Et si on parlait bilan technique !

Et si on parlait bilan technique !

Posté par : Jean-Pierre
11 January 2016 à 18h
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Déjà plus de 6 mois que nous sommes rentrés, et avec le recul, l'envie de donner un certain retour de notre expérience se fait sentir.

Voici une première note de considérations techniques pour les navigateurs que cela intéresserait.

Il n'est pas question de refaire ce qui a déjà été fait, et bien fait, sur de nombreux sites, blogs ou livres: Etoile de Lune, Banik, Caramel, Idem... Et aussi les Nieutin et leur livre "Histoires de partir", le site voilelec.com,  Antoine et autres Cornel. Sans oublier les conseils des copains rencontrés (je pense entre autre à Pti-Ket notre génial Géotrouvetou)! On ne peut pas citer tout le monde, mais nous les remercions tous d'avoir mis leurs connaissances et expériences à notre service.

L'idée est de présenter brièvement ce qui nous a paru utile ou inutile,  pratique ou pas, avec avantages et inconvénients, et en conclusion "à reprendre ou non".

Bien sûr, ce qui suit doit être lu en fonction de notre voyage et de notre équipage (une petite famille tranquille). En Patagonie ou dans le Pacifique, en solitaire ou à  6 marins(es) expérimentés(ées) ce serait tout autre chose .

 

LE CHOIX DU BATEAU:

Bien sûr nous voulions un bateau de voyage;  bien sûr il fallait qu'il soit solide (Alu?), rapide, grand et pas cher (pourquoi pas avec une cheminée et une cave à vin tant qu'on y est?!). Après être passés par la case neuf, nous avons avancé à la case occasion. Sur le bassin méditerranéen, le choix est plus restreint qu'en atlantique ou manche, la qualité pas toujours au rendez-vous. L'idée d'un catamaran apparait après une discussion avec Brigitte de courrier-du-voyageur.com (dont nous reparlerons) , qui connaissait les Nieutin et leur catamaran. Sur notre bassin de recherche,  les catamarans ne sont finalement pas plus chers que les monocoques que nous envisagions, et après de nombreuses visites nous avons déniché notre oiseau rare, à savoir un nautitech 40.2 en 3 cabines.

 

Quel est le meilleur bateau de voyage : monocoque ou catamaran? Les 2 mon capitaine!

Un cata c'est bien: Il y a de la place (on peut boire l'apéro nombreux), c'est plus stable en navigation et encore plus au mouillage, donc moins fatigant à cet égard. On garde une vue sur tout l'horizon, c'est sécurisant en navigation mais aussi au mouillage, comme poste de veille il n'y a guère mieux; c'est rapide au travers;  2 moteurs réduisent les conséquences d'une panne; 2 safrans, c'est pas mal non plus vu les rencontres que l'on peut faire; on stocke l'annexe facilement. Mais c'est plus cher quand même à l'entretien, en place de port; ça remonte mal au vent;  cela ne se redresse pas si on chavire (mais on n'entend pas plus souvent parler de catas chavirés que de monocoques), théoriquement c'est insubmersible.

Un monocoque aussi c'est bien: même si c'est un peu moins spacieux, on peut aussi y boire l'apéro (à nombre égal on se tient plus chaud), ça remonte mieux au vent, ça prend moins de place au port et au mouillage; cela revient moins cher. Pour certains, c'est un "vrai bateau" de" vrais marins"...

Si c'était à refaire : nous reprendrions un catamaran;  pour une boucle atlantique et pour notre famille, nous avons été très contents d'être en catamaran et nous referions ce choix.  Mais nous aurions certainement été tout aussi satisfaits en monocoque.  Le débat mono-cata n'a pas lieu d'être à notre sens : certains programmes se font indifféremment sur l'un ou l'autre, d'autres se font quasi exclusivement en monocoque, c'est affaire de bon sens et d'objectifs. Il n'y a bien sûr pas de vrais ou faux marins, il y a des marins avisés et prévoyants qui essaient de tenir compte des limites d'eux même, de leur équipage et de leur bateau. Le bon bateau est celui que vous avez sous les pieds, pourvu qu'il soit bien préparé et qu'il corresponde à votre programme. Le bonheur sur l'eau n'est  pas nécessairement proportionnel au nombre de pieds ou de coques.

 

LA PREPARATION DU BATEAU:

Nous avions prévu 1 année de préparation et prise en main. Nous ne l'avons pas regretté. Ceci nous semble valable pour les bateaux d'occasion, mais peut-être encore plus pour les bateaux neufs: certains bateaux rencontrés ont malheureusement passé beaucoup de temps avec les SAV, pour des bricoles, mais aussi des avaries plus graves qui surviennent la première année.  

Le bateau ayant 5 ans, il fallait expertiser le mât pour l'assurer; donc le déposer; donc nous l'avons fait, et nous avons bien fait! Même s'il n'avait que 5 ans, nous avons découvert des fissures sur les 2 bouts de terminaison œil des haubans et de l'étai, non visibles sans dépose du mat: les 3 ont été remplacés et nous sommes partis tranquilles. Théoriquement l'inspection du gréement se fait tous les 5 ans sur cata , tous les 10 ans sur monocoque.  Ces délais ne sont pas toujours respectés.  Mais le côté systématique de certaines vérifications ne parait exagéré que lorsqu'on n'a pas de problème... Donc on referait.

LES VOILES:

Grand-voile à 3 ris, foc sur enrouleur;  Gennaker all purpose stormelite 210 , 80 à 145° du vent réel, garanti jusqu'à 25 nœuds au portant, ce qui est bien quand on se fait surprendre! Nous l'avons beaucoup utilisé en méditerranée et en transat, peu aux Antilles; indispensable quand le vent manque un peu et/ou au portant en tirant des bords si besoin; facile à manier sur emmagasineur Profurl.  Du coup assez polyvalent et nous reprendrions absolument. La question qui peut se poser est celle d'un spi symétrique pour des allures encore plus portantes. 

LE MOUILLAGE:

60 m de chaine de 10 + spade acier de 20 Kg pour un poids lège de 7,4 tonnes; En secours une fob rock 20Kg, 15m de chaine de 10 avec 70m de câblot 18 mm sur guindeau amovible bricolé "maison". On parle rarement de l'importance du fardage au mouillage: à poids égal un monocoque me parait moins sensible; certains catas y sont particulièrement exposés, le nôtre était bien positionné à cet égard, avec un roof pas trop haut, une bôme assez basse.  Nous n'avons jamais dérapé; la spade s'est toujours particulièrement bien enfouie, voire très très enfouie lors de certains coups de vent à 40 noeuds comme  à Deshayes en Guadeloupe. Mais nous avons toujours fait en sorte de voir où nous posions l'ancre et d'aller la vérifier en plongeant. Nous avons parfois mis le deuxième mouillage en sécurité à l'aplomb, le bout lové sur le pont au cas où, mais il n'a jamais été sollicité. On ne changerait rien!

L'ELECTRICITE:

1 groupe diesel Paguro 4000, 3 panneaux solaires de 100W, 2 alternateurs 115 Ah; 5 batteries AGM de service 100 Ah, 2 de démarrage 100 Ah. Les plus gros consommateurs étaient incontestablement le pilote et le réfrigérateur, après vient l'électronique de navigation . Le groupe était déjà installé: c'est puissant et pratique, mais bruyant, cela consomme quand même un peu de gasoil, c'est de l'entretien, du poids... Bref nous ne reprendrions probablement pas de groupe. Par contre nous augmenterions la puissance des panneaux solaires; une éolienne serait également intéressante dans cette configuration avec l'avantage de fonctionner en continu, de jour comme de nuit, aux Antilles; il n'en est pas de même dans beaucoup de zones de la méditerranée; en navigation l'éolienne est souvent moins performante ; certaines sont particulièrement bruyantes et désagréables, même pour les voisins de mouillage! Avec cela nous optimiserions certains éléments : le systèmes de gestion de charge des batteries en sortie d'alternateurs et des panneaux solaires, l'isolation du réfrigérateur et l'aération de son compartiment compresseur.  En complément nos 2 bons alternateurs étaient parfaits.

 

PILOTE AUTOMATIQUE:

 Ray marine sur secteur. Le 3ème barreur à bord, qui travaille 95% du temps! Le nôtre ne s'est jamais plaint. En sachant que ce matériel est très diffusé, éprouvé et réparable partout. Une prochaine fois, nous en reprendrions 2 plutôt qu'un seul: nous avons décidé de faire la transat à 2 adultes (au départ de Lanzarote). En cas de problème de pilote quelques jours après le départ, les choses deviennent tout de suite plus compliquées; certains bateaux copains en ont fait la fatigante expérience! En plus, il y a aujourd'hui le paramètre sargasses : ce sont  maintenant de grandes étendues de ces algues que l'on peut être amené à traverser, leur densité et épaisseur étant telles que certains y ont laissé leur pilote; alors sans hésiter, nous aurions un deuxième pilote prêt à fonctionner sur le 2 ème safran.

LA SECURITE :

Le radar

Pour nous, plusieurs intérêts: repérer les autres bateaux non signalés (c'est à dire sans émetteur AIS, mais aussi sans feu de navigation), comme le long de l'Espagne ou au large du Maroc, parfois aux Antilles; autre intérêt: anticiper la position des orages (Espagne) ou des grains (transat, Antilles); occasionnellement, confirmer un trait de côte. Lors d'un retour de Corse, nous nous sommes retrouvés de nuit à une dizaine de bateaux dans un carré de quelques centaines de mètres, et des feux de navigation difficile à débrouiller; cela nous a permis d'éviter un voilier dont la personne de quart était visiblement endormie.  Il consomme pas mal d'électricité mais utilisé à bon escient c'est très raisonnable. Alors oui, on le reprend.

L'AIS:

Récepteur et émetteur, avec report sur la cartographie électronique: voir et être vu, c'est top pour la prévention des collisions.  Malheureusement tous les bateaux n'émettent pas, en particulier les pêcheurs, et ce quelle que soit leur taille alors même que leurs mouvements sont parfois imprévisibles  ... On reprend!

Les balises: 1 EPIRB à poste, 1 PLB dans le grab-bag. On reprend, d'autant que la législation a évolué (+ 1 VHF portable).

La veille

Sauf accueil de la famille ou d'amis, nous avons toujours navigué à 2 avec nos 2 enfants; nous n'avions pas d'équipier disponible en particulier pour la transat. Nous avons  préféré ne pas en prendre, estimant qu'il était plus simple de gérer notre fatigue que de gérer un équipier incompétent, caractériel ou les 2 au milieu de l'atlantique. Nous ne l'avons pas regretté et nous referions de même.  Nous avons donc fait des quarts, en général de 2 heures la nuit, mais adaptés selon la fatigue de l'un ou l'autre, 3 ou 4h en journée. Certains ne font pas ou peu de quarts car il n'y a pas de bateaux ... nous en avons vu une dizaine plus un houlographe!!

Pour préserver le sommeil de l'équipier(ère) hors quart, nous avons été intransigeants sur la sécurité pour permettre à l'autre de quitter son quart en toute sérénité:

Life-Tag: petit bracelet qui fait hurler une alarme dans le bateau si on s'en éloigne de plus de 10 m ou sur déclenchement manuel. Nous l'avons testé (fictivement) sans le prendre en défaut; à noter 2 déclenchements intempestifs manuels; mais il vaut mieux se ruer à la recherche de son équipier(ère) pour rien que de le perdre... Nous les avons porté de nuit, mais aussi pendant certains quarts de  jour: si l'équipier dort et que les enfants jouent avec leur DS, on peut tomber à l'eau sans problème et n'être entendu de personne. Autre avantage, cela concrétise le changement de responsable de quart: à la manière d'un relais, on se passe le bracelet.

Harnais-gilet: deckvest spinlock 5D; longe double wichard; de nuit, pour manœuvrer à l'avant, s'il faut prendre des ris: absolument obligatoire avec attache sur une ligne de vie accessible dès l'arrivée dans le cockpit; c'est comme la ceinture de sécurité en voiture: rapidement on n'y pense plus et cela devient automatique et non gênant. Les enfants avaient aussi le même équipement et les mêmes consignes étaient appliquées.

Lampes: flash personnelles dès le début  de la tombée du jour, frontale étanche.

Corne de brume: je trouvais un peu gadget les cornes de brumes avec gaz sous pression. Mais nous y avons eu recours à 2 reprises pour réveiller des bateaux endormis qui nous dérapaient dessus: c'est autrement plus efficace qu'une trompette anémique, et pour 10€...  On reprend

Nous avions une balise personnelle AIS Smartfind Mac Murdo. Trop encombrante, à déclenchement manuel, nous ne la portions pas; mais elle a trouvé sa place dans le Grab-bag par contre. De nouvelles petites  balises intégrées au gilet et automatiques semblent être arrivées sur le marché. Après, tout cela a un coût...

  

CARTOGRAPHIE:

 Navionics sur raymarine; rien de particulier à signaler; parfois des pertes de signal GPS dans certaines zones, mais visiblement d'autres en avaient aussi et de pires; alors on reprendrait. On reprend aussi le répétiteur extérieur: dans les moments délicats, ce n'est pas le moment de quitter la barre pour aller à l'intérieur voir où est cette fichue barque de pêche sans feu, repérée au radar et j'en passe... Mais comme on le lit et le dit partout, les sources d'erreur sont multiples: erreur de position GPS, erreur de référentiel, erreur de cartographie, modifications de l'environnement... :  il y a toujours des erreurs de quelques dizaines à quelques centaines de mètres sur la position de telle bouée, telle roche ou même tel trait de côte. Ce n'est qu'une aide, même si elle est géniale.

COMMUNICATION:

Iridium extrême avec antenne extérieure pour la météo par Skyfile et la sécurité. Bon, c'est moderne et c'est top. A bien paramétrer et tester avant de partir (merci à notre  Dr Informatique Jean-Guy ); on reprend!

DESALINISATEUR:

 Désalator D60: en pratique 50 l/h; consomme un peu d'énergie: nous le faisions tourner soit avec au moins un des moteurs en route, soit le groupe électrogène;  cela peut être vu comme un luxe, mais c'est tellement pratique et simple à utiliser, on gagne véritablement en autonomie sans se poser la question du ravitaillement en eau; et la qualité de l'eau est sûre. Donc on le reprendrait.

L'ANNEXE:

Highfield Classic hypalon 2m60, double fond aluminium, petit coffre verrouillable, gros boudins, solide, peu sensible au soleil et aux coraux, qui reste facilement transportable (nous l'avons portée sur 200m à Barbuda pour accéder au lagon!), et très tolérante à la charge! La qualité a bien sûr un prix un peu plus élevé.  Chaine et cadenas sont de mise quand on va à terre. On referait pareil.

LE HORS BORD:

4 temps 4 CV yamaha. A poids égal le format 6 CV aurait probablement été mieux, mais le 4 CV s'est toujours révélé suffisant, on prend un peu plus son temps... Un gros avantage d'une petite puissance c'est de pouvoir laisser les enfants utiliser l'annexe et ceux qui n'ont pas de permis;  c'est probablement moins intéressant à voler. Si c'était à refaire, on prendrait un 6CV ou le même.  

LA PECHE: JOKER!  Savoir pêcher en 10 leçons, la pêche pour les nuls, les conseils des copains et leur inspection de notre matériel... Rien n'y a fait, nuls nous étions, nuls nous sommes restés! Rien à rajouter, circulez!

GAZ:  5 bouteilles Camping gaz 3 Kg; pas de problème d'autonomie, maniement et stockage faciles; renouvellement sans problème en Espagne, Canaries, Madère, iles Françaises Antilles. On reprend.

LE MAL DE MER: Le Stugeron a été pour nous le plus efficace. Il  n'est plus commercialisé en France, mais en vente libre en Espagne et Canaries; il a eu le moins d'effets secondaires (somnolence, sécheresse buccale, troubles de la vision); c'est le plus facile à doser sous la forme gouttes,  quelques gouttes suffisent souvent (éviter la forme gélule); attention, médicament de la famille des neuroleptiques, à chacun de voir avec son médecin les contre-indications et risques.

EN VRAC

On reprend: l'ordinateur avec disque dur SSDI qui résiste aux chocs, la tablette avec cartographie navionics de secours, le "domino" acheté en métropole et dé-simlocké pour avoir un petit réseau wifi sur clé 3G (Digicel sur les Antilles est le moins cher), l'antenne Wifi externe (pour capter le Wifi du bar de la plage) , l'appareil photo reflex tropicalisé à prix raisonnable Pentax K50, les trottinettes, la crème solaire et les sticks à lèvre de marque Actinica, le minuteur de cuisine pour faire office de réveil pendant les quarts, la guirlande à LED IKEA pour éclairer le cockpit.

On ne reprend pas: le Navtex, jamais utilisé;  peut-être pas le kayak gonflable

On prendrait: liseuse électronique, paddle gonflable (les enfants ont adoré/détruit ceux des copains bateau, n'est-ce pas Méléos!)

AU TOTAL:

Nous avons été satisfaits de notre matériel; bien sûr il y a un coût, qui ne se retrouve que partiellement à la revente; bien sûr on peut très bien faire avec beaucoup moins; en transat, nous avons transmis par VHF notre météo à un petit voilier de 2 jeunes gars qui n'en disposait pas. A chacun d'évaluer ses besoins, mais ce qui est sûr, c'est que les économies sur les fondamentaux (coque, gréement, voiles et moteur) peuvent coûter cher, non seulement financièrement mais surtout humainement.

Pour ceux qui auraient du mal à nous mettre un commentaire, vous pouvez nous écrire sur notre boite mail : sevonseas@famillesevin.fr

Amitiés marines

Jean-Pierre

 

Excellente initiative que ce bilan 6 mois après le retour afin de faire partager vos choix techniques et votre analyse .

Un jour un autre départ .... Slt des iles Fidji , on hiverne le cata , retour pour le boulot a la saison fin février , prochain voyage Noumea en octobre Pascal

Lu attentivement ton bilan technique (merci pour la dédicace). Tout à fait d'accord avec vos conclusions. Mais il suffit pas de dire "on reprend", il faut aussi préciser "quand" pour qu'on puisse s'organiser ! Remis de votre réveillon ? Bises de C & Q

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