Transat 2ème saison : Canaries-Martinique

Transat 2ème saison : Canaries-Martinique

Posté par : Olivier
31 December 2010 à 00h
Last updated 27 November 2014 à 14h
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.Transatcomp_002_s.jpgLa transat, enfin !
Alain, mon équipier dans cette aventure, est sur place depuis plusieurs jours ; c'est une grande joie de le voir et de retrouver Teles, sagement amarré depuis 3 mois à Pasito Blanco. Quelques préparatifs, et cap sur les Amériques...
Armelle va jouer le rôle crucial d'assistance à terre, grâce à un échange quotidien d'e-mails (extraits de mes envois dans le récit ci-dessous) via l'Iridium, lequel nous assure aussi la météo. Elle doit nous rejoindre le 22 décembre en Martinique, si tout va bien.


L'apocalypse !

Un déluge sur les Canaries la veille du départ prévu le 30 novembre. Routes coupées, aéroports fermés, de mémoire de Canarien ce sont des intempéries exceptionnelles. Nos quatre caddies pleins sont chargés sous des trombes d'eau. Le ponton est glissant, je chute méchamment au cours des transferts. Rien de cassé mais il y a eu doute pendant un moment : ma jambe gauche s'en tire avec un énorme hématome pour quelques jours.

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Sur le bateau, quelques pièces sont remplacées, mais impossible de dévisser les butées du rail d'écoute de grand-voile pour installer le chariot neuf que j'ai apporté : soudées au sel et à la corrosion. Un bricolage improvisé me semble hasardeux juste avant le départ et je laisse les choses en l'état, mais ce sera un point fragile. Côté énergie, l'électricité sera produite par le couple bien éprouvé pile à combustible + DuoGen en mode hydrogénérateur, les deux vérifiés et quelques pièces changées. L'eau douce nous sera fournie en abondance par le dessalinisateur.

30 novembre : le départ.

Arrêt de la pluie. La mer est encore bien agitée, nous attendons la renverse du vent prévue du sud-ouest au nord-est. A 16h30 les conditions sont bonnes et nous appareillons sous un ciel dégagé et une petite houle résiduelle. La joie, après 3 mois loin du bateau !

Transatcomp_001.jpgAu revoir Gran Canaria

L'atlantique nord est envahi de méga-dépressions, juste sur la route directe au 250°. Pas le choix, il faut les contourner en passant par les îles du Cap Vert. Nous mettons donc le cap plein sud.

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La météo sur l'atlantique

Ces premières heures, tout est parfait : nous filons à plus de 7 nœuds, portés par un bon vent au portant et le courant des Canaries. Il ne fait vraiment pas chaud malgré la latitude (nous sommes au large du Sahara Occidental), on reste couverts.

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Les conditions sont idéales pour prendre nos marques, et pour Alain se familiariser avec le bateau. Nous établissons 2 quarts de 3 heures chacun pour la nuit, les manœuvres et la vie du bateau nous occupent le reste du temps. Ce sont aussi de vraies vacances : farniente, lecture, musique, avec cette impression de temps étiré et d'espace infini, sérénité, loin du stress, silence (si l'on excepte les très nombreux et très signifiants bruits du bateau...), et la splendeur du ciel de jour comme de nuit !

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Déjà la fin du rêve :

Il faut réduire un peu et nous prenons un ris... La grand-voile se déchire en bordure du renfort de ris sur plus de 30 cm ! Si près du départ, consternation ! Pas question de faire machine arrière contre le vent et le courant, et rien à espérer au Cap Vert pour réparer. D'emblée, la traversée est compromise par une avarie importante. Une fois les moments de découragement passés, les décisions sont prises : nous allons naviguer sous 2 ris, afin de neutraliser la zone déchirée, et attendre le 3ème jour où le vent doit tomber pour tenter une réparation.

Le 3 décembre, le vent tombe en effet, mais la mer reste agitée et le chantier est acrobatique. Je fixe des rustines en caoutchouc pour annexe avec de la colle époxy : il me semble invraisemblable que ça puisse tenir aux efforts considérables sur une voile, surtout pendant plus de 3 semaines. Mais pas le choix.

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Chantier de voilerie improvisé

Pas de vent !

Après cet épisode refroidissant, la météo confirme une forte baisse du vent, qui devient même quasi-nul au bout de 5 ou 6 jours. On n'avance plus, le bateau est secoué par la houle, les voiles battent et le gréement souffre. Nous allons franchir une zone de calme au moteur pendant une dizaine d'heures. Le peu de vent restant s'est remis au sud-ouest : la route est barrée. Le choix est soit sud-est pour passer à l'est des îles du Cap Vert et essayer de trouver un peu d'alizés, mais c'est un énorme détour, soit contourner la zone par le nord en obliquant vers l'ouest.

Transatcomp_022.jpgNous mettons cap à l'ouest, vent travers et même au près serré avec toute la toile : code 0, grand-voile haute en priant pour que notre rapiéçage tienne ! Il faudra mettre du moteur pour recharger les batteries, la vitesse est trop faible pour que la DuoGen charge suffisamment. En plus, elle se prend régulièrement des détritus, plastiques et lambeaux de filets qu'il faut éliminer.

Trois jours vers l'ouest, en remontant même un peu au nord, puis le vent adonne en passant au nord-ouest et nous ouvre enfin la porte du sud.

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La trace GPS des premiers jours

Mail du 7/1 : "Le mieux se confirme, nous avons fait 109 nm les dernières 24h donc presque dans la moyenne. Le vent n'est pas encore vraiment dans le bon sens mais on peut maintenant le remonter grâce au Code 0, hissé toute la journée sauf un moment de survente (modérée) à midi. Nos principales préoccupations sont alimentaires. Il n'y a plus de pain, donc nous attaquons demain la fabrication de pain. Ça ne va pas être triste ! Le rythme des quarts est bien intégré. Il y a 12 h de nuit et 12 de jour donc beaucoup de temps passé à dormir, de jour comme de nuit. En plus nous dormons très profondément, les réveils sont parfois durs. Mais pas de fatigue anormale, les manœuvres de voile nous font faire du sport. Sinon on a toujours 28°, l'eau est à 27° et on n'a pas croisé un bateau depuis 24 h. Demain on devrait arriver au-dessus de Mindelo et après-demain attraper les alizés."

Près des îles du Cap Vert

Nous arrivons au large de Santo Antao le 8 décembre. Déjà 9 jours du départ et nous avons fait à peine un quart du parcours. C'est encore rattrapable mais il faut avancer beaucoup plus vite désormais. Nous passons au-dessus des îles du Cap Vert sans les voir, gardant une distance prudente des filets et objets flottants incontrôlés. Enfin il y a du vent, un peu instable mais nous avançons. Pas très vite, l'état de la voilure nous oblige à prendre 2 ris quand un seul suffirait.

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Rencontre rare : un paquebot en route pour l'Amérique du sud

 

Mail du 8/12 : "Ça y est, le 1er pain est sorti du fournil ! Pas levé, mais bon goût. Il faudra améliorer la recette. Mon équipier en a profité pour engloutir toute la miche... Nous sommes enfin sortis de ce marais maudit et filons maintenant droit sur la Martinique à 5 kt, on devrait atteindre les 6 kts en croisière demain soir ou après-demain. Ça permet d'avoir de l'électricité et de moins rationner de ce côté. On a encore passé la journée à changer de voiles mais ça doit être terminé, ce sera plutôt la prise de ris maintenant."

Trois jours de navigation géniale

Pile au cap, sous deux ris. Nous avons la visite de quelques dauphins, mais surtout des chapelets de grains. Je préfère les éviter et nous faisons une petite course aux grains en les suivant au radar pour anticiper leur route : on arrive à tous les contourner !

Transatcomp_039B.jpgLa course aux grains

C'est là que le pilote automatique fait des siennes : panne d'afficheur. Heureusement il marche quand même mais impossible de le régler à la demande.

Transatcomp_070.jpg Ecran muet...

Mail du 9/12 : "Nous avons du vent, même un peu trop, et beaucoup de grains. La nuit dernière a été agitée et la prochaine s'annonce idem. Enfin nous sommes sur la route et avançons bien, le moral est bon. Nouvelle avarie, l'écran du pilote est éteint. Il marche quand même mais sans écran ce n'est pas pratique...! Un truc de plus, sinon le reste va bien."


L'assistance à terre va déployer tout son talent : Armelle s'accroche au téléphone et en moins de 2 jours la panne du pilote est identifiée et le matériel de rechange est expédié. Malheureusement il faudra attendre l'arrivée pour la réparation.

Mail du 10/2 : "Pour le moral ne t'inquiète pas, de toutes façons la pire avarie sur un bateau c'est les chiottes bouchées et je suis tellement tyrannique sur ce sujet que ça n'arrivera pas...! Aujourd'hui très bonne journée, vent parfait, 128 nm parcourus, bien que la mer soit vraiment agitée : ça fait des jours qu'on se fait secouer mais on dort très bien et pas de signe de fatigue. La météo semble annoncer du calme dans 3 ou 4 jours hélas, je suis ça de près pour éventuellement contourner mais ça va encore nous retarder. Protégez-vous du froid, on a peine à imaginer ici, évidemment, on cherche plutôt à éviter les coups de soleil."

 

Mail du 11/2 : "On commence à transpirer dur, même la nuit. Excellente journée, beaucoup de vent, beaucoup de mer aussi... On avance bien. On a décalé d'une heure car les quarts devenaient un peu inadaptés. On risque de déchanter dans 2 jours pour la météo, on verra bien. Je pense irréaliste qu'on prévoie notre arrivée avant le 24 ou 25, tu devrais maintenant prévoir un hébergement, quitte à annuler après. Là on cravache mais si on a encore une zone de pétole de 2 jours on n'y arrivera pas. En plus avec la voile déchirée on ne peut prendre que 0 ou 2 ris,avec un seul ça irait mieux mais on la ménage, évidemment..."

 

Mail du 12/12 :"On est à peu près au milieu mais ici les distances ne signifient pas grand chose, c'est le temps qui compte. La dernière nuit a été "riche" : jusqu'à 24kt de vent, régime de rafales permanentes et beaucoup de mer. On a eu plusieurs grains. Il fait chaud le jour mais la nuit on reste couvert. Aujourd'hui on a obliqué vers le sud pour éviter la zone de calme qui se profile dans 2 jours mais ça nous retarde encore un peu plus... Dommage, on est à 6,5 kt de moyenne et les conditions de nav sont vraiment fantastiques. Le pilote assure à merveille, on a 1 ris de trop mais au moins la voile est préservée. Ce soir ça souffle encore beaucoup, creux 2 m, beau temps pour la nuit. Je vais voir la météo pour décider notre route de demain. J'avoue que cette traversée c'est vraiment le bonheur... Seul problème, le délai qui met la pression mais autrement pas de souci, nous avons des provisions et avec la vitesse toute l'électricité nécessaire. Le moteur ne tourne que pour le dessal."

 

Pas de vent (bis)...

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Une météo calamiteuse

Le vent s'évanouit à partir du 13 décembre, mais pas la mer. Le couple infernal vent faible-mer agitée est fatal au gréement : rupture d'une pièce de maintien de la bôme, repérée à temps car je surveille tout...

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Cassé, réparé

Mail du 13/2 : "Aujourd'hui petite distraction inédite : on a failli perdre la bôme !! Nous sommes arrivés dans une zone de vent faible comme prévu, et les voiles se sont mises à claquer, la bôme à osciller violemment comme à chaque fois malgré tout ce qu'on peut mettre pour la tenir. Et à chaque fois je vérifie que ça ne fait pas de dégâts, surtout sur le vit de mulet dont l'axe tient par une petite goupille déjà réparée une fois. Je ne trouvais pas ça solide et je m'en méfie toujours. Bien m'en a pris : l'axe était entièrement sorti sur tribord et ne tenait plus que par 1 mm sur bâbord. Je ne te dis pas les manœuvres en urgence : affaler, réaligner l'axe, trouver une goupille de rechange et arriver à la faire rentrer...Heureusement la mer n'était pas trop agitée. Enfin tout est réparé! Mea culpa, j'aurais dû changer cette pièce d'office. Et de surcroît on a de nouveau du vent ce soir, la météo est vraiment difficile à suivre. La réparation sur la GV a l'air de se décoller un peu... Surtout, qu'on ne relâche pas trop l'attention !"

Puis c'est une véritable pétole, avec la mer totalement lisse et plus un souffle d'air. L'anémomètre ose afficher 0,5 nœud ! Je me résous à remettre le moteur malgré des réserves en gazole déjà bien entamées, mais l'hydrogénérateur ne charge plus et il faut un minimum d'électricité.

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Au moteur sur mer d'huile

Mail du 15/12 : "Aujourd'hui le vent a repris mollement et ce soir on a retrouvé une bonne vitesse. Il y a encore eu des heures à se faire secouer et la goupille du vit de mulet que j'avais réparée a de nouveau cassé. Mais maintenant ça devrait tenir, on a un bon vent régulier qui ne secoue plus le gréement en tous sens, que c'est pénible ces moments ! Alain a réussi cette fois un excellent pain et on se régale. J'espère qu'il n'y aura plus de changement météo, on a quand même 1350 nm à faire encore ! Vraiment je n'aurais pas pensé cette transat ainsi à pleurer le vent des jours durant...Il faudra la refaire en mieux ! Hi hi hi... A part ça, c'est vraiment magique de se savoir là en plein océan, comme tu disais il y a quelques jours. Extraordinaire expérience, n'est-ce pas que ça fait envie ?"

 

C'est reparti !

Nous reprenons progressivement une vitesse acceptable, nous avançons à 110-120 milles par jour. Il faut parfois réduire la voilure, surtout la nuit en prévision des grains, et l'obligation de prendre systématiquement 2 ris nous ralentit. Le chariot d'écoute de la grand-voile, que je n'ai pu remplacer avant le départ, ne résistera pas plus longtemps. Là encore je surveillais et nous avons pu réparer en évitant un accident.

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Encore une réparation de fortune

L'océan est désert, nous n'avons pas croisé de bateau depuis 4 jours.

Mail du 16/12 : "Ça s'approche enfin ! Encore quelque 1200 nm, 10 jours si tout va bien. Évidemment la manille du chariot d'écoute a cassé pour la 6ème fois, puisque je n'ai pas pu changer la pièce. Donc encore un système de fortune ! Le retour du vent a été lent et progressif, on peine à dépasser les 5 nœuds de moyenne malgré de bons moments à 7 mais qui ne durent pas. La météo semble enfin stable durablement et cette journée a été très relax, juste un empannage pour suivre le vent au mieux. Il fait toujours 28-29°, pas trop chaud surtout depuis que le vent est revenu."

Nous croisons (de loin, juste repéré à l'AIS) un cargo à destination des USA : nous avons vraiment changé d'hémisphère.

Pas de vent (ter)... là c'est trop !

Voilà une nouvelle dépression devant nous, bien que nous soyons descendus jusqu'au 16ème parallèle. Il va falloir encore obliquer au sud et perdre du temps. Le vent reste faible, mal orienté, j'ai l'impression de piétiner. Jamais nous n'arriverons en Martinique pour les quelques jours prévus en famille, c'est désormais certain. Alors je pique une grosse colère contre les éléments, le temps, les pilot charts, les statistiques climatiques... Alain laisse passer l'orage !

Mail du 17/12 : "Rien ne va plus. Hier encore je pensais que tout allait se rattraper mais à peine t'avais-je envoyé mon dernier mail que le vent est tombé très rapidement. Ce n'était pas du tout prévu comme ça sur la météo, mais ici ça a l'air assez approximatif. J'ai tout de suite empanné pour aller franchement sud où il semble y avoir un semblant d'alizés. Toute la nuit à 2-3 nœuds à se faire secouer pendant que tout casse (mousquetons, manilles, etc), un bruit d'enfer tout le temps sauf aux rares moments où on capte un peu de vent. En ce moment même tout le bateau est secoué au point qu'on croirait qu'on va démâter tellement les secousses sont violentes. Il y a 4 nœuds de vent, on est sous spi depuis ce matin pour arriver à 3-4 nœuds de vitesse. Naturellement les batteries ne sont plus chargées, etc. C'est comme dans les films de pirates avec le vaisseau toutes voiles flasques au milieu de la mer sous un soleil de plomb, avec les gars avachis, le scorbut, le béri-béri et la bouteille de rhum... Toujours est-il que j'ai pété les plombs, marre de gérer du force 2 (ou 1) sur cette transat dont tout le monde dit que c'est une autoroute... Aujourd'hui, depuis qu'on a hissé le spi, on fait semblant d'avancer et je vise entre 14° et 15° de latitude où il devrait y avoir des traces d'alizés... Bon voilà, tout va mal et uniquement par la météo parce que tous les problèmes du bateau ont été résolus avec les moyens du bord. Vraiment ça me troue le c...! Juste une interruption, il a fallu affaler le spi en urgence car voilà une rafale à 15 kt sans crier gare. Ça entraîne aux manœuvres nocturnes... Et on reprend le combat nuit et jour."

N'avons-nous pas eu assez d'avaries ? Voilà que le circuit d'eau douce fait des siennes, il y a une fuite quelque part. Je trouve rapidement le trou sur le flexible de la douche de cockpit. Pas réparable sur le moment mais facile à neutraliser. Et le lendemain, le feu de navigation bâbord est grillé. Plus d'ampoule de rechange, il était prévu de tout changer en LEDs, pas arrivées à temps bien entendu ! Sinon, les remplacements de goupilles et manilles, ça marche fort !

A la lecture de mes messages rageurs, une cellule de crise est constituée par Armelle pour me remonter le moral...

Mail du 18/12 : "Merci de tes encouragements, ils sont bienvenus dans cette pétole noire dont on ne voit pas le bout. Aujourd'hui l'objectif était d'atteindre 3 nœuds, on y est arrivé de temps en temps... Toute la journée sous spi, heureusement qu'il est là, sinon il n'y aurait plus qu'à se mettre à la cape. Je répare les trucs qui cassent les uns après les autres, j'ai de la réserve ! Je me suis distrait avec une fuite sur la douche de cockpit, ça occupe... Alain s'est fait arroser pendant que je tentais de réparer, un gag à la Laurel & Hardy qui nous a fait franchement rigoler. C'est dire à quel niveau nous sommes tombés ! Enfin bon, on finit par prendre les choses avec philosophie, Alain est de bonne compagnie pour cela, rien ne l'atteint. D'après la météo, le vent revient demain et se renforce ensuite sans nouveau bordel emmerdogène à venir. On mettra toute la toile et on verra bien. On a du gazole pour recharger chaque jour s'il le faut, et la nourriture ça va. On a même retrouvé du lait dans un coin ! Ce n'est pas encore le Radeau de la Méduse... Il fait maintenant vraiment chaud, on dépasse les 30°."

Nous avons renoncé à notre semaine de vacances à l'arrivée. Armelle est de nouveau mise à contribution pour annuler les vols et retarder le mien : désolant mais un gros soulagement car je n'ai plus cette pression sur les épaules (on ne devrait jamais être tenu par le calendrier en navigation, oui... ). Très progressivement, nous allons reprendre de meilleures conditions de navigation où le gréement ne fatigue plus.

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Ça repart doucement

Mail du 19/12 : "Nous avons retrouvé du vent, mais vraiment le minimum pour faire du 4-5 nœuds tout au plus et en tirant des bords arrière. Ça devrait se renforcer les 2 jours suivants, puis à nouveau diminuer : jamais vu ça ! Nous avons quand même arrosé la barre des 1000 milles restant à parcourir ce jour. Le bateau se tient très bien, le pont ressemble à une toile d'araignée avec tous les bouts que j'ai mis en systèmes de fortune. Les bricolages à faire seront peu de chose, le seul gros sujet est le remplacement de la grand-voile qui est évidemment foutue. Je ne pourrai voir que sur place comment je vais faire. Bon, tout ça me met un peu moins la pression, il faut reconnaître que c'est tout de même une splendide navigation. Je le referai à la retraite avec 3 mois s'il le faut...!"

 

Les alizés, enfin !

Mail du 20/12 : "Journée excellente, bon vent régulier, si on avait eu ça seulement la moitié du temps ! Je continue encore vers le sud, il y a une bande de vent assez étroite entre les zones pétoleuses, j'essaie de m'y tenir et ça marche bien. Mais on a chaud, plus de 30 ° et presque autant la nuit. Comme le remarquait Alain, le bateau est nickel à part quelques pièces à changer et l'entretien normal. Il n'y a que la voile (!) comme gros truc. On commence à se dire que le retour à terre va être dur pour nous ! 4 semaines sans mettre pied à terre, ça doit faire drôle : des gens, des voitures... Je serai sûrement un peu zombie !"

 

Mail du 21/12 : "Nous marchons bien, bien que toujours pas assez vite à mon goût. Enfin c'est un vrai régime d'alizés, réguliers bien qu'un peu faiblards, guère plus de 15 kt sauf hier jusqu'à 22 kt. La mer est toujours bien agitée, mon second était un peu barbouillé ce matin. Nous, nous avons du chaud à revendre, plus de 31°, on transpire pas mal aux winchs ! La dernière nuit a été mouvementée car nous avons été poursuivis par des chapelets de grains. J'ai réussi à les éviter en les suivant au radar, sauf un qui nous a effleurés, on a senti le souffle de la bête...impressionnant ! Le tout sous un magnifique clair de lune. L'ambiance reste très bonne."

 

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Le pilote et le Père Noël...

Tout semble donc s'améliorer... trop bien peut-être. Le rappel à l'ordre est brutal : le pilote, qui marchait toujours impeccablement bien que sans écran de commande, tombe en panne totale ! C'est une catastrophe qui ne nous laisse guère d'alternative : il va falloir se relayer à la barre 24 heures sur 24. Finies l'insouciance, l'ambiance décontractée et conviviale que nous appréciions tant au fil des semaines passées. Le jour c'est fastidieux, mais la nuit est franchement pénible d'autant qu'à cette période la nuit est d'un noir d'encre : 3 heures à barrer uniquement au compas ou à l'anémomètre, en compensant en permanence le mouvement des vagues et les oscillations du vent, on en sort lessivé. Je décide de sauvegarder le déjeuner, toujours artistiquement concocté par Alain, en mettant à la cape le temps de savourer et de se parler un peu.

Enfin, la veillée de Noël va nous apporter un somptueux cadeau : sous nos yeux incrédules, après 36 heures de cette galère, le pilote se remet en marche !

Mail du 24/12 : "Notre réveillon a été assez frugal : un genre de julienne de légumes, ananas en boîte, bière ! C'est que nos réserves touchent à leur fin, encore heureux qu'il nous reste de quoi pour tous les jours ! Mais le Père Noël est passé ! Nous avons de nouveau un pilote !! Les 36 h à barrer en continu ont été très limite, aussi tu imagines notre joie quand j'ai vu le pupitre s'éclairer, sans toujours rien de lisible mais avec des touches opérationnelles. Pourvu que ça tienne jusqu'au bout, là on prendrait très mal une rechute. Il y a eu aussi une grosse panne de la Duogen. J'ai tout démonté la nuit dernière, et encore de jour. J'ai constaté la perte d'un boulon à la base que j'ai pu remplacer, et ça a l'air de marcher. Mais les crapahutages à l'arrière du bateau, pas terrible surtout la nuit...! Normalement on devrait arriver le 29. Je n'essaierai pas de prendre le vol prévu, je garderai 1 ou 2 jours pour les réparations et la voile. On est passés sous la barre des 500 nm restants aujourd'hui, ça approche !"

Transatcomp_065.jpgLa DuoGen, après quelques soubresauts, est définitivement en panne : l'axe de l'hélice est tordu et l'alternateur n'est plus entraîné. Il faudra changer la pièce. Il va nous manquer 7 à 8 ampères, plus de la moitié de notre consommation, et le moteur va devoir tourner chaque jour jusqu'à l'arrivée. Il n'y a plus beaucoup de gazole et nous chargeons le jerrycan de secours.

Notre route est désormais quasi rectiligne au cap. Plus de menace de calme jusqu'à l'arrivée.

Barographdaten.jpg 

Le barographe est d'une stabilité totale, avec juste les oscillations de marée

Dernière ligne droite

Mail du 26/12 : "Le pilote reste opérationnel, c'est vraiment le plus important. Nous avons de vrais alizés à 18-20 kts, donc nous avançons très régulièrement et le matériel ne souffre plus. On se la coule douce, même si la gastronomie du bord est en effet sommaire. On s'est promis un bon resto à l'arrivée. Alain restera à bord jusqu'à ce que je parte et m'aidera à tout mettre en ordre pendant que je courrai les chantiers et mécaniciens. On prévoit toujours d'arriver le 29, mais peut-être dans la nuit précédente si on continue à marcher comme maintenant. Dans ce cas on prendra peut-être un mouillage, je ne veux pas entrer de nuit dans ce passage plein de récifs et de coraux. J'ai hâte de rentrer maintenant, même si ce sont en ce moment les meilleurs jours de navigation, ceux qu'on a tant attendus !"

nav.jpgNavigation sur l'ordinateur du bord : le dernier jour

Mail du 28/12 : "C'est la nuit la plus longue, on devrait arriver au petit matin. Il nous reste 60 nm à ce moment et les conditions sont idéales : pile au cap, vent 14 kt, vitesse 6 kt, très peu de mer. Comme quoi c'est possible ! Nous avons préparé le bateau pour l'arrivée : pavillons, remise en place de l'ancre, pare-bats... Nous avons bu le dernier vin et les dernières bières, il ne restera quasi rien mais on aura eu de quoi (à peu près) manger jusqu'au bout ! On consomme pas mal de gazole depuis que la Duogen ne produit plus, en arrivant ce sera direct ponton carburant."

Le soir du 28 décembre, nous voyons la lueur des côtes de Ste Lucie sur bâbord et de la Martinique sur tribord. C'est Alain, lors de son quart du 29 au lever du jour, qui verra le premier la terre. Je le rejoins à 7 heures pour jouir du spectacle.

Transatcomp_075.jpgTerre, terre !

Nous nous engageons dans le canal de Ste Lucie, assez agité : enfin un peu de sport ! Teles remonte au près vers la baie du Marin, encore une heure avant d'arriver à la passe et nous affalons les voiles. Autour de nous, des bateaux par dizaines, la côte, des bruits que nous ne connaissions plus depuis 4 semaines. Magique, cette arrivée !

 


Après avoir refait le plein de gazole, nous sommes placés sur un ponton géant au port du Marin, la plus grande marina des Antilles. Je n'ai jamais vu autant de catamarans en un même lieu. L'accueil est chaleureux, nous sommes heureux et un peu étourdis : nous l'avons fait !!

Transatcomp_091.jpgTeles à quai

Carte2.jpgLa trace GPS de la transat

Deux jours pour visiter les différents corps de métiers qui vont intervenir sur le bateau, et goûter aux excellents restaurants du voisinage. Alain me quitte pour d'autres aventures (c'est un lonesome cow-boy, lui...!). Et je vérifie ce que tout le monde dit : en transat, vers la fin on a hâte d'arriver mais sitôt débarqué on ne rêve que de repartir...

Transatcomp_098.jpgLa vaste marina du Marin

Teles va recevoir une nouvelle grand-voile et quelques pièces de rechange. J'espère pouvoir l'équiper en LEDs et en panneaux solaires, et rien ne manquera pour de tranquilles navigations sur l'arc antillais, cette fois en couple.

Quelques chiffres :

Distance parcourue : 3237 milles nautiques, soit 5994 kilomètres
Durée de navigation : 29 jours (et 29 nuits)
Consommations : gazole 109 l, méthanol 40 l
Dessalinisateur : 8h30 soit environ 760 l d'eau douce
Bière : 46 canettes
Vins et alcools : confidentiel...

 

Toutes les photos : diaporama

Affichage plein écran ici

 

Location

J ai suivi journalièrement et avec attention votre traversée . Effectivement pas trop de chance avec les alizées...et peu de possibilité de faire mieux au niveau route. J'attends avec impatience le récit, les problèmes rencontrés, l'énergie à bord etc... Bon séjour au Marin et dans les caraibes...sport dans les canaux et sous les grains cela rappelle u peu la méditerranée... merci pour votre site

Joubliais, si un jour tu en as besoin, un de mes neveux est skipper professionnel (capitaine je ne sais plus trop quoi) et convoie fréquemment des bateaux outratlantique.

Encore bravo à la fois pour l'exploit sportif mais également pour la narration de cette épopée. Bonne année ! (redite peut-êtr ecar je ne suis pas sur que mon 1er mail soit passé !)

tres belle traversée ! possedant le meme bateau pouvez vous me renseigner sur les piéces d'accastillage qui n'ont pas résisté durant la navigation.. un grand merci pour ce blog vraiment bien réalisé cordialement.

P......!!!! une soirée à rêver !! grâce à toi !!! quel plaisir de revoir le Diamant et le Morne Larcher !!! (16 mois passés à ses pieds !) mais comme cela doit être dur de retrouver la terre ferme ... et le boulot ;-( Bravo et MERCI pour cette page , ces vidéos , ces photos, cette aventure suivie au jour le jour ! je n'en ai pas raté une moindre miette ;-)

Merci pour ce récit, le petit temps permet de passer d'agréable repas en nav... Très belle arrivée dans la marina. Profitez bien de la navigation dans les îles. Ps pour les arrivées de nuit pas dur au Marin le plus dangereux ce sont les petites bouteilles transparentes pour la Martinique et les petites boules blanche pour la guadeloupe (casiers!!!) bon vent

Je trouve que tu passes un peu vite sur l'assistance a terre qui était tout de même parfaite!!!! Très belle aventure mais je suis contente que le capitaine soit de retour.

En lisant ton blog j'ai revécu ma transat effectuée 10 jours avant toi.Mêmes conditions météos,et par conséquent même parcours.Par contre nous n'avons jamais manqué de boissons(200litres de rhum),ni de gazole(1500litres).En ce qui concerne les menus,en dehors des réserves qui étaient proportionnelles à celle du rhum,l'océan a fourni suffisamment de protéines pour tout l'équipage.Bravo pour ton blog réellement bien réalisé et qui donne envie de repartir(regarde par la fenêtre le temps qu'il fait aujourd'hui).

Merci Olivier ... toujours agréable de recevoir de tes nouvelles , surtout celles là ... à suivre Benoit

Bravo et content de te revoir ! On a besoin de toi ici ! Félicitations au coéquipier et à l'assistance à terre (qui a fait aussi office de psychologue semble-t-il !) A bientôt pour de nouvelles aventures (moins longues ??) CB

Bravo pour le travail sur le blog... aussi ! Je suis novice et j'admire la présentation du texte, avec les photos au bon endroit et au bon format... Tu peux me tuyauter ? J'ai beau envoyer des messages à l'équipage d'Héo : pa ni réponses !

Pour Moustic, il faut savoir qu'outre ces qualités professionnelles dans la "vraie vie", Olivier possède de multiples dons: - informaticien - ordinateuriciens - gestionnaire - comptable - diplomate Et donc désormais barreur ! Je trouve quand même qu'il manque une ou 2 photos lorsqu'il s'énerve contre les vents qui ne viennent pas ! Cela nous aurait permis de connaitre une nouvelle facette du bonhomme :)) Bien amicalement CB

Merci pour le commentaire sur mon blog, que je viens à peine de découvrir et de mettre en ligne ! Mieux vaut tard ... A bientôt par ici avec plaisir !

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