22/11/14

Avant le départ, nous changeons la Grand Voile lattée par une ancienne voile semi-lattée. Ceci permettra de préserver la GV d'une trop longue exposition au soleil et à l'eau de mer. Ce faisant, un bout du lazy bag se détache et se retrouve à la poulie en haut du mat. C'est donc moi qui m'y colle (bien que ce n'est pas moi qui l'ai lâché), j'enfile un baudrier et Quentin me hisse au winch jusqu'après la deuxième barre de flèche. Je redescend avec le bout entre les dents... 

On essaie de ranger les conserves par type (légumes, protéines...), le thon acheté au marché le matin est mis sous vide, ainsi qu'un chou blanc coupé en lamelles, des carottes épluchées et coupées en languettes et une courgette coupée à la mandoline. Nous avons trouvé du haché de porc que l'on cuit sous forme de petites boulettes et que l'emballe sous vide également. Oranges, citrons, pommes, bananes vertes, poivrons et choux blanc trouvent leur place dans les filets suspendus. Quelques pommes de terre et beaucoup d'oignons sont rangés dans la soute à voile, au noir et au frais.

La dernière soirée sera festive, au restaurant Gaudi avec un duo chanteur-guitariste et ensuite dans la rue de Lisboa où il y a un super concert de musique capverdienne. Nous finirons au Café Lisboa avec Loïc et Laurence de Mariposa, devant une SuperBock. On essaie de prolonger au maximum ces bons moments.

Avec le recul, on s'aperçoit que les rencontres avec les autres bateaux sont vraiment particulières. Dès les premiers moments, on sait tout de suite si le courant passe. Les préliminaires sont brefs, on est tout de suite copains. On s'échange les infos, les bons tuyaux, les découvertes. Amitié éphémère, ou pas, elle a été et restera.

23/11/14

On fait le plein de viennoiseries au Café del Mar (l'endroit idéal pour surfer sur internet en sirotant un milkshake), on jette les dernières poubelles, on remplit le réservoir d'eau, on rend les pass à la marina. Maël et Loïc nous jettent les amarres et c'est avec de grands gestes que l'on se donne rendez vous dans un probable mouillage de l'autre côté de l'Atlantique.

La descente du canal entre les 2 îles se fait avec du vent à 15-20noeuds et un bon courant favorable. La houle par contre est désordonnée et nous secoue. 

La houle restera forte mais le vent faiblira un peu en fin de journée.

 A partir d'ici, le récit de notre transat peut vite devenir barbant, alors j'ai opté pour un résumé thématique et vous y piocherez ce qui vous intéresse.

ALIMENTATION

Les pommes, les oranges, le chou blanc et les carottes ont bien tenu jusqu'au bout.

Le contenu de nos repas était fonction de l'état d'avancement des produits frais. 

Pour les protéines, nous avons alterné thon frais, boulettes de porc et oeufs pendant 7 jours. Les oeufs tiennent très bien un mois hors frigo, du moment qu'on les retourne 2 fois par semaine pour que le jaune ne soit pas trop près de la coquille.

Ensuite, nous avons sorti les boites de corned beef et de thon, maquereaux, sardines.

Les légumes n'étaient pas très variés et nous aurions bien aimé avoir quelques tomates. 

En boites, nous avions petits pois, haricots verts, tomates, maïs.

Les pommes de terre, oignons, pâtes, semoule et riz faisaient le complément.

Nous avions des yaourts pour 2 semaines et des fromages longue durée comme la "Vaca que Rie" ou autre "Happy Cow", des boites de Philadelphia et l'incontournable Gouda en tranches.

En renfort, les lentilles germées sont excellentes pour la santé et donnent un petit goût en plus.

Les fruits font office de dessert, car étrangement, l'envie de chocolat a très fortement baissé depuis que nous naviguons.

Nous avons fait 5 pains et un cramique qui ont servi surtout pour le petit déjeuner et nous avions du muesli ou des cracottes, pour varier.

Les bananes, achetées très vertes, n'ont commencé à mûrir qu'au bout d'une semaine et nous avons pu en manger pendant 8 jours.

ANIMAUX

En sortant du canal de Sao Vicente- Santo Antao, nous avons croisé un gros aileron noir, dont la partie haute était repliée. Un peu gros pour un dauphin, alors qu'était ce ?

Des poissons volants en pagaille, qui nous tombent dessus la nuit. Ca réveille !

Au bout de 10 jours, un très bel oiseau blanc, bec jaune orangé, plumeau dans la queue, est venu tourner autour du bateau cherchant à se poser. Mais il ne devait pas avoir le pied marin car il a fini par renoncer. Nous le reverrons plusieurs jours de suite (lui ou un membre de sa famille ...) Il s'agirait d'un "paille-en-queue".

A 600 milles de la Barbade, un autre oiseau apparait, plus costaud, long bec et on le voit plonger dans l'eau pour pêcher un poisson volant.

Si quelqu'un le reconnait, merci de nous communiquer son nom.

Pas vu de dauphin, de baleine ni de Kraken.

CASSE - BRICOLAGE

Le désalinisateur n'a pas bien fonctionné. Il ne désalait pas assez. Après plusieurs vérifications, nous sommes arrivés à la conclusion que la mer étant très agitée, le passe coque cavitait et la pompe aspirait de l'air rendant l'opération inefficace par manque de pression. Nous utilisions donc cette eau, légèrement salée, pour cuire les aliments et pour la douche chaude du soir. Pour boire, il y avait les bouteilles d'eau que nous avions achetées par sécurité. Non, le rhum ne peut pas toujours remplacer l'eau...

Moteur. simple appoint en huile

Tangon. un peu plié mais pas cassé

L'écoute de foc et de génois se sont emmêlés et dans un coup de vent, un chandelier s'est déboité. Démêlage, remboitage.

Nous faisons tous les jours un peu de couture car celles de la capote continuent à disparaitre.

COMMUNICATION

La VHF reste en veille permanente sur le canal 16 mais c'est un peu illusoire car nous sommes hors de portée et vu le nombre de bateaux croisés, ce n'est vraiment pas indispensable mais obligatoire.

La BLU ne capte rien d'intéressant, si ce n'est quelques radios arabes, asiatiques ou russes...

Le téléphone Iridium fonctionne bien pour relever les fichiers météo par mail et recevoir les messages famille/amis. Nous l'allumons tous les jours entre 12h et 13h UTC.

Tous les soirs, nous envoyons un sms à notre Ange Gardien via la balise Inreach Delorme pour la rassurer et lui confirmer notre position.

ENERGIE

Nous avons du soleil tous les jours mais, en fonction de la houle, nous ne pouvons parfois pas orienter les panneaux solaires pour qu'ils aient le meilleur rendement.

Comme nous sommes toujours au portant, donc vent arrière et relativement faible, l'éolienne non plus n'est pas à son maximum.

Les seuls appareils branchés en permanence sont le frigo, le pilote automatique et les instruments et feux de navigation. 

Le rapport consommation/production est un peu déficitaire et après 48h de nav sous voile uniquement, nous devons mettre du moteur pendant environ 2h. On en profite alors pour faire de l'eau et recharger les ordinateurs.

Quand toutes les conditions sont réunies, on est parfaitement autonome et la nuit nous passons en mode économique en éteignant tout le superflu.

METEO

Très capricieuse. La force du vent était souvent un peu trop juste et nous devions mettre le moteur. 

Les fichiers Grib récupérés par Iridium étaient, comme d'habitude surestimés et quand ils annonçaient 15 noeuds, nous pouvions n'en avoir que 7 ou 8.

Nous avons eu plusieurs jours de pétole (ZIC) et quand le vent s'est remis à forcir, c'était la fête dans le cockpit. C'est vraiment très agaçant quand le vent n'est pas stable.

La mer et la houle ne nous ont laissé aucun répit, constamment agitées et très souvent désordonnées.

Nous avons eu quelques averses, toujours la nuit, jamais grave. La pluie désale le bateau.

A 4 jours de l'arrivée, nous passons dans un gros grain, gros déluge, la mer se couche. La pluie s'arrête, à bâbord, ciel dégagé, à tribord, un paysage de mer du Nord.

Les nuits sont fraiches mais dès le lever du soleil, c'est "sans chemise et sans pantalon..." et plus si affinités.  On tourne toujours autour des 30°. Du coup, moins de lessive à l'arrivée !

MORAL

Le moral est très lié aux conditions météo bien sûr. Au début, comme nous avancions bien, on ne s'attardait pas trop sur les mouvements désordonnés du bateau. Par contre, quand le vent tombe, le génois claque en faisant tout trembler, les écoutes raguent contre les bas haubans et les filières, on se traîne, les secousses sont amplifiées, et en désespoir de cause, on met le moteur qui est nettement moins mélodieux que le bruit des vagues et du vent. La moyenne journalière chute et avec elle notre moral. Par contre, dès que le vent atteint 10-11 noeuds, le moral remonte aussi vite.

Quand on s'ennuie trop, on regarde un film sur l'ordinateur. Sinon c'est surtout la lecture qui fait passer le temps. et quelques jeux sur Ipad mais le Scrabble invente des mots pour gagner ....

Le bateau bouge, il bouge tout le temps. Faire la cuisine demande une organisation sans faille et tout objet ou aliment déposé sans être coincé d'une manière ou d'une autre finit systématiquement à l'autre bout du bateau.

Il faut constamment se tenir, de préférence des 2 mains. Celui qui oublie cette règle provoque immanquablement l'hilarité de son coéquipier.

Les nuits pour moi sont difficiles, trop agitées, Quentin, lui, dort comme un bébé (sic).

NAVIGATION

Force du vent maximum : 28 noeuds en rafales

Force du vent minimum : 3 noeuds

Vitesse maximum : 8 noeuds

Vitesse minimum : 2,9 noeuds

Plus grands creux : 3,5 m

Milles parcourus : 2164 

Moyenne par 24 heures : 118,58 milles

Vitesse moyenne : 4,94 noeuds

Gasoil consommé : +/- 75 litres

Eau consommée : 150l  des réservoirs + 50l de désal + 15 bouteilles de 1,5 l

Nous avons croisé 2 cargos, un au début et un à plus de 1000 milles.

Un voilier est passé à l'horizon mais a vite disparu.

PECHE

Nous n'avons rien pêché. ;-)) Faut dire qu'on était pas vraiment motivé.

10/12/14

13.08N 57.12W

11h15 UTC - Il reste 135 milles à parcourir. Nous allons essayer des les faire en moins de 30h pour arriver dans les heures d'ouverture du bureau des douanes et de l'immigration (sinon c'est plus cher).

Notre bel oiseau est revenu nous voir et Quentin tente un dialogue, mais à mon avis, l'appeler "poupoute" ne peut que le vexer. Arrête de lui envoyer des poissons volants morts, ça ne l'intéresse pas !... Bon, il est temps que cette transat s'achève, les voiles à fond !

11/12/14

10h45 UTC - 13.02N 59.04W - reste 33 milles

Vers 9h ce matin, j'entends Quentin parler tout seul. Inquiète de l'avoir déjà vu s'adresser à un oiseau, je sors précipitamment et là, je vois, incroyable, nous sommes à 30 milles de Barbados, un voilier qui nous dépasse (péniblement). C'est un voilier norvégien "Spirit" qui est parti de Mindelo avec 2 autres bateaux qui sont un peu derrière. Nous échangeons donc brièvement sur la VHF et on se retrouvera à Bridgetown. 30´ plus tard, le deuxième voilier apparait et ils communiquent entre eux en norvégien. J'avais l'impression d'être Astérix dans le Grande Traversée et je voyais des Ø partout.

13 h UTC . Terre en vue. Le pavillon de Barbados est hissé.

A partir du moment où on a vu la terre, c'est très très long. On hisse le pavillon jaune pour signaler que nous devons faire les démarches douanières et d'immigration. On longe la côte, de belles plages, pas mal urbanisée mais il y a beaucoup de vert entre les immeubles.

Arrivés à hauteur du brise lame du port, j'appelle le "Port Control" sur le canal 12 et j'attends ses instructions. Il nous donne l'autorisation d'entrer dans le port et de nous amarrer le long du quai.

Ici nous sommes dans la zone B et les couleurs des bouées sont inversées. C'est donc la bouée rouge qu'on laisse à tribord pour entrer dans le port.

Le quai où l'on doit s'amarrer n'est pas vraiment adapté pour les voiliers mais d'autres voiliers attendent déjà (dont nos fameux norvégiens) et nous aident à la manoeuvre.

Un officier vient nous indiquer où aller et Quentin y va tout de suite pendant que je surveille les amarres.

Nous sommes le 11 décembre 2014, il est 17h30 Utc (13h30 locale) et nous avons navigué pendant 18 jours et 6 heures.