Réveillons dans les ABC

Réveillons dans les ABC

Posté par : Gérard
24 January 2016 à 19h
Last updated 17 February 2016 à 10h
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Il est 15 h. ce lundi 7 décembre lorsque nous prenons un coffre devant Kralendijk, capitale de la petite île de Bonaire. Ici le mouillage sur ancre est interdit pour protéger les fonds marins (et rapporter pas mal de sous au Parc à raison de 10$/jour la bouée... mais la protection de la planète n'a pas de prix, n'est-ce pas !). Nous sommes donc dans les ABC : petit archipel composé d'Aruba, Bonaire et Curaçao qui sont d'anciennes possessions hollandaises maintenant plus ou moins indépendantes.
Parmi la petite cinquantaine de voiliers, deux bateaux français, auprès de qui nous nous renseignons sur les formalités à accomplir. Nous nous en acquittons le lendemain ; elles sont très simplifiées par rapport à ce que rapportent les guides nautiques, immigration et douane sont rassemblées au même endroit sur le quai et les fonctionnaires très avenants.
Un petit tour dans une banque pour se procurer quelques dollars US qui est la monnaie locale (dans les deux autres îles, c'est le « guilder ») et nous pouvons réapprovisionner sérieusement le bord : il y a un supermarché en ville tenu par des chinois mais les plus intéressants sont un peu en dehors à 20 minutes de marche. On y trouve de tout à des prix proches de ceux pratiqués en France et comme Noël approche les rayons sont biens garnis. Sur le quai, des vénézuéliens vendent quelques fruits (bananes, ananas, clémentines...) et légumes (patates, avocats, tomates...) que de petits bateaux très colorés leur livrent chaque semaine.
Le Café de Paris, bar de la marina tenu par un breton, organise tous les mercredis une soirée « hamburgers ». C'est là qu'avec nos voisins de « Loup », trois jeunes français en route vers le Pacifique, nous décidons de partager la location d'une voiture pour visiter l’île.
Le sud est en fait un immense marais salant aménagé puis exploité par les esclaves que les colons logeaient dans de minuscules maisonnettes dont subsistent quelques exemplaires sur la côte.

 

 

Au'hui tout est mécanisé et de drôles d’éoliennes servent à pomper l'eau de mer pour alimenter les étiers. La côte est est désertique et les grands cactus candélabres qui y prolifèrent sont utilisés pour clôturer des champs dont on se demande bien ce qui peut y pousser qui pourrait attirer les ânes devenus sauvages après avoir été abandonnés là à l'arrivée des engins mécaniques et autres voitures. Leurs conducteurs sont aujourd’hui invités à la prudence sur les routes ! Certains utilisent ces candélabres pour en faire de drôles de sapin de Noël !!!

 

 

 

Dans le nord, en grande partie parc naturel, un petit goulet laisse entrer la mer qui, dans un paysage presque montagneux, forme un grand lac, véritable paradis pour les flamands roses. Tout le long des côtes, d’innombrables spots de plongée s'offrent aux amateurs venus du monde entier, attirés par ces eaux cristallines et ces fonds protégés. Ajouter à cela un ou deux bateaux de croisière qui déversent quotidiennement leurs milliers de passagers et vous comprendrez que le tourisme est pour Bonaire une ressource vitale.


Nous passons le réveillon de Noël à bord de « Ker Yamm », le bateau de Philippe et Cécile qui nous a préparé une délicieuse bûche au chocolat.
Et le 26 décembre nous larguons les amarres au petit matin pour rallier Curaçao, sous génois seul, portés par un petit vent d'est force 3. Une passe étroite conduit au vaste plan d'eau de Spanish Water. Les quatre zones de mouillages abritent de nombreux voiliers mais nous trouvons une place dans Carcas Bay, la zone la plus à l'est et la plus proche de la route et des bus qui conduisent à Willemstad, capitale de l'île dont le centre historique figure au « patrimoine mondial de l'UNESCO ». Une matinée est nécessaire pour nous y rendre en bus, trouver la douane à Punda, la partie est de la ville et nous rendre au bureau de l’immigration à Otrobanda à l'ouest (formalités gratuites ici comme à Bonaire) en empruntant le célèbre pont Queen Emma.

Un canal sépare en effet la ville en deux et un curieux pont piétonnier reposant sur seize pontons flottants relie les deux quartiers. Il pivote pour permettre le passage des navires vers le port de commerce en amont et deux navettes transbordent alors les plus pressés. Sur chacune des rives les façades peintes des maisons au style typiquement hollandais ne laissent aucun doute sur le passé colonial des Pays-Bas, la plus ancienne date de 1708. Curaçao abritait en effet un des plus grands marchés aux esclaves des Caraïbes. Des milliers de noirs ont été débarqués là avant d'être triés, échangés, vendus et réexpédiés vers les Amériques.
Sur un petit bras de canal, sont amarrés quelques bateaux vénézuéliens qui servent d'arrière-boutique aux vendeurs de fruits, légumes et poissons installés sur le quai comme les bouquinistes parisiens au bord de la Seine. En cette période de fêtes de fin d'année, c'est le raisin péruvien qui fait fureur!
Aujourd'hui Curaçao tire essentiellement sa richesse du tourisme et de la location de ses raffineries au Venezuela où les compagnies pétrolières n'ont pas osé (ou voulu ?) en installer.
Nous passons le 31 décembre à déambuler dans cette ville agréable, très multiraciale, qui prépare le passage à l'année nouvelle avec de longs serpentins contenant des centaines de petits pétards qui enfument tout à coup une rue (non, c'est pas les lacrymogènes des CRS !!!). Nous goûtons aux beignets, ici pâtisserie traditionnelle du nouvel an. Sylvie et André, rencontrés aux Roques, nous invitent à réveillonner avec eux, et deux de leurs amis, à bord de leur catamaran « Charly ». Depuis quelques jours, ici et là quelques feux d'artifice éclairaient le ciel dès la tombée de la nuit. Mais ce soir là, à minuit pile, sur le pont de « Charly » (un verre de champagne à la main, merci André !) aucun de nous n'avait jamais vu autant de feux d'artifice tirés de tous les points de notre horizon : féerique !
1er janvier 2016, réveil difficile pour Katia : température (39°8 !) et mal de gorge nous laisse penser à une angine due à la climatisation des bus (avec wifi !)... Le lendemain plus de mal de gorge mais la température n'a pas baissé. Heureusement nous avons du web à bord et nous décidons de contacter le Centre de consultations médicales maritime de Toulouse. Via Skype, Monique et Fred nous servent d'intermédiaires avec le médecin du centre qu'ils joignent par téléphone et qui, en direct, diagnostique la dengue. Pas de traitement particulier ( Doliprane et antalgique). Deux jours après la fièvre tombe, Katia n'a plus qu'à se reposer pour récupérer.
Quelques ballades à pied ou en annexe dans les environs, quelques déplacement en stop jusqu'à la capitale, bricolage, vidange et changement des filtres du moteur occupent nos journée jusqu'à l'arrivée de Michelle, le 12 janvier. Nous avons loué une voiture et allons l'accueillir à l'aéroport arrivant directement d'Amsterdam. Le lendemain nous profitons de la voiture pour aller visiter le nord, la partie la plus intéressante de l’île. Déforestation et surexploitation des terres par les colons pour cultiver coton et indigo ont rendu les terres improductives. Pourtant verdoyantes vu de loin, elles ne sont en fait couvertes que d'arbustes plus ou moins épineux et de cactées. Nous visitons une ancienne demeure coloniale qui dût à son isolement d'être le premier foyer de révolte et est aujourd'hui transformée en musée consacré à la mémoire de l'esclavage. Au temps de sa splendeur près de 300 esclaves (hommes, femmes et enfants) s'échinaient à son exploitation, traités comme du bétail au point d'être revendus avec la propriété ! Bien qu'aboli en 1867, celui-ci a perduré jusqu'en 1912 (il y a à peine plus d'un siècle...).
Documents de sortie en poche, aux premiers rayons du soleil, nous levons l'ancre le vendredi 15 janvier pour naviguer grand voile haute et génois entier vers la jolie baie de Santa Cruz, 25 milles au nord-ouest. Notre nouvelle équipière et Katia y prennent leur premier bain 2016 depuis la belle plage de sable qui la borde.
La météo nous laissant espérer un créneau favorable nous quittons Curaçao le dimanche matin en direction d'Aruba où nous comptons faire escale une nuit avant de poursuivre notre route vers la Colombie.
​Nous mouillons discrètement (pour éviter les formalités) dans Rodgers Lagoon que protège une petite barrière de corail mais qu'une raffinerie hors service prive de tout romantisme...
Lundi 18 janvier, 7h du matin, un ris dans la grand voile, génois tangonné, vent d'est à est-nord-est force 3 : nous prenons la mer pour 24 heures, direction ? Le continent sud-américain...

 

 

​Post-scriptum : c'est Jérôme qui le premier a reconnu de l'écume de mer sur la photo mystère. Ce n'était ni du sel ni la mousse à raser du père Noël !!!

Location

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