une belle nuit sans lune mais pleine d'étoiles filantes, le 6 juin, les fichiers météo nous annoncent l'arrivée, dans deux jours, d'une grosse dépression avec des vents de 76 nœuds (140km/h ). Pour y échapper, une seule solution : faire route vers le sud-est. Et dire que nous étions quasiment sur la route orthodromique vers Les Açores mais tout le monde à bord est d'accord pour cette option sécuritaire. Nous affalons le génois pour refaire quelques coutures qu'un vent fort risquerait d'aggraver. Ce n'est que trois jours après que nous pouvons reprendre une route en direction de l'archipel portugais.
Encore quelques incidents de parcours : changement de la turbine de pompe à eau de mer et fabrication de joints (Merci Édouard pour l'assistance mécanique à distance !) puis réparation de la rotule de pilote automatique. Mais aussi le plaisir de rencontres inattendues comme cette belle tortue verte ou cette étrange bestiole qui flotte en surface. Elle nous intrigue tellement que Pierre en pêche une avec un haveneau et nous la mettons dans un seau pour l'observer. Nous apprendrons plus tard par le web que cette « vessie de mer » ou « galère portugaise » est extrêmement dangereuse (voir ici ). Nous sommes étonnés de la présence d'oiseaux (océanites et puffins) très au large mais il y a moins de poissons volants que plus au sud. Côté pêche, nous avons vite renoncé en pensant que nous n'étions vraiment pas doué mais nous nous apercevrons à Horta que personne n'a péché pendant sa traversée. On se rattrapera sur les thons en entrant en France !...
es dix derniers jours se font sur le même bord avec des vents modérés ce qui permet à chaque membre de l'équipage de s'adonner à ses passes-temps favoris : lecture, sudoku, musique, films, mais aussi tarot, scrabble ou qwirkle... Nous ne nous lassons pas du spectacle quasi quotidien des couchers de soleil guettant, en vain, le fameux rayon vert. L'homme de quart au petit matin a en plus droit au lever du soleil et, des premières lueurs de l'aube à l'apparition du disque complet, certains donnent lieu à un spectacle aussi beau que sa lente disparition. Quand aux nuits, comment vous faire partager le sentiment d'infiniment petit et l'impression de solitude absolue qui nous envahit lorsque, au milieu de l'océan, allongé dans le cockpit de Spip alors que le reste de l'équipage dort, la voûte céleste se révèle dans toute sa splendeur, surtout les nuits sans lune.
Au vingt-deuxième jour, Arnaud - qui a entendu le souffle tout proche d'un cachalot dans la nuit - est le premier a apercevoir le Pico dont le sommet qui culmine à 2500 mètres dépasse au-dessus d'un gros banc de nuages. Finalement, la nuit sera tombée à l'approche de Faial et c'est au moteur que nous parcourons les derniers milles avant d'accoster dans le port d'Horta, tous les trois ravis de cette transat et des trois mille milles parcourus.
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