Caledonian Canal
Le vécu de Yves, puis celui de Christine. Ca devient une habitude. Pardon pour les redites.
A noter : la fin de ce billet lèvera peut-être l’insoutenable incertitude dans laquelle nous avons laissé nos lecteurs (« on vous racontera »).
Le Caledonian Canal, donc.
Vu par Yves
Arrivés le dimanche 19 juin au soir devant l’écluse de Corpach - la « sea-lock » - nous admirons le Ben Nevis, point culminant des Iles Britanniques (1 345m). Il ne manque pas à sa réputation d’avoir toujours la tête dans les nuages !
Nuit tranquille : pas un bruit, pas un mouvement…
A l’heure dite, 08:00, la voix du « Lock keeper » retentit à la VHF. Il nous invite à entrer dans une demi-heure dans l’écluse, où nous serons seuls. Royal !
Je retrouve des sensations connues enfant, des canaux de Frise et du Norfolk, et plus récemment des entrés de ports bretons (Saint-Brieuc, Paimpol, …) : on entre dans un couloir minéral, humide, froid, dont les murailles dégoulinantes n’inspirent rien de bon … et on se retrouve, quelques minutes (et efforts) plus tard, au soleil, réchauffé, dans un panorama verdoyant, tout neuf, à admirer un Ben Nevis qui s’est même découvert pour nous saluer !
Puis tout va très vite. Ou plutôt lentement, mais sans laisser de répit : en 3 heures, nous passerons 11 écluses et 2 « swing bridges ». Le tout en moins de 3 km… L’escalier des Banavie Locks, ou « Neptune’s Staircase », enchaînant à lui seul 8 marches. A deux c’est du boulot, même avec l’aide des éclusiers, car il faut être au four et au moulin. Le propriétaire d’un joli petit motor yacht en bois, retrouvé plusieurs fois aux passages d’écluses le démontrera maintes fois en accumulant toutes les erreurs à ne pas faire. Sans grand dommage, heureusement.
Nous naviguons quelques km au moteur dans le canal, à la vitesse limite de 5kn (6 mph, 9km/h) jusqu’à l’écluse de Gairlochy (lunch time…) où nous trouvons un certain réconfort à un « brunch » dans un pub-restaurant, le Lochy, que Christine avait repéré en passant, à deux pas du canal (éviter le resto/bar à touristes stratégiquement placé…).
Puis tranquillement repartis aux heures ouvrables nous naviguons encore quelques km, traversons le Loch Lochy (où les vedettes à moteur ont enfin pu dépasser le voilier des frenchies …) et trouvons sympathique de mouiller dans le Loch Oich (mais si !), face au château en ruine d’Invergarry et à un grand hôtel noyé dans la verdure. Christine racontera.
Dans la soirée, depuis notre mouillage tranquille, partagé avec un superbe grand voilier, nous voyons passer sur l’autre rive un groupe en canoës, à la voile. Vent arrière évidemment, mais la stabilité doit rester précaire !
Le lendemain, repartis assez tôt pour l’ouverture d’un swing bridge, nous rejoignons Fort Augustus et son échelle d’écluses, ville-étape apparemment importante. Nous passons les écluses et trouvons avec une certaine difficulté à nous amarrer. Surprise : des touristes et des bateaux (de toutes sortes) partout. Des boutiques de souvenirs (à 80%) bordent les écluses. Pour le reste : à peine un village !
Nous en comprenons enfin la raison : au-delà des 5 marches d’écluses s’étend … le Loch Ness. Et bien sûr « Nessie » ! Dont tout le monde sait bien que ce n’est qu’un attrape-touristes inventé dans les années 1930. Y compris le photographe qui passe ses journées, par tous les temps, téléobjectif pointé, et qui donne aux touristes des tirages plastifiés de ses supposées images…
Le vent de SW reste présent (une quinzaine de kn). Et c’est enfin lui qui nous enlève le lendemain matin (GV 1ris ; Ge) sur le Loch Ness. 20 km de long. Entre deux rives assez parallèles et abruptes, très boisées, exploitées au Nord (versant sud-est), et bordées par la route principale Fort William – Inverness au sud. Petrel avale les milles avec fougue, voiles en ciseau et dérive haute.
Globalement, que ce soit le long du canal ou des lochs il y a peu d’emplacements pour des mouillages ou des stationnements. Peu de pontons sur le canal, rives des lochs très abruptes ne permettant pas de mouiller sereinement, peu de recoins abrités.
Christine devient un vrai marin d'eau douce !
C’est ainsi qu’après avoir affalé à proximité de Urquhart Castle (ruine de château fortifié sur un promontoire du Loch Ness), nous avons erré à la recherche d’un mouillage, le seul ponton du coin recevant de fréquentes navettes touristiques.
Repartis (à la voile toujours) nous irons jusqu’au bout du Loch Ness et emprunterons un coffre dans une anse abritée du Loch Dochfour, le temps d’un déjeuner tranquille.
Et la fin de journée nous voit au ponton de Muirtown Marina, à Inverness.
Mais entre temps il nous a fallu passer plusieurs écluses. Et c‘est au passage de la première d’entre elles, Dochgarroch Loch, que nous avons percé la coque de Petrel. Plus précisément en abordant le ponton d’attente. Fatigue ? Confiance excessive ? Toujours est-il que, oubli de ma part, je n’avais pas songé à abaisser la dérive, laquelle limite les « dérapages » du bateau lors des manœuvres au moteur. Vent trois quart arrière, nous sommes arrivés un peu vite sur le ponton. La marche arrière nous a bien arrêté mais, couple d’hélice aidant, a accentué notre glissade latérale, et nous nous sommes « embrochés » sur un tube saillant de l’angle du ponton, qu’un bout de pneu mal ficelé était sensé protéger…
Heureusement au dessus de la flottaison !
Des promeneurs nous ont aidé à remettre Petrel en place, puis, un peu déprimés, nous avons passé l’écluse et les suivantes (magnifique échelle de Muirtown Locks, descendante cette fois, et plus confortable, car peu de remous), et longuement et sympathiquement conversé avec le lock keeper (travail d’appoint pour un retraité pompier-enseignant), en attendant le passage d’un train et l’ouverture du pont.
Ca nous aura fait 29 écluses et 11 ponts pivotants, en un peu plus de 96 km quand même, en quatre jours !
Et ces ouvrages, bâtis pour résister au temps qui passe semblent, par leur évidence, effectivement intemporels. Respect pour leurs bâtisseurs.
Simplissime et poli par le temps et les aussières.
A la marina, le « Canal Office » nous a gentiment reçu et aidé à trouver comment faire rapidement réparer.
L’après-midi même le chantier voisin venait envisager le travail à faire. Verdict : il faut mettre au sec (à l’autre Marina d’Inverness) et trois jours de travail.
Nous pourrons passer les deux dernières écluses du canal le 24 à 13:30. Et Petrel retrouve l’élément marin dans Beauly Firth, le bras de mer sur lequel donne la ville. Inverness Marina se trouve un mille plus loin, dans l’embouchure de la rivière Ness.
C’est vendredi soir… Rendez-vous est pris pour une sortie de l’eau le lundi 27 et nous visitons la ville, un peu éloignée de la marina (20 mn à pied, en milieu industriel…). Nous marchons donc, et profitons de trouvailles : une église-bibliothèque de livres d’occasion (Christine retrouve la civilisation avec gourmandise), l’une des plus vieilles maisons de la ville, un pub et un peu de musique, des magasins, un jardin botanique et un match de foot amical, en kilt, entre équipes venu pour le championnat de cornemuse : « Piping Inverness – 2022 European Pipe Band Championship ».
Sur Petrel, le travail de réparation est mené sans tarder, apparemment plutôt bien et le mercredi 29 à midi, il retrouve l’élément liquide.
Tout cela serait finalement sans gravité si nous le vivions bien. Malheureusement, le Covid 19 s‘en est mêlé. Grosse fatigue, fièvre, toux, état grippal… Nous passons une semaine à comater, confinés dans le bateau. Il y a plus sympa pour s’occuper ! Et Christine aura le courage de nous ravitailler avant d’être complètement HS.
Quant à la date de départ pour les îles… elle attendra une convalescence suffisante et une météo praticable.
(à suivre…)
Vu par Christine
Nous étions donc restés devant la porte fermée de la première écluse du Caledonian Canal, regardant passer le Poudlard Express.
N’ayant reçu aucune confirmation de réservation de la part du canal, on envoie quand même un mail pour savoir si nous sommes bien attendus le lendemain matin. Et, miracle, à 8h du matin, la VHF nous appelle pour nous donner consigne d’être prêt à entrer à 8h30 ! Ouf.
Là encore, très sympathique accueil du « lock keeper » à qui on demande s’il est normal de n’avoir réussi à joindre personne et qui nous explique très gentiment qu’ils manquent de personnel et qu’en plus c’était le week-end. N’oublions pas que nous sommes en haute saison touristique.
Nous allons passer la fameuse grande étape du Canal les « Neptune’s Staircase », dans la foulée, tout seuls, aux petits oignons (voir photo), avec vue sur le Mont Ben Nevis qui exceptionnellement pour nous n’est pas dans les nuages. C’est une succession de 8 écluses qui font monter en tout d’environ 20 m, ouvrage d’art remarquable pour son époque (19ème siècle) et qui devint célèbre et lancé grâce au passage dans ce même canal de la Reine Victoria.
On s’habituera au fil des jours suivants au fait que personne ne répond forcément, ni au téléphone, ni à la VHF, qu’il faut se présenter devant les écluses et les ponts tournants pour savoir comment les passer, et qu’il y a une pause déjeuner. Tout ça est cool et sympathique, pour nous pauvres excités, stressés et malmenés depuis si longtemps sur la Côte d'AZUR. Les paysages sont superbes et variés. Nous adorerons la première partie du canal jusqu’au Loch Lochy.
Depuis que nous sommes en Angleterre, on trouve partout des rhododendrons sauvages, en fleur, mauves. Ça colore les collines et les rivages. C’est très beau.
Un mouillage pour faire du tourisme, dans la petite ville d’Invergarry : sa grand’rue, son école, son pub. Nous pensions y trouver peut-être une épicerie, que nenni.
On y trouve deux châteaux : un vieux, en ruines, qui a dû être important, et un récent devenu une sorte de Relais et Châteaux, le Glengarry Castle. Bâtisse très impressionnante. Nous n’oserons pas aller y prendre le thé et les petits gâteaux, nous ne sommes pas assez bien habillés, pas le look naturellement crotté des vrais gentlemen farmers.
La seconde partie avec le Loch Ness, nous a semblé moins intéressante, les paysages moins beaux, même si nous avons pu traverser le loch entièrement à la voile. Une grande partie des reliefs composant les berges sont complantées de (sa)pins d’élevage. Ca détruit la variété naturelle et l’exploitation et la coupe sont présentes partout.
Mais les petits malins qui ont inventé l’histoire de Nessy, permettent quand même à des générations de vivre au mieux grâce au tourisme.
A Fort Augustus, point d’entrée du Loch Ness, où nous nous arrêtons de justesse pour passer la nuit (il faut pousser les bateaux déjà à quai pour réussir à se faufiler dans une place), c’est le point de ralliement des touristes. L’écluse se compose à nouveau d’une série de 5 qui redescendent et là elles sont pleines, les bateaux font la queue. Je ne comprends pas bien pourquoi tout le monde se retrouve là. Comme si un certain nombre de bateaux loués ne faisaient que la moitié du Canal.
Yves m'étonnera à plusieurs reprises par son habileté à faufiler un bateau de plus de 11m dans des trous de souris. C'est là qu'on reconnait le métier !
Du coup, on s’installe pour regarder les autres bosser, normal !
Dans le pub/restaurant du coin, nous vivons le soir une grosse madeleine de Proust Yves et moi : nous commandons enfin, pour la première fois, le fameux « haggis », plus connu de nous comme la « panse de brebis farcie » de Jacques Baudoin. Le disque passait à la maison quand j’avais une petite dizaine d’années. Ça nous ramène très loin en arrière. Mais c’est très bon, surtout en petite quantité.
Impossible de mouiller en approche du célèbre château d’Urquhart, sur le Loch Ness, tout est fait pour que seuls les bateaux de tourisme puissent accoster. Nous n’insistons pas et le regardons depuis l’eau.
Hélas, hélas, à l’avant-dernière écluse nous avons donc rencontré la fameuse « piece of metal » du dernier ponton apparemment bien connue du chantier naval local. Certes, notre manœuvre n’était pas un modèle du genre et c’est bien parce qu’on arrivait au bout et qu’à force de passer des écluses et des ponts tournants on fatigue, mais sur un ponton normalement protégé, il n’y aurait eu aucun problème.
D’où une pause un peu plus longue que prévue à Inverness.
Nous ne voulions pas le faire, mais les gars du chantier naval nous conseillent d’essayer de faire jouer l’assurance du Canal, car d'après eux cette situation est carrément stupide et anormale. On verra. Peut-être, ne serait-ce que pour que quelque chose soit fait pour tous ceux qui risquent encore de s’empaler dessus.
Hier, samedi 25 juin, concours international de cornemuse en ville, nous n’en avons entendu que quelques bribes, mais ça nous a permis de prendre la balade le long de la rivière Ness, pleine de grands, vieux et beaux arbres.
Enfance malheureuse ?
Et comme un malheur n’arrive jamais seul, le bateau était malade, nous aussi. Petit coup de Covid avec toute la panoplie : fièvre, frissons, toux, mal partout. Bref, aujourd’hui 2 juillet, nous continuons de reprendre des forces, toujours à la Marina d’Inverness, où le bateau a été remis à l’eau avant-hier, après sa réparation.
L’ennui avec cette marina, qui par ailleurs a de très bons équipements, c’est que la ville se trouve à environ 20/25 mn à pied, à travers une zone industrielle sans intérêt. Les bus ne viennent plus jusqu’ici (sans doute pas assez de clients), la marina ne prête pas de vélos, et nous n’avons pu embarquer qu’un seul vélo pliant pour deux.
On regarde partir avec un sanglot le superbe bateau-école amarré à côté de nous depuis une semaine, chargé de jeunes gens, filles et garçons, beaux et en forme, embarqués en principe pour deux mois vers le nord de la Norvège, si on a tout bien compris.
On se laisse jusqu’à lundi pour respirer mieux et on avise.
(à suivre...)
Vous devez vous identifier pour laisser un commentaire : cliquez ici pour vous connecter .