Comprendre le mal de mer

Comprendre le mal de mer

Posté par : Médical grande croisière
15 Marzo 2018 à 15h
Última actualización 15 Marzo 2018 à 18h
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Docteur Jean-Yves Chauve Institut Mer et Vie pour STW       Tous droits réservés Décembre 2017 1

 

Le mal de mer

 

Ce mal de mer est un fléau qui frappe l’homme depuis qu’il parcourt les océans. Il doit vivre avec cette fatalité qui a décimé plus d’un équipage.
Certains récits témoignent de batailles navales perdues à cause de marins malades incapables de livrer le combat.
Plus près de nous on trouve des descriptions du mal de mer dans de nombreux récits de mer mais c’est sans doute dans l’album de Tintin l’Etoile Mystérieuse que l’on en retrouve les images les plus expressives.
Ces troubles sont la plaie du marin et tous ceux qui l’ont connu un jour savent combien ces sensations sont pénibles et pousseraient parfois à faire n’importe quoi pour qu’elles disparaissent. Contrairement à ce que l’on croit souvent les coureurs au large ne sont pas indemnes surtout après un long séjour à terre, ou après une période de vents faibles et de mer plate. Mais le sujet reste tabou. On n’en parle pas, un peu comme s’il s’agissait d’une tare, d’une incompétence pour ces navigateurs du grand large.
Bien entendu, ce type de trouble ne nécessite pas de consultation médicale à distance, mais au-delà de la baisse de performance associée, le mal de mer peut conduire à des maladresses, des retards de décisions très préjudiciables pour la sécurité de l’homme et du bateau.
Le meilleur moyen pour lutter contre ce phénomène est d’abord de le comprendre. Voici une explication simple qui ne satisfera sans doute pas tout à fait les puristes bien quelle soit assez proche de la réalité.
L’évolution du singe vers l’homme a connu une phase décisive lors de l’acquisition de la station debout. Cela a en effet permis la libération des mains et l’usage d’outils qui ont peu à peu aidé à affirmer la supériorité de cet homo erectus sur les autres animaux.
Mais la station debout n’a pu être acquise qu’avec le développement d’un système de contrôle de l’équilibre particulièrement performant. Ainsi la tour de contrôle de la verticalité située dans l’oreille interne est devenue peu à peu plus complexe et plus sensible. D’autres systèmes de contrôles annexes où interviennent les yeux, les muscles, et certains ligaments (chevilles, ventre) se sont également développés.
Pour imager l’action des récepteurs de l’équilibre de l’oreille interne (système vestibulaire), on peut les comparer au niveau à bulle utilisé par les maçons. Ce niveau est constitué d’une bulle se déplaçant dans une ampoule pleine d’eau ou d’un liquide un peu plus visqueux. Le niveau est horizontal quand le bulle se situe au milieu de l’ampoule.
Quand nous bougeons, la bulle entraînée par les mouvements du corps, se déplace dans l’ampoule. Imaginons de minuscules électrodes réparties dans cette ampoule. En se déplaçant la bulle vient en toucher certaines qui enregistrent ce contact et transmettre par l’intermédiaire d’un nerf, cette information à certaines régions du cerveau.
Ainsi, grâce aux mouvements des bulles (il y a, dans chaque oreille, 3 ampoules disposées dans les 3 plans de l’espace), le cerveau reçoit en permanence des renseignements sur la position du corps.

D’autres informations sur la situation du corps dans l’espace parviennent au cerveau depuis les récepteurs annexes décrits plus haut (les yeux, les ligaments).
Réalisant un véritable travail d’ordinateur, les formations cérébrales intègrent l’ensemble de ces données, les quantifient et les comparent. Puis, instantanément et sans que l’on en soit conscient, ces formations envoient des ordres de contraction ou de relâchement à certains muscles ce qui évite (dans la plupart des cas) la chute.
La mise au point de ce système est longue et complexe car la station debout est une perpétuelle provocation aux lois de l’équilibre et de la pesanteur. En effet, la partie la plus lourde du corps humain est située en hauteur (thorax, tête) avec un appui sur le sol réduit à la surface de la plante des pieds, un peu comme une bouteille posée sur son goulot.
On comprend que l’acquisition de la verticalité soit longue chez l’enfant. Il faut que le cerveau sauvegarde et intègre l’ensemble des données en provenance des différents récepteurs pour définir, pour chaque situation, quels sont les bons ordres pour les bons muscles. Cela ne va d’ailleurs pas sans quelques erreurs, quelques bosses et quelques pleurs...
Mais en mer tout se complique, car le sol n’est plus la référence stable, mais un élément en perpétuel mouvement.
Bien qu’en position immobile (assis ou couché par exemple), le corps accompagne les mouvements du bateau et bouge sans arrêt. Conséquence : les bulles se déplacent, les électrodes de l’ampoule informent le cerveau qu’il y a mouvement.
Dans le même temps, les autres récepteurs indiquent que le corps est immobile sur le siège ou sur la couchette.


Qui croire ? C’est un vrai casse-tête pour le cerveau confronté à cette contradiction inattendue. Impossible pour lui d’élaborer une réponse cohérente pour assurer le maintien de la verticalité sachant que les muscles sont au repos et pour la plupart relâchés.
Si le sujet reste sur le pont, le conflit d’informations est arbitré par l’oeil. En effet, les repères immobiles comme l’horizon ou la côte vont permettre de mieux appréhender les mouvements voire de les anticiper.
Dans la cabine, sans repères géométriques stables, la situation devient vite incontrôlable.
Pendant ce temps, les bulles continuent à stimuler les électrodes des ampoules qui envoient avec une grande quantité d’influx nerveux au cerveau qui ne sait pas comment les répercuter. La charge nerveuse s’accumule qu’il faut bien évacuer.
Pas d’autre choix que d’utiliser des voies réflexes jusqu’à la "Chemoreceptor Trigger Zone" (CCTZ) du cerveau qui, en excitant le centre du vomissement déclenche une réponse parfois timide, parfois enthousiaste.
Puis, peu à peu, le cerveau s’adapte en ne considérant plus les informations en provenance des bulles comme significatives. C’est l’amarinage et le soulagement. On peut enfin vivre à bord sans nausées et sans spasmes.
Le processus est le même face à un bruit désagréable mais persistant (bruit dune climatisation par exemple). Au bout d’un certain temps, ce bruit de fond n’est plus perçu comme une information pertinente, il s’intègre dans l’environnement normal à tel point que l’on ne le perçoit même plus.
Avec le retour à la terre, les mouvements des bulles liés aux mouvements du bateau, disparaissent brutalement. Mais le cerveau qui les avait intégrés à l’environnement garde l’impression de les percevoir.
Ceste le même phénomène avec le bruit de fond cité plus haut. Quand il sarrète, on croit toujours l’entendre et il faut souvent un certain temps pour s’apercevoir de sa disparition.
Cette persistance de perception des mouvements qui ont disparu se traduit par le phénomène plus ou moins intense du mal de terre, avec l’impression ébrieuse d’un sol en perpétuel mouvement.


Traiter le Mal de mer


Comme nous l'avons vu, le conflit d’informations entre les récepteurs principaux de l’équilibre situés dans l’oreille que nous avons imagé par le niveau à bulle et les récepteurs secondaires (l’oeil, les ligaments) est le facteur déclenchant principal.
Mais la divergence d’informations entre les récepteurs secondaires eux-mêmes est parfois un facteur aggravant redoutable. Ainsi à l’intérieur de cabine, l’oeil perd son unique repère géométrique stable : la ligne d’horizon. Le système de l’équilibre est encore plus désorienté, c’est la raison pour laquelle on est plus malade à l’intérieur du bateau qu’à l’extérieur.
D’autres facteurs peuvent interférer. La règle des 3 F est souvent retrouvée : La Fatigue, le Froid, la Faim auxquels on peut rajouter un 4e F : la Frousse. En effet l’anxiété peut être un facteur déclenchant, notamment chez les personnes qui ont déjà été malades et qui appréhendent de l’être de nouveau. Enfin, l’inaction, les odeurs sont souvent des situations qui aggravent le mal de mer.
Les mouvements du bateau peuvent aussi jouer un rôle. Les plus nuisibles sont les mouvements de tangage (déplacements de haut en bas type ascenseur). Les mouvements angulaires type roulis sont en général mieux supportés. La sensibilité du système de l’équilibre est maximale pour les mouvements perpendiculaires à la ligne oeil-oreille. Allongé sur le dos, ces mouvements de tangage deviennent parallèles à cette ligne ce qui diminue la sensibilité au mal.
En fonction de tout cela, quelle elle la meilleure solution pour éviter le mal de mer ?
Il faut quitter le port après avoir bien dormi et fait un repas copieux mais léger.
S’habiller chaudement (il fait toujours plus frais en mer) et garnir ses poches de quelques barres de céréales pour tenir sans avoir besoin d’aller chercher de la nourriture à l’intérieur.
Quelques bouteilles d’eau (type Vichy) à portée de main ne seront pas inutiles.


Une fois en mer, il est important de s’économiser.
Conformément à ce qui a été dit auparavant, il faut éviter d’avoir froid mais éviter également d’avoir trop chaud.
Les gros repas difficiles à digérer tout comme l’alcool ou le café sont à prohiber.
Si les conditions le permettent, rester à l’extérieur pour garder la ligne d’horizon ou tout point fixe de la côte comme référence géométrique stable. Si possible, éviter d’aller à l’avant ou ça bouge le plus (au près en particulier), s’installer de préférence à l’arrière du bateau, là où les mouvements sont le moins amples.
Si ca ne va pas très bien, s’allonger à l’extérieur, dans un endroit confortable, tête bien calée par des coussins ou des sacs, visage tourné vers le ciel. Si le temps est trop mauvais, s’allonger dans la zone la plus basse du bateau (près du centre de gravité), par exemple sur le plancher et vers l’arrière.
Grignoter régulièrement pour ne pas rester le ventre vide (barres de céréales, fruits, gâteaux secs)
Boire beaucoup d’eau
Essayer de s’occuper. Prendre la barre, surveiller les alentours, observer les oiseaux et des bateaux éventuels
Si ca ne va vraiment pas, rester à l’extérieur et demander à être attaché du côté sous le vent. À l’intérieur, il est bien d’avoir un seau ou un sac à portée de main avant qu’il ne soit trop tard. Et tenter de rester discret. Le mal de mer est un phénomène souvent contagieux.
Les symptômes du mal de mer sont en général insidieux avec une apathie, une somnolence, un ralentissement de l’activité, un désintérêt pour ce qui se passe alentour.
Le trouble peut parfois en rester là, c’est un moindre mal dans la plupart des situations. Pour un coureur en solitaire par exemple, cet état peut déjà peut avoir des conséquences graves avec des évaluations et des prises de décisions ralenties, retardées ou différées.
Puis le mal entre dans sa forme d’état qui débute par des maux de tête, des bâillements, une pâleur du visage, des sueurs froides. Les nausées apparaissent ensuite suivies ou non par les vomissements.
Une grande lassitude se manifeste et il faut vraiment se secouer pour ne pas se laisser aller.
Les vomissements apportent un soulagement certain mais en général de trop courte durée. Ils entraînent une libération de la surcharge nerveuse liée aux conflits d’informations. Un armistice en quelque sorte.
Malheureusement cette surcharge nerveuse va s’accumuler de nouveau, entraînant de nouveaux spasmes qui vont se prolonger jusqu’à ce que l’amarinage soit obtenu.
Il n’existe pas de remèdes miracles contre le Mal de Mer, c’est donc à chacun de trouver le produit qui lui convient le mieux.
Voici un tableau qui réunit les principales solutions proposées actuellement. Selon ses convictions et son expérience, chacun peut trouver dans ce catalogue succinct le produit qui lui convient le mieux.
Enfin, sachez que le mal de mer ne dure, en général, guère plus de 2 jours.

CATEGORIE PRODUITS POSOLOGIE ADULTE CONTRE-INDICATIONS EFFETS INDESIRABLES REMARQUES PREVENTION DU MAL DE MER
Antihistaminiques H1
(diminuent la sensibilité de l’oreille interne)
Cinnarizine (Stugeron©)
Dosages à 15, 25 et 75 mg
Attention ! non commercialisé en France mais disponible dans les pays limitrophes
Pour le dosage à 25mg
1 cp 2h avant le départ puis 1 cp toutes les 4 à 6h
Hypersensibilité aux antihistaminiques
Glaucome
Hypertrophie prostatique
Rétention urinaire
Asthme bronchique
Sensibilité aux vertiges (personnes âgées)
Insuffisance hépatique et/ou rénale
Allaitement
Prise d’alcool
Somnolence
Sensation de fatigue
Troubles de l’équilibre
Difficultés de raisonnement
Préférer le dosage à 25 mg pour répartir les prises et limiter les effets secondaires déjà plus faibles que d’autres produits de cette catégorie
A base de dimenhydrinate : Dramaminedosage à 50 mg chez l’adulte.
1 à 2 cps 1/2h avant le départ puis 1 cp toutes les 4 à 6h
Les formes avec caféine associée sont réservées à l’adulte. Pour les enfants consulter votre médecin.
A base de diphenhydramine : Nautaminl’adulte
Atropiniques (effet anticholinergique, action sédative sur les récepteurs et les neurotransmetteurs de l’oreille interne
Scopolamine (Scopoderm TTS©)
Patch appliqué derrière l’oreille dans un endroit sec 6 à 12h avant le départ.
Durée d’action = 72h
Hypersensibilité à la scopolamine
Glaucome
Rétention urinaire
Enfants -15 ans
Allaitement, grossesse
Prise d’alcool
Sècheresse buccale
Troubles visuels si dépôt substance active sur l’oeil
Somnolence occasionnelle
Réactions cutanées localisées
Les effets secondaires quand ils existent sont très gênants en bateau, particulièrement les troubles de la vision. Il et judicieux de tester le produit à terre pour bien évaluer sa tolérance
Homéopathie
Cocculine, Borax, Nux vomica, Tabacum, Petroleum
Granules 1 dose la veille ; & dose avant d’embarquer
Efficacité limitée aux convaincus TRAITEMENT DU MAL DE MER
Antiémétique (phénothiazine) régularise la contraction des muscles de l'oesophage et de l'estomac
Métopimazine 7.5mg (Vogalène)
2 à 4 lyophilisats oraux par jour
Glaucome à angle fermé,
Risque de rétention urinaire lié à un
adénome de la prostate.
Très fréquent : somnolence.
Fréquent : Diarrhée, fatigue, nervosité, dépression.
Peu fréquent : Arrêt des règles, hallucinations.
Confusion des idées, convulsions
Exceptionnellement : réaction allergique.
Efficacité relativement faible une fois le mal de mer déclenché. N’agissent que sur l’effet vomissement pas sur le mécanisme du mal de mer.
Les formes orodispersibles diffusant plus rapidement dans l’organisme agissent plus rapidement
Neuroleptique à effet antiémétique. Inhibe les centres nerveux de la nausée, accélère vidange de l'estomac dans duodénum
Métoclopramide 10 mg (Primperan
½ à 1 cp 3 f/j avant les repas 6h mini entre chaque prise
Hémorragie gastro-intestinale, obstruction/perfor. tube digestif
Troubles liés aux neuroleptiques ;
Phéochromocytome ;
Epilepsie
Parkinson
AUTRES SOLUTIONS
Bracelets stimulant un point d’acupuncture
Isocônes, Transway, Seaband
A appliquer au niveau de la face palmaire des 2 poignets sur le point 6MC (6 maître du coeur)
Efficacité variable selon chacun. A tester
aimants
Placer à la base du lobe de l’oreille gauche, 15 mn avant le départ.
Efficacité non démontrée THECNIQUES ADAPTATIVES
Rééducation opto-cinétque
Réalisée notamment à l’hôpital Clermont-Tonnerre à Brest
Une dizaine de séances de 30 minutes chacune
Technique intéressante pour les sujets souffrant d’un mal de mer permanent
Evaluation de l’intérêt par le médecin prescripteur
75% de résultats positifs chez des patients évalués au préalable Ces informations sont données à titre purement indicatif et ne sont pas exhaustives, les informations contenues dans la notice du produit sont la référence. Avant de vous procurer ou d’utiliser l’un ou l’autre de ces produits, il est préférable de consulter votre pharmacien ou votre médecin.

Docteur Jean-Yves Chauve Institut Mer et Vie pour STW Tous droits réservés Décembre 2017 5

 

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