AVARIE, AU HORN DES CARAÏBES

Posté par : Sylvie et Patrick
12 Octubre 2023 à 15h
Última actualización 12 Octubre 2023 à 20h
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Le mercredi 27 septembre 2023 dernier, à 10h14, Croix du Sud a retrouvé son élément liquide!

C’est bon de sentir à nouveau les mouvements du bateau, d’entendre le clapotis sur les coques.

Et plus prosaïquement de retrouver l’usage de nos WC et de nos douches!

Croix du Sud devant la mangrove à Aruba. Enfin à l’eau ! Et tout beau !

Nous longeons le lagon pour aller faire nos formalités de sortie, manches longues et chapeau du désert…

Nous avons une météo incroyablement calme après le coup de vent de 30 bons noeuds de la semaine passée.

Au Horn des Caraïbes - où nous passerons- le vent est monté à presque 40 noeuds.

« Il faut y aller » nous dit Paul, le capitaine français de notre  Chantier-Marina d’Aruba. « C’est exceptionnel, cela ne va pas durer ».

« Mais les orages Paul??? » Paul lève épaules et sourcils avec fatalisme…

 

Géographie

A l’extrémité sud de la Cordillère des Andes, vous connaissez le redouté Cap Horn.

A l’extrémité nord, vous ne connaissez pas son méchant petit frère le Horn des Caraïbes. Nous non plus.

L’information, il y a quelques mois nous avait laissé dubitatifs. Et curieux: En quoi l’immense chaine montagneuse de l’Amérique du Sud pouvait-elle influencer nos navigations en mer des Caraïbes? Explications:

La Cordillière des Andes: 2ème  plus haute chaîne après l’Himalaya mais première en longueur et en étendue avec près de 9000 km  et plus de 100 sommets qui dépassent les 6000m d’altitude.

Le Horn des Caraïbes

Il conjugue les 4 éléments air, eau, feu, terre,  avec un « 5ème élément » et… le « côté obscure de la force » ( Vous appréciez n’est ce pas, ces évocations cinématographiques pour aiguiser votre curiosité…LOL!)

L’air = le  vent La cordillère des Andes se divise en trois en Colombie et la branche qui atteint la côte où nous allons culmine encore à 5775 m d’altitude!  Un tel arrêtoir oblige les puissants alizés atlantiques à se déporter, donc à accélérer.

L’eau : Dessus et dessous, ce n’est guère plus calme.  La cordillère plonge à quelques encablures du rivage où la mer y est hachée par vagues et courants tournants. A Santa Marta au pied des 5775m, la taille des 4 imposants  remorqueurs laisse songeur…

Nous traverserons des courants traçant dans la mer des boulevards impressionnants de branchages entremêlés de plastiques et de bouteilles de soda.

Le feu = les orages. Le Nord de la Colombie est aussi sur le podium des régions les plus orageuses du globe. En 2ème position après les  Philippines. D’Aruba nous avons pu “admirer “ les salves de foudre éclairant le ciel tropical.
Patrick s’est longuement penché depuis le printemps dernier sur le sujet. Comment protéger le catamaran   d’orages qui sont capables de remonter CONTRE le vent à plus de 400km/h??? Un dispositif existe pour repousser la foudre; à mettre en tête de mât…

De mon côté, j’ai tenté de comprendre en quoi l’indice Cape des prévisions météo de Weather 4D ou de Windy ( un  indice que je ne connaissais ni d’Ève ne d’Adam) pouvait être prédictif d’orages…et bien, ce n’est pas simple DU TOUT!

La terre = les boues 

Le fleuve Magdalena, gigantesque, se jette ici. 1500km de voie navigable dévalant du Sud au Nord les pentes de la cordillère andine. Il charrie des boues modifiant les hauteurs des fonds et des OFNI  et autres billots de bois contendants pour nos coques loin au large. Des déferlantes aussi. Un voilier copain s’y est trouvé détruit il y a quelques mois.
Nous le passerons donc à 10 milles au large tant que  l’eau sera marron puis 6 milles quand elle aura retrouvé sa couleur bleue.

 

Le côté noir de la Force

La Piraterie vénézuélienne. L’embargo dont souffre le Venezuela a favorisé les actes de piraterie (soutenus officiellement par leur président) à l’encontre des plaisanciers.
Nous appliquerons les recommandations classiques:se mettre en mode furtif à l’AIS (couper l’émission de notre position et ne garder que la réception des positions des autres).Couper le radar, et bien entendu, ne pas mettre les feux de navigation la nuit. 

 

Le trajet de Croix du Sud depuis Aruba vers PuertoVelero (Barranquilla).
Sur 350 milles seuls les premiers 50-70 milles ont été exposés à une éventuelle piraterie venezuelienne, que nous évitons en montant vers le Nord.

 

Reste « le 5ème élément » comprenez, non pas le film déjanté de Luc Besson, mais tout simplement notre bonne étoile. Et la préparation.

Au total quand nous levons l’ancre le samedi matin, nous n’en menons pas large. J’ai passé la moitié de la nuit à refaire tous les scénari de route pour jongler entre les orages prévisionnels, ce qui n’est pas très malin avant 2 ou peut être 3 nuits de quart. Mais bon, j’espère avoir trouvé.

 

Le samedi, premier jour, le ciel est couvert et nous nous en tirons avec 2 heures de douches chaudes qui nous permettent de récupérer 40 litres d’eau de pluie pour l’usage domestique.

Le dimanche, 2ème jour, il fait trop beau. Trop chaud. Nous savourons cependant cette journée étrangement idyllique. La côte colombienne est sublime,  étagée avec les neiges éternelles qui brillent au loin. Après des semaines de désert arubéen, nous sommes sous le charme.

 

L’avarie de la 2ème nuit

Mais avec le coucher du soleil, comme prévu, le ciel bleu disparaît derrière de lourds nuages orageux, nous encerclant sur 360°.

A 21 heures, les éclairs sont incessants, immenses, à bonne distance cependant puisque l’on entend à peine le tonnerre (je me raisonne !): notre indice cape ne dépasse pas 2700 Joules/kg (J’y crois ! ).

Tout autour, là bas, au loin (Si! Si! C’est au loin!)  c’est  du 3600 Joules/kg voir 3700 J/kg. Sur une échelle qui s’arrête à 4000J/kg.

Pas de pluie, plus de vent, une mer presque lisse.

Tout est noir, ou blanc de foudres horizontales entre les nuages ou verticales frappant l’océan.

Tout autour, partout. Le ciel est déchiré de stries aveuglantes.

Nous ne disons plus rien. Économie d’émotions. Au centre, nous  et  Croix du Sud, si petits.

 

Moteurs 2 x 30 CV à 6,5 noeuds. Sans voiles.

Rester dans trajet et tempo salvateurs.

 

Soudain nous sommes « cueillis » par du 25-30 noeuds, venu de nulle part, tourbillonnant.

La rafale « prend » dans le milieu du Gennaker que nous pensions enroulé serré et fini par le dérouler partiellement.

Patrick se précipite pour l’affaler. La rafale entraîne le lourd étai largable et la voile à l’eau.

Je coupe les moteurs et je cours l’aider sur le trampoline.

La voile est tellement pleine d’eau que la hâler tord le chandelier avant tribord.

Nous nous étendons au fur et à mesure dessus pour que le vent ne reprenne pas dedans, classique.

La rafale se calme et disparaît. Nous le rentrons dans son coffre avant bâbord …. Soulagés de l’avoir sauvé.

Sans voir le pire…

 

Les 2 cordages qui retenaient le triangle (appelé tangon) avant ont lâché. D’ordinaire le dispositif est sécurisé en laissant à poste la drisse de spi, à la place de l’étai largable, que nous venons de retirer.

Tandis que les moteurs tournent à bonne allure pour rester dans le tempo du routage et échapper aux orages,  ce petit « tangon » bat à chaque vague jusqu’à arracher ses fixations et dessouder la  protection de la  martingale », (terme technique) cette grande pièce  arc-boutée sur la poutre avant qui tient l‘ étai, ET DONC LE MÂT.

Quand Patrick s’en aperçoit il est trop tard, le mal est fait.


Désolée de l’alteration des clichés. Pour des photos de meilleure qualité rejoignez nous sur Polarsteps.

Le cercle des orages s’écarte dégageant la voie. Le vent est toujours absent. Nous étions au bon endroit pour éviter les orages.

Il aura suffit d’une seule rafale… de 2 bouts classiques qui n’avaient pas la solidité du dyneema moderne et d’une drisse qui n’était pas installée en  sécurité « au cas oú ».

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Le chantier OUTREMER « Courage, nous sommes là! »

Il est minuit ici et lundi 6 heures du matin à la Grande Motte chez Outremer, le chantier où notre CROIX DU SUD a été construit en 2006.

Patrick silencieux, évalue, photographie, mesure…et transmet.

Notre ange  gardien d’Outremer, Pierre D responsable du secteur occasion et son acolyte Sylvain Q. responsable du Refit découvriront, à l’embauche, les mails photos et schémas de Patrick.

A 14 heures 30 (8H30 pour nous) les réponses commencent à arriver. D’abord des questions pour compléter et bien comprendre l’étendue des dégâts puis les messages de soutien de Pierre D. toujours si attentionné et si réactif qui m’arrachent une larme, enfin jusqu’à 21 heures (!) pour eux le plan d’intervention conseillé.

De concert, 2 solutions ont été envisagées:

1- faire faire en France à façon une nouvelle poutre avec martingale et tangon. L’envoyer.

2- Trouver des hommes de l’art

- pour souder de nouvelles fixations au tangon dont les plans devront être envoyés par Outremer

-re-souder la martingale sur la poutre.

« Courage, nous sommes là! Ça va le faire » nous écrit Pierre D.

L’arrivée

Au moteur à 5 noeuds, le routage de Weather 4D, nous prévoit une arrivée dans la nuit avec un indice Cape de 3000 J/kg. Nous ne sommes pas enclin à prendre le risque d’une arrivée de nuit sous un orage.

Je propose donc un stop sous pavillon jaune (pas de descente à terre- pas de formalités) à Santa Marta. Arrivée tranquille à 16 heures. Le brouhaha et l’agitation nocturne de la marina-plage-ville-port de commerce de SantaMarta nous laissent indifférents.

 

Départ le lendemain, mardi 10 octobre pour une arrivée à Puerto Velero à 18H. Nous avons prévu de mouiller devant la marina. C’est simple, sans manœuvre.

La baie est agréablement silencieuse et paisible. 3 gentils marineros, sur le quai, nous font signe d’approcher mais l’énergie de Patrick et Sylvie n’est pas au RDV.. Nous nous excusons sur le WhatsApp de la marina.

Demain il fera jour…et nous aurons beaucoup de temps pour découvrir la Colombie!

Les seniors des flots, à bord de Croix du Sud vous embrassent.

 

PS: mercredi 11 octobre 2023

L’accueil a été incroyable:

En début d’après-midi, nous débarquons d’abord en repérage avec notre annexe. 2 marineros nous attendent poliment.

Ils nous font visiter tout le site implanté de paillotes dans une mangrove artistiquement défrichée.

Évidemment nous  flashons sur la magnifique piscine…

Pour les formalités obligatoirement déléguée à un(e) agent pour 280 dollars, nous sommes installés dans un vaste salon climatisé et fleuri avec de bons bouquins pour patienter, genre VIP. J’ai pu récité dans un espagnol très incertain la liste des denrées que nous avions à bord, sans armes. (Épisode « douane-déclaration sur l’honneur »).

Retour à bord. 3 marineros nous aident minutieusement à amarrer Croix du Sud sur un emplacement que nous avons choisi, (!),  font le branchement de l’électricité et de l’eau avec leurs raccords idouanes. Avec le TDSmeter Patrick teste l’eau: aussi bonne que celle d’Aruba qui était la meilleure en 2 ans.

Sur le ponton, nos voisins canadiens de l’Ontario, Jason , Down et leur 4 enfants avec qui nous correspondons utilement depuis 1 mois sur le WhatsApp Carthagène des Indes viennent nous souhaiter la bienvenue.

Enfin vers 17 heures, le sketch surréaliste: nous sommes invités à rejoindre le beau salon pour rencontrer «  l’immigration » 2 officiers hommes et une femme… à qui sous notre nez l’ont sert de très belles agapes !!! Si Si !  (Pas à nous !! Non! Non!!) pour les remercier de s’être dérangé pour Sylvie Patrick et Croix du Sud.

Nos passeports ont été mis sous scellés pour être emmenés et recevoir demain leurs  tampons officiels de 90 jours gratuits. Jusqu’à leur retour demain nous sommes consignés sur le site (Ça ne va pas être trop pénible!!!!)

Voilà les amis, l’aventure continue…en Colombie.

Une nouvelle fois, on vous embrasse.

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