Une procédure d’évacuation à 3

Ce jeudi 20 mars débute notre transpacifique en direction des Marquises (1er archipel de la Polynésie française).
Les préparatifs (avec notre équipier Bruno arrivé de Lorient la semaine dernière pour ces 4 semaines de navigation) s’accompagnent inévitablement de l’actualisation de la procédure d’évacuation du bateau,
Avis unanime: La meilleure des évacuations est celle où l’on reste à bord !
Mais alors Quand ? Quoi? Et surtout Comment évacuer?
1 Quand?
L’incendie non maitrisé reste la cause première justifiant de quitter le bord.
L’OFNI (Objet Flottant Non Identifié) container flottant entre 2 eaux … ou baleine endormie est la 2ème cause. Les dégâts de la collision peuvent couler le bateau… ou pas.
Il convient alors de préparer le radeau de survie mais de rester à bord si c’est possible. En tout cas amarré au bateau (cordage homologué de 10 m) tant que notre « maison » flotte.
Dans les 2 cas il est recommandé de ne couper le précieux « cordon ombilical » de 10 m qui retient le radeau au voilier que lorsque le radeau est lui même menacé soit parce que le bateau sombre, soit parce que l’incendie risque de l’atteindre.
Pour les secours, avion ou cargo: Un bateau se repère mieux qu’un radeau (et reste plus « confortable »).
L’alerte sur le canal 16 de la VHF
À proximité des zones fréquentées par les navigateurs une alerte sur le canal 16 de la VHF (Very High Frequency) est rapidement captée.
Au milieu de l’océan, la réception de l’alerte VHF dépend des cargos aux alentours. Elle peut miraculeusement être captée par un plaisancier « à proximité » disons avec notre VHF fixe de 25Watts pas très performante dans un rayon de 15-18 milles nautiques.
Pour les traversées, les voiliers partent souvent « ensemble » même si nous allons nous perdre de vue et quasi certainement de portée de VHF.
Mais en ayant activé la priorité mobile de Starlink (2 Euros/ giga) nous accédons à tous les trackers des bateaux copains (Polarsteps, Noforeignland … et autres ).
L’alerte par balise de détresse
Quand il n’y a plus de VHF ni de Starlink, (qui nécessitent toutes 2 de l’électricité du bord) le Saint Graal de l’alerte hauturière demeure la balise de détresse EPIRB. (Emergency Position Indicating Radio Beacom). Obligatoire à bord.
La balise envoie un message satellite pris mondialement en charge par plus de 200 états et pour les français cette alerte est orchestrée par le CROSS GRIS-NEZ dès les premières minutes.
Puis toutes les secondes et au moins pendant 48 heures un signal de 5 watts porteur d’un code à 10 chiffres des caractéristiques géolocalisées du navire et de l’équipage.
La balise se déclenche automatiquement au contact avec l’eau ou manuellement.
Donc dans l’idéal, l’alerte est donnée avant l’évacuation.
2 QUOI emporter ?
Pour tenir jusqu’à l’arrivée des secours et faire face aux exigences administratives après, voici ce que Patrick et moi rassemblerons avant une grande traversée dans un sac à dos sous la table à carte. Et qui n’y sont pas d’ordinaire.
-Une pochette S’IDENTIFIER
Pour nous passeport /CB/ espèces/ permis de conduire/ fiche médicale plus exhaustive que celle de « Toulouse PURPAN » dédiée aux prises en charge de l’urgence.
Pour le bateau: l’original de l’acte de francisation
Le tout en plus scanné et sauvegardé sur le cloud. comme toutes nos clearances et « Zarpé(s) de navigation. »
Dans ce sac à dos je rajoute
Une pochette ALERTER (l’EPIRB, les fusées, le miroir de signalisation, le sifflet, la VHF portable avec sa batterie de secours chargée…)
Une pochette SE SITUER sur l’ancienne carte papier et compas de relèvement …à défaut de savoir se servir de notre sextant! Nul n’est parfait!
Une pochette SE GEOLOCALISER sera à enfourner au dernier moment: Nos iPhones et iPads tous les 4 équipés de GPS et d’applications de navigation hors lignes. Leurs connectiques et le chargeur solaire.
Notre équipier aura son propre sac à dos étanche avec la même pochette S’IDENTIFIER et sa pochette vêtements. Pour le reste nous partagerons.
Dans nos 2 bidons de survie de 15L
Ci dessous « le reste » c’est à dire le contenu de nos 2 bidons étanches de survie. Je vous explique.
Suite aux récits avec vidéos à l’appui de la misère scandaleuse des kits de survie, nous avons fait le choix de préparer nous même les nôtres. Les fabricants prévoient cette possibilité!
Une pochette Essentiel
Frontale + piles dans un sac étanche
Lampe solaire
Couteau suisse/opinel
Cordelette de 6 m environ
Briquet dans un sac étanche
Chiffons microfibres
Une pochette Se réchauffer:
Chaussettes Néoprène+ bonnet
Lycra haut et legging
Couverture de survie
Une pochette s’hydrater
Eau gélifiée de survie
Véritable éponge neuve
Dessalinisateur de survie
Une pochette Se nourrir
Rations de survie pour 1 semaine à 3
3 cuillères en bois
Bonbons menthe
Une pochette Se protéger
Crème solaire indice 50
Lunette de soleil à notre vue
Visière/casquette
Gants Néoprène
Une pochette Se nettoyer/éliminer
Lingettes de toilette, savon
Sacs hygiéniques biodégradables
Une pochette Se soigner
Gel hydroalcoolique
Paracetamol. Augmentin
Dosettes Sérum physiologique
Dosettes chlohexidine
Pansement compressif/ Bandage ou jersey
Pince à épiler.
Une pochette Pêcher
Ligne de pêche
Hameçons
Je les inspecte mensuellement. Notre équipier Bruno nous a ramené des bons repas lyophilisés d’une boutique spécialisée à Lorient pour remplacer ceux de Décathlon périmés l’été prochain.
3 Le nerf de l’évacuation est le « comment? »
- Comment se retrouver dans ce radeau ? Et pourquoi pas l’annexe?
- Qui fait quoi?
Nous y réfléchissions en dégustant le plat du jour du restaurant italien de VISTA MAR Marina 92 km à l’ouest de Panama City).
Il était 13heures. Une brise rafraîchissait les 35 degrés à l’ombre. Les glaçons tintinnabulaient dans l’eau gazeuse.
Croix du Sud était amarré devant nos yeux à côté de l’Outremer45 de Charline PICON triple médaillée olympique de planche à voile, que nous avions arbitré Patrick (CT) et moi (CC) il y a quelques années. Eux aussi attendaient… du matos. Ici tout le monde attend …du matos ou un équipier, ou prépare à sec sur le chantier.
Bref, la procédure est complexe à se représenter puisque tellement tributaire du type d’avarie, des conditions de mer…et de l’état de santé de chacun.
Nous vous livrons modestement l’avancée de nos réflexions, persuadés que tout est améliorable. Mais l’essentiel est sans doute d’avoir tenté une représentation mentale de la (més)aventure.
38 kg à « lancer » par dessus bord
Première étape mettre à l’eau le radeau de survie
…en le faisant glisser sous les filières les plus proches donc bâbord.
Au préalable, le sortir de son emplacement.
Il est astucieusement stocké dans un coin du trampoline. Une étalingure l’y maintient suivie d’un bout de 10m à l’intérieur.
Chaque plaisancier frémit quand il s’agit de manipuler le radeau de survie : pas seulement pour la révision de 500 euros tous les 3 ans (pour d’un radeau d’environ 1200 euros) mais à cause du poids.
La nôtre, « 6 places off-shore pour tenir-24 heures » ne pèse que 38 kg.
Je m’imagine mal tentant de le soulever de son « étagère » astucieusement placé par le chantier Outremer sous le trampoline (ce qui permet de récupérer le radeau si le catamaran se retourne à l’envers). Patrick estime que dans ce genre d’occasion, nous savons puiser des forces insoupçonnées. Je pense qu’il a raison.
Bref, je vous décris l’affaire: 2 demi-coques rigides sanglées protègent le précieux radeau. Le tout académiquement plié et replié soit (en cm) 71,5 x 50,5 x 23.
Bien entendu vous imaginez sans peine que le bateau bouge et que forcément c’est la nuit! Comme les accouchements dans nos imaginaires, c’est toujours la nuit, ces choses là!
Pour le gonfler automatiquement une grosse et lourde cartouche de gaz y est enfermée. On la dégoupille en basculant la coque à la mer en tirant violemment sur le bout prévu à cet effet.
Et l’annexe, le « dinghy »?
Certains plaisanciers envisagent s’il faut quitter le bord de partir également avec le dinghy si les conditions de mer le permettent.
D’abord parce que le marin connaît son annexe et ses facilités de mise à l’eau. L’annexe est plus solide que le radeau vulnérable aux accros.
Ensuite parce le fond de l’annexe isole mieux de l’élément liquide. On dort mieux dans une annexe que sur le mince fond mouvant froid et humide d’une survie (voir YouTube Parley Revival : Vivre 48 heures dans un radeau)
Puis en théorie pour emmener plus de choses… outre les précieux bidons d’eau. Évidemment en espérant que l’annexe ne se retourne pas. C’est son gros, très gros point faible.
Enfin l’annexe est plus facile à manœuvrer (moteur HB et rames conséquentes) s’il s’agit de se rapprocher d’un cargo.
La supériorité du radeau de sauvetage est incontestablement la tente bien fermée qui protège des éléments liquides et du soleil, et surtout surtout qui permet de rouler dans les vagues choses que le dinghy ne sait faire. Des sangles permettent d’ailleurs de s’attacher à l’intérieur comme dans tout bon manège à sensation.
Sous le radeau des poches anti retournement lestent le radeau pour qu’il se redresse dans le bon sens après ses éventuels tonneaux dans les vagues.
Encore faut-il qu’il se gonfle c’est pourquoi la réglementation prévoit la révision tous les 3 ans et une durée de vie de 15 ans.
A ce stade de notre récit empreint de quiétude, vous avez sûrement envie de foncer à la fête foraine la plus proche pour tester ces magnifiques sensations et nous en dire des nouvelles…
4 Le Comment?
Nous repassons dans nos mémoires le film des entraînements survie quasi-quotidien auxquels nous avons assisté pendant nos 2 mois à Lanzarote en 2022, (Canaries). Croix du Sud était amarré en face de l’école de la marine !
Les étudiants étaient évidemment équipés de leur brassière de sauvetage…qui inévitablement se gonflaient lorsqu’ils (elles) se jetaient à l’eau pour gagner le radeau de sauvetage.
Engoncé(e)s et désarticulé(e)s ils (elles) peinaient à se hâler à la queue leu leu le long du filin pour gagner (sans le lâcher sous peine de recommencer) le radeau de sauvetage.
Le clou du spectacle était les innombrables tentatives pour se hisser à bord tant ils étaient boudinés.
Donc nous devons bien avoir en tête cette réduction de notre mobilité pour passer de Croix du Sud au radeau et pour récupérer ce qui peut l’être.
Je ne pense pas que l’on puisse capeler un sac à dos étanche alors même que les brassières vont se gonfler quand nous sauterons à l’eau.
Les brassières-harnais de sauvetage sont équipées d’une ligne de vie longue et d’une courte avec un mousqueton à chaque extrémité.
En cas d’évacuation,
-nous utiliserions la ligne de vie longue de notre harnais pour nous attacher au cordon ombilical de 10m
La ligne de vie courte pour arrimer notre bagage.
Donc si hélas, le moment de se mettre à l’eau arrivait, chacun de nous 3 devrait voyager le long du cordon ombilical avec un petit bagage étanche.
La longueur du mousqueton long ne devrait pas nous empêcher de nous hisser à bord du radeau de survie. Une petite échelle de sangle est prévue à cet effet.
Enfin nous tirerions à bord le bagage que nous avions arrimer au mousqueton court. Ou peut être vaut il mieux faire l’inverse? Qu’en pensez- oui?
Conclusion Qui fait quoi ? « la procédure »:
Les brassières harnais capelées pour tous
- Une personne dite « EPIRB »
-sort la balise de son socle , déclenche l’alerte, met la balise dans le sac étanche où se trouve déjà les pochettes S’identifier/ Alerter/ Se situer/ Se geolocaliser
- attache aux lignes de vie du bateau sacs et bidons étanches pour que le moment venu ils puissent coulisser jusqu’au lieu de l’embarquement. (En attendant cet ultime moment sacs et bidons peuvent rester amarrés à l’entrée du cockpit là où commence la ligne de vie du bateau).
- 2 personnes dites « RADEAU » se chargent de mettre le radeau de sécurité à l’eau et de déterminer l’endroit optimum pour embarquer. L’étalingure ne doit bien sûr n’être sectionnée que si le cordon ombilical (la sangle de 10m) est frappée solidement ailleurs.
Si les conditions de mer le permettent et que c’est le choix retenu, ce sera le moment mettre l’annexe à l’eau et de la maintenir près du radeau de survie à l’endroit optimum pour embarquer. Puis d’y charger un jerrican de 20L d’eau.
Il peut être raisonnable de garder les autres jerricans de 20L à bord…si jamais on arrivait à sursoir à l’évacuation.
Donc nous serons 3 avec Bruno pour cette traversée de l’Est du Pacifique-Est. Les frasques d’OTO le pilote et nos diverses avaries nous ont convaincus au fil des mois de ce choix.
-6764 km (en théorie) en direction des premières îles de la Polynésie françaises: l’archipel des Marquises -quelques 4000 milles nautiques (en théorie).
Nous avons trouvé notre équipier grâce à l’application « Vogue avec moi » à laquelle une de nos associations, l’Union des Plaisanciers français, adhère depuis 15 ans.
Nous devrions réussir à poster une étape (texte, photos) chaque jour sur l’application gratuite POLARSTEPS.
Si vous ne l’avez pas encore téléchargé, n’hésitez pas à le faire: le tracker vous indiquera à la minute près où nous serons sur l’océan.
Rechercher soit « SylvieBrabanCottetEmard » soit « Seniors Des flots » soit « Pacifique… la découverte! »
Nous serions ravis d’y lire vos encouragements
Suivez mon voyage « Pacifique: la découverte! »
https://www.polarsteps.com/SylvieBrabanCottetEmard/15573943-la-4eme-anne...
Les Seniors Des Flots à bord de Croix du Sud vous souhaitent un agréable printemps 2025.
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