Gibraltar, porte d'entrée ou de sortie.

Gibraltar, porte d'entrée ou de sortie.

Posté par : François
10 November 2012 à 12h
Last updated 27 November 2014 à 09h
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Voici avec un peu de retard le prochain épisode annoncé dernièrement.


 

 

 

Nous sommes restés 5 nuits à Mazagon à attendre que la pluie cesse enfin. Nous profitons de cet arrêt forcé pour aller par le bus visiter Huelva. Cet important port de commerce est situé à une vingtaine de kilomètres de la mer, sur une rivière, et n'offre pas beaucoup d'intérêt à y venir en bateau, les places de stationnement étant très limitées. Nous visitons le centre ville et la statue de Christophe Colomb qui montre du doigt la direction des Amériques. Le jardin public est garni de palmiers et autre végétation qui annoncent ainsi que l'architecture des bâtiments, l'Afrique toute proche. Le trajet en car nous fait aussi découvrir que nous sommes dans la région productrice de fraises, cultivées de façon industrielle par une main d'œuvre africaine.

 

Je m'aperçois, en voulant préparer la nav du lendemain, que le lecteur de carte est bloqué, figé, sur la page d'accueil. Impossible de l'éteindre ou de le rallumer! C'est pourtant l'élément essentiel qui nous guide dans notre voyage, je n'ai pas manqué dans ces notes d'y faire allusion et de vanter ses mérites tant il est utile.

 

Je ne suis cependant pas trop inquiet car visiblement il s'agit d'un bug plus que d'une panne. Je sais que demain, par téléphone, SD Marine me dira comment faire un reset. La procédure n'est pas décrite dans le manuel d'utilisation, c'est bien dommage, c'est même grave car on n'a pas toujours la possibilité de téléphoner au service après vente, il vaudrait mieux pouvoir être autonome. Questionné à ce sujet, le technicien me répond que c'est pour éviter que les voleurs sachent comment faire.... Mais les voleurs (dont c'est le métier) connaissent parfaitement la marche à suivre. Alors pourquoi mettre dans l'embarras un utilisateur honnête et malchanceux d'autant plus que ce bug ne devrait pas se produire?

 

Nous quittons Mazagon pour Cadix, le vent (3 à 4 Kts) nous oblige à recourir une fois de plus aux moteurs. Cette navigation n'a rien de particulier, nous arrivons dans la baie de Cadix par le nord ce qui nous fait découvrir en premier les installations portuaires importantes et les chantiers navals. Nous allons mouiller dans le fond de la baie devant une belle plage de sable à coté de Puerto Sherry. Le cadre verdoyant est sympa, nous y sommes seuls, normal pour cette époque mais certainement exceptionnel en été. Ce mouillage est ouvert au sud, la houle d'ouest y pénètre un peu, cela est supportable pour une nuit. La nuit suivante sera différente, nous serons à Barbate, ne sachant pas si notre cata pourrait trouver une place dans ce port, nous décidons de mouiller devant le port juste derrière la jetée. Devant la plage, les vagues viennent déferler, nous serons ballotés une fois de plus pendant toute la nuit. Nous sommes un peu consolés en voyant arriver dans la nuit un vieux gréement pour mouiller à coté de nous, se balancer comme nous malgré sa voile d'artimon gardée haute.

 

Après cette nuit agitée, nous partons sans tarder. Nous avions prévu de nous arrêter à Tarifa, port à l'entrée du détroit de Gibraltar, afin d'attendre le moment favorable pour franchir le détroit. Tarifa étant réputé pour avoir 300 jours par an des vents de 30 kts et plus, principalement d'est, avec la particularité de voir le brouillard tomber en quelques instants. Dans ces parages où le trafic maritime est important, il vaut mieux attendre le bon moment. Aujourd'hui, pas besoin d'attendre, les conditions favorables sont réunies. Pas de vent, on aurait aimé en avoir un peu quand même, très bonne visibilité, le courant porte vers l'est ce qui est pratiquement toujours le cas puisque la Méditerranée se remplit par le détroit. Dans ces conditions nous continuons en surveillant les cargos, (une dizaine), qui se suivent bien alignés dans leur rail respectif. L'attention devant être portée plus particulièrement sur les ferries qui traversent le détroit à grande vitesse. Tout cela n'a rien d'exceptionnel. Au contraire, cela crée un peu d'animation dans le cockpit, ce trafic oblige à maintenir une attention qui rompt la monotonie des navigations pendant lesquelles on ne rencontre personne. Les jumelles sont de sortie, il y a un peu de spectacle. Nous faisons notre entrée dans la grande bleue accompagnés par une bande de dauphins qui tournent joyeusement autour du bateau en signe de bienvenue, c'est du moins comme cela que nous le comprenons.

 

Nous apercevons au loin le célèbre rocher, nous quittons l'Europe, nous longeons maintenant la cote marocaine sans trop savoir où nous allons, n'ayant pas trouvé de guide pour cette région. Nous identifions sur la carte électronique les quelques endroits où il semble possible de mouiller sachant que peu d'endroits seront de bons abris, nous avions identifié cependant 4 ou 5 mouillages afin de parcourir les 180 milles restants d'ici Saïdia en 3 ou 4 jours, tranquillement.

 

Fort de ce principe, nous mouillons devant une belle plage par 4 à 5 mètres de fond de sable en fin d'après midi à la hauteur de la ville de Tétouan. Il semble que nous sommes seuls au monde, nous n'avons pas vu d'autres voiliers depuis longtemps. Seuls peut-être mais surveillés. Après avoir pris une bonne douche pour ''laver'' la fatigue accumulée depuis plusieurs jours, après avoir pris un bon repas, nous nous apprêtons à passer enfin une bonne nuit car le vent est tombé complètement et il n'y a pas de houle. La pluie, sous forme de crachin, commence à tomber, la nuit se fait noire, nous sommes bien au chaud, bien au sec. On se sent bien ici quand soudain, contre toute attente, un bateau fait son apparition. Par le hublot, nous voyons, à quelques mètres de nous, un projecteur pointé vers nous. Incrédule, je pense un instant qu'il s'agit d'un pécheur venu relever ses filets près desquels nous nous serions installés. Je sors pour éventuellement m'excuser mais c'est une avalanche de questions qui me tombent dessus : Qu'est-ce que vous faites ici? D'où venez vous? Pourquoi n'êtes vous pas dans un port? Vos papiers!

 

J'ai envie de répondre : Je vous en pose moi des questions. Je comprends qu'il vaut mieux ne pas faire le malin. Je me sens pourtant dans le bon droit : sur la carte figure le symbole d'un mouillage recommandé, je n'ai pas le sentiment d'être en infraction. Visiblement cela ne plait pas aux autorités contactées par radio qui nous obligent à quitter les lieux sur le motif invoqué de zone sensible. Nous devons suivre la vedette vers un port dont on ne sait pas s'il pourra nous accueillir, ni dans quelles conditions. Vu la façon dont cette vedette nous a abordé en arrivant tout à l'heure, par le travers, en tapant son balcon avant sur notre bordé sans ménagement et sans excuses, je négocie une autre solution, reprendre la mer pour quitter les lieux. La nuit paisible sera pour une autre fois. Nous remontons donc l'ancre et quittons ce mouillage ''recommandé'' sous l'œil de la police dont la vedette tout feu éteint se tient à quelques encablures de nous jusqu'à notre départ.

 

Dans un vent variable en intensité et en direction, nous passons la nuit à rouler et dérouler le gennaker. La navigation est simple, nous nous éloignons de la cote, il n'y a personne sur l'eau excepté les sacs plastiques et les troncs d'arbres!

 

Nous dormons plus ou moins, nous savons que nous devons rejoindre directement Saïdia pour y trouver le repos, nous devinons que la ''zone sensible'' c'est tout le littoral, nous apprendrons par la suite que les mouillages envisagés d'après la carte n'étaient pas non plus la bonne solution, les autorités marocaines n'aiment pas la pratique du mouillage sauvage. La raison étant certainement la lutte contre le trafic des clandestins.

 

Dans ces mêmes conditions nous passerons une seconde nuit en mer avec un peu plus de trafic à l'approche de Melilla, enclave espagnole dont le port de commerce est fréquenté par des ferries, nous en verrons deux passer à proximité de nous.

 

Le jour se lève avec dans le lointain la silhouette de la cote jusqu'à Saïdia. Notre route nous fait passer prés des iles Chafarinas, archipel de 3 iles espagnoles de quelques centaines de mètres de large, situées à 2 milles de la cote marocaine.

 

La vue de ces iles abruptes, rocailleuses, découpées nous incite à nous approcher un peu plus. Vues du nord ouest, ces iles semblent inhabitées, donnant un caractère sauvage qui ne manque pas d'intérêt. Un coup d'œil sur la carte, on peut même passer entre deux, ce que nous faisons en prenant photos sur photos. Nous sommes à peine intrigués en voyant des miradors, des guérites. Un canon, peut-être décoratif mais quand même est pointé vers le Maroc, cela nous semble une faute de goût de la part du roi d'Espagne envers son collègue Marocain. Nous découvrons au sud de l'ile principale : un port avec une caserne, des bâtiments, des installations plus ou moins complexes. L'ile n'est pas déserte! Nous sommes surveillés, un ''zodiac'' surpuissant vient à notre rencontre nous précisant, en espagnol, que le passage entre les iles est interdit. Trop tard, c'est fait. Rien ne l'indique, comment peut-on le deviner? Là encore sur la carte figure le symbole d'un mouillage ''recommandé''!

 

Nous venons de passer, sur une distance de quelques milles, en territoire espagnol. Ce détour improvisé à la dernière minute nous l'avons fait alors que nous avions hissé depuis longtemps le pavillon marocain dans les barres de flèches et que nous n'avions pas envie d'amener le pavillon marocain pour hisser le pavillon espagnol pendant seulement quelques minutes. Je pensais être réprimandé pour ce manquement aux pratiques maritimes et non pour être passé en plein jour entre 2 rochers!

 

Si je peux me permettre, qu'est-ce que c'est que ce comportement de gamins de maternel. C'est mon ile, c'est à moi, c'est pas à toi, t'as pas le droit de venir ici!

 

Mais pour qui se prennent ils? On est en paix, ce serait comment en temps de guerre?

 

On apprendra plus tard qu'un bateau plein d'émigrés est venu s'échouer ici récemment, sur terre espagnole donc en zone européenne mettant dans l'embarras les autorités espagnoles.... mais pourquoi sont ils si près du Maroc? Pourquoi se payer le luxe d'entretenir une garnison sur ce caillou? Le bon sens ne conseillerait-il pas mieux de céder ces roches au pays le plus proche?

 

Passé cet épisode, finalement drôle, nous filons vers notre destination : Saïdia que nous devinons déjà...

 

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