Navigation et escales au Mozambique

Navigation et escales au Mozambique

Posté par : Pascal
24 October 2024 à 00h
Last updated 29 October 2024 à 17h
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Blog La plume du Fou 1
#11# Escales au Mozambique de Nacala à Chiloane
PREMIER CONTACT
Sur son paddle, Shirley rejoint le catamaran à l’arrêt depuis quelques minutes à peine. Le capitaine a choisi
de mouiller devant le lodge Kawalala. Shirley souhaite la bienvenue, l’occasion pour le mousse de bavarder
un moment. Son mari Mike contactera un agent de l’Inamar (Affaires Maritimes Mozambicaines). Abdul
s’est révélé un agent de confiance qui accompagne les catamarans dans leurs démarches, à Nacala, à Ilha de
Mozambique, à Moma, à Beira.
Pourtant les échos n’étaient pas encourageants. Les équipages devaient, au dire des rumeurs de ponton,
s’attendre à un accueil médiocre, voire même des tentatives de racket. Le Mozambique est un pays qui
s’ouvre très progressivement aux plaisanciers. Le sud, oui, nous dit-on, les Sud-Africains font escale à
Bazaruto, mais le nord, non, franchement méfiez-vous, attendez-vous à des ennuis.
Depuis sa première escale à Nacala, Moetera a parcouru, cinq semaines durant, 650 milles, a visité des
villages où probablement un enfant de 12 ans n’a jamais vu un étranger et certainement jamais vu un voilier
blanc cent fois plus grand que la pirogue de son tonton.
Bilan : les mozambicains sont chaleureux et accueillants.
Oui, parfois, des « officiels » ou du moins des hommes et des femmes qui s’en réclament, ont tenté
d’arrondir leur maigre fin de mois, cherchant à profiter d’une opportunité rare.
Une certitude, au Mozambique, on ne compte pas son temps, celui passé en négociations.
LES BAIES SONT ANIMÉES
Au pied des dunes, à l’abri des brisants, dans une clairière de mangrove, se nichent les villages de pêcheurs.
Des dizaines de pirogues, à voiles, à pagaie, monoxyles ou en équipage, se croisent.
Sur l’eau, on s’interpelle d’une pirogue à l’autre, on bavarde, on aide le voisin à relever le filet, à dénouer
une ligne emmêlée.
Les hommes partent le matin en mer et reviennent à la bascule de la brise, à la mi-journée. D’autres ont lancé
leur ligne dans l’eau calme d’un bras de l’estuaire.
Sur les bancs de sable, des groupes d’hommes et d’enfants pratiquent la pêche à la senne. Une pirogue
dessine un large arc, tirant le filet dans l’eau, les extrémités sont tendues sur le sable. Sur le banc, les enfants
profitent du désoeuvrement temporaire pour jouer, ils attendent l’ordre des ainés qui les appelleront pour
rabattre le filet. Alors, les jeunes, garçons et filles, se rangent en file indienne, la ralingue en main, ils hissent
le filet sur la plage.
Un peu plus loin vers le village, l’eau jusqu’à la taille, marchant dans la vasière, le seau au bras et surveillant
d’un oeil leurs plus jeunes enfants restés sur le sable, les femmes ramassent les crabes à marée basse.
La pêche traditionnelle est une affaire collective. Au Mozambique, les pêcheurs s’organisent en comités
communautaires de pêche. Mais la pêche est maigre, elle ne nourrit plus assez confie un pêcheur au
capitaine. Les villageois sont dans l’urgence de se nourrir. L’épuisement de la ressource halieutique est un
phénomène qu’ils subissent tout en le provoquant. Phénomène connu ailleurs.
# 11 # Chronique Carine Escario - samedi 19 octobre 2024
Blog La plume du Fou 2
FLASHS RENCONTRES
• « BOM DIA! », BAS TENDU, POUCE LEVÉ, SOURIRE.
Deux grands voiliers blancs mouillent devant le banc de sable qui se découvre à marée basse. C’est un
évènement venu perturber la vie quotidienne de la baie. Les pêcheurs ne résistent pas à l’envie de
s’approcher. Un coup de gouvernail à tribord, voile rabattue, la pirogue ralentit à l’approche du catamaran,
elle le longe, et hop, l’arrière à peine dépassé, nouveau coup de gouvernail pour boucler le demi-cercle
autour du voilier. Les têtes sont tournées vers le voilier, les regards plongent dans le cockpit.
Ah si seulement ils pouvaient se dévisser la tête pour prolonger leur observation…
Parfois l’un d’entre eux tend une prise. Poisson ? Un autre porte devant sa bouche son pouce, il a soif. Le
capitaine lui tend une bouteille d’eau ou de soda.
• UNE FOIS SEULEMENT, LES ÉQUIPAGES NE SE SENTENT PAS LES BIENVENUS.
Baie de Conducia, les catamarans ont contourné une pointe de sable au fond de l’estuaire et se retrouvent
dans une petite baie très protégée. Un trou à cyclone déclare le capitaine. Une foule s’est rassemblée sur la
pointe au passage des voiliers.
Immédiatement, les hommes en pirogue se dirigent vers les catamarans, viennent virer au plus proche,
jusqu’à les frôler. C’est le seul endroit où le capitaine doit faire preuve de fermeté pour éloigner les pirogues
et rendre à la raison les hommes auto-déclarés officiels qui cherchent à monter sur le bateau dans l’espoir de
percevoir une petite « taxe ». « Ils sont un peu tendus avec la guerre dans le nord » avait expliqué un français
installé à Ilha de Mozambique.
• DU COCKPIT, LE MOUSSE ENTEND LES CRIS DES ENFANTS, LES CLAMEURS D’UNE
COUR D’ÉCOLE, SANS ÉCOLE.
Les enfants interpellent le grand voilier blanc, la réponse du mousse provoque des exclamations de joie. Les
ainés portent des seaux, la petite troupe chasse le crabe. La veille, l’équipage avait été à leur rencontre,
distribution de bonbons, de cahiers et de crayons de couleurs, quelques photos instantanées et offertes
avaient fait de cette journée une fête.
MOMA
• Oh, vous allez jusqu’au Brésil ? En avion ? Non, Olga, avec nos bateaux.
Aaah, Brésil, alors il faudra apprendre le portugais ! Elle a raison Olga, la policière de Moma avec qui le
mousse papote depuis un moment.
Olga, petite femme aux jolies formes dans son uniforme, au visage souriant mais au regard déterminé, se
tient assise sur l’une des deux chaises en plastique du poste de la police maritime de Moma.
Poste de police maritime. Une simple halle couverte construite sur la grève. Un manguier les pieds dans le
sable offre un peu d’ombre. Parce que le soleil brûle à Moma, et le sable brûle les plantes de pieds.
Dans la halle, sur un côté, deux pièces fermées, l’une fait office de bureau, sombre, à petite ampoule ne suffit
pas à éclairer la table. Le capitaine a compris que celui de gauche est l’armurerie, laissée ouverte d’ailleurs,
même quand les trois policiers, à l’heure de midi, ont déserté les lieux. Une planche en guise de comptoir.
Deux chaises en plastique, la troisième est déglinguée, Olga l’a remisée dans un coin, faire propre pour
accueillir les mzungelos.
Papoter… quelques mots, des regards, et l’usage de la langue internationale des gestes, fort bien pratiquée
par le mousse. Olga a trois enfants, elle est de Moma, fière de son job et de son uniforme.
# 11 # Chronique Carine Escario - samedi 19 octobre 2024
Blog La plume du Fou 3
Son supérieur Fernando, parle l’anglais. Et Fernando est bavard, pour une fois qu’il a l’opportunité de parler
en anglais avec des étrangers. Fernando est de Nampula, la capitale régionale à 200 Km. Il fait le trajet. Sa
famille est restée à Nampula, pour l’école des enfants, pour sa femme, parce que Moma, c’est un petit bourg
paumé au bout d’une piste de sable.
Moma, c’est le village mexicain dans les Sept Mercenaires, on s’attend à croiser Steeve Mac Queen et
Charles Bronson au détour d’un croisement. Plan quadrangulaire, héritage de la colonisation portugaise,
bâtisses à toit plat, une sur deux décrépie ou en ruine, encore le cyclone, le meurtrier de 2019 ou un plus
récent. Un large boulevard traverse le bourg. Le sable envahit les artères. C’est moche Moma et pourtant
l’équipage s’y sent bien. Les habitants de Moma font le job.
Le mousse prend la place à l’arrière, le capitaine s’assoit devant, entre le mousse et le chauffeur. Le mototaxi
démarre doucement, les roues dans le sable, le poids de la charge, ne pas déraper. Pour une fois qu’il a
des clients. Et des bons ! Parce que depuis que les mzungelos sont arrivés, le prix de la course a doublé. Une
opportunité en or, imaginez : 100 mtc (1,50 euros) pour une course du poste de police au marché.
Le panier au bras, le mousse s’enfonce dans une étroite allée encombrée de primeurs. Les étals sont faits
d’une planche, on trouve les ignames sur une natte à terre. Au Mozambique, l’unité au poids n’existe pas.
Les vendeurs ont préparé des mini pyramides de tomates ou de poivrons. Le prix est à la pyramide. Celui de
l’oeuf à l’unité. Pour faire le marché, penser à la monnaie, la petite, celle qui ne se dit même pas en euros.
Retour en moto-taxi au poste de police. Il faut attendre Fernando, le chef. On attend toujours au
Mozambique. On ne sait plus très bien pourquoi. Mais on attend.
En face du poste, capitaine et mousse s’installent dans une échoppe. Menu simple et copieux : poulet, riz et
matapa (feuilles de manioc, lait de coco, cacahuètes, ail, le tout pilé), le lendemain, poisson grillé, riz et
matapa. La mère a installé son restaurant dans une case. Quatre tables et les bancs fabriqués de planches,
cachés du soleil par de vieilles capulinas défraichies, ces grandes étoffes qui servent de jupes et de fichus aux
femmes, de nattes au marché, de rideaux dans la case. Des bassines en guise d’évier, le cadet y épluche les
crevettes. Le foyer est installé au sol de l’arrière cuisine, un peu à l’extérieur où cuisent le riz et le matapa
dans de gros chaudrons. La fille aînée présente aux étrangers une bassine d’eau et un savon. On mange avec
les doigts. Mais pour les mzungelos, on leur a trouvé des fourchettes et des cuillers.
Avec trois fois rien, sans eau courante, sans électricité, sans gaz, cette femme a réussi à faire de son
restaurant un lieu fréquenté. Il fait aussi Take-Away, des clients viennent y chercher des barquettes. Pour 7
euros (à deux), on se régale, on repart repu.
Fernando revient. Il va rendre service aux capitaines.
Le capitaine avait tenté de retirer de l’argent. Moma dispose de deux agences bancaires, les seuls bâtiments
du bourg aux couleurs clinquantes, aux vitrines tapissées de photos d’hommes et de femmes souriant de
béatitude : la banque détient la clef du paradis de la consommation.
La charmante hôtesse a expliqué au capitaine que, n’ayant pas de compte, le retrait lui est interdit. Fernando
s’est alors proposé d’intermédiaire. Les capitaines quittèrent les catamarans à l’heure du café matinal et ne
rentrèrent qu’à celle de l’apéritif du soir ! Ils passèrent la journée à attendre Fernando, parti remplir sa
mission à la banque.
# 11 # Chronique Carine Escario - samedi 19 octobre 2024
Blog La plume du Fou 4
Mais que peut bien faire un policier dans une banque pendant … 8 heures ! Le mystère reste entier, mais le
service proposé fut rendu.
Le lendemain, au petit matin, les catamarans appareillent.
# 11 # Chronique Carine Escario - samedi 19 octobre 2024

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