Vendée-Globe : les chroniques de Jean-Yves Chauve ! 2. " Un virus maître des horloges "

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Vendée-Globe : les chroniques de Jean-Yves Chauve ! 2. " Un virus maître des horloges "
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Vendée-Globe : les chroniques de Jean-Yves Chauve !

 " Un virus maître des horloges "

Jean-Yves Chauve, le médecin de course du Vendée Globe, fait face avec l'organisation à la crise sanitaire. Il raconte comment se mène  la prévention des skippers, de l'organisation et du public face à la Covid-19.

"Le temps s’égrène, lentement. Il y a toujours de l’impatience dans cette attente du départ qui semble ne jamais devoir finir. Depuis mon bureau médical du PC course, je vois les préparateurs qui s’activent sur le pont ou à l’intérieur des bateaux, peaufinant le moindre détail. Tout est prêt, mais dans leur tête, jamais vraiment tout à fait. Car ces machines, capables d’affronter les mers les plus dures pendant près de 3 mois, ont leurs fragilités. L’assemblage de cette multitude de pièces est à la merci de la défaillance de la moindre d’entre elles. Alors, avec une rigueur à la hauteur de leur engagement auprès du skipper, ils traquent la moindre usure ou la torsion incontrôlée qui, jour après jour, choc après choc, peut conduire à la rupture.

Je connais la plupart d’entre eux. Très attachés à leur skipper, partageant souvent les navigations d’entraînement, ils sont totalement investis dans leur mission, préparant le bateau sans compter ni leurs heures ni leurs efforts. Je les accueille parfois, pour soigner une blessure ou un mal de tête ou encore pour compléter la pharmacie de bord dont ils ont la charge. On en profite pour évoquer ensemble un vécu partagé, une anecdote, le plus souvent lors d’une course.

Ils me questionnent aussi sur la gestion de ce virus qui, à tout prix, ne doit pas être embarqué. Ce passager clandestin, cet alien, viendrait sans scrupules frapper le skipper une fois la ligne de départ franchie.

Depuis plusieurs mois, nous avons travaillé à un protocole précis pour en préserver le skipper tout en permettant une préparation finale dans les meilleures conditions.

Un véritable cordon sanitaire s’est organisé autour d’eux. Chaque intervenant dûment répertorié doit présenter un test PCR négatif avant de pouvoir s’approcher du skipper. Les membres de l’organisation du Vendée Globe présents au quotidien sur le site sont soumis à des tests PCR hebdomadaires. Un résultat positif, et c’est l’exclusion immédiate du village. Dans la même logique, les équipes de chaque skipper ont dû désigner un responsable COVID dont le rôle est d’assurer le suivi des tests et de faire respecter les règles sanitaires que ce soit pour le port du masque ou le lavage des mains.

A 12 jours du départ, les contraintes de protection s’intensifient encore, avec la définition de 3 groupes de personnes : le skipper et son entourage proche, l’éventuel skipper remplaçant et son propre entourage, les 4 préparateurs présents sur le bateau le jour du départ pour aider à sortir du port et à hisser les voiles.

Les 30 ou 31 octobre, les membres de chaque groupe devront subir un test PCR suivi d’une prise de sang à la recherche d’anticorps anti-COVID. Leur présence démontrerait une contamination antérieure par le virus et donc une immunisation.

Puis ils vont devoir se confiner le 1er novembre, chaque groupe dans un lieu différent et ce, jusqu’au jour du départ. Pour s’assurer une nouvelle fois que tout risque de contamination est écarté, un nouveau test PCR sera effectué le 6 novembre pour chacun des groupes.

Pour les skippers, cet isolement forcé est plus ou moins bien vécu. Certains considèrent cela comme un avantage, une sorte d’immersion progressive dans la solitude de leur voyage, loin des sollicitations des médias et des sponsors. Ils se savent prêts, et apprécient de pouvoir décompresser et de partager des moments privilégiés avec leurs proches dont ils vont être frustrés pendant 3 mois. D’autres, au contraire, vivent mal le fait de devoir être séparés de leur compagnon de mer avec lequel ils vont vivre cette épreuve. Ils auraient aimé pouvoir sortir en mer encore et encore, jusqu’au jour du départ, pour bien rester en phase, pour ne pas avoir l’impression désagréable d’être déconnecté, de perdre ce rapport intime avec la mer et leur bateau, même pour quelques jours.

Une fois le départ donné, si par malheur un concurrent devait revenir au port pour réparer, il aura la possibilité de rester au mouillage sur une bouée, à l’extérieur du port. Seuls les préparateurs présents au départ pourront monter à bord. Si la réparation nécessitait de rentrer au port, le skipper, une fois extrait du bateau, se reconfinera le temps des réparations. Il aura jusqu’au 18 novembre pour repartir à condition d’avoir un nouveau test PCR négatif.

Enfin, si l’infection se développait avec des conséquences qui ne permettraient pas au skipper de revenir au port, les services de secours seraient alertés pour le prendre en charge.

Mais après une première semaine de mer, la COVID sera loin dans leur sillage. Leur confinement volontaire de 3 mois les éloignera des miasmes de la terre. D’autres enjeux les attendront, moins sournois. Ceux-là, ils les connaissent. La dépression trop profonde qu’il faut esquiver, les calmes du Pot au noir dont il faut s’extraire. Ils vont enfin vivre ce qu’ils attendent, une aventure qui ne se joue pas à l’échelle microscopique mais bien à la dimension planétaire.

Dr Jean-Yves CHAUVE
Avec MACSF, Fournisseur Santé du Vendée Globe

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