Appel à tous, Appel à tous, Appel à tous

Appel à tous, Appel à tous, Appel à tous

Posté par : Joseph
03 March 2014 à 21h
Last updated 07 December 2014 à 22h
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Ici le CROSS Antilles-Guyanne, CROSSAG, CROSSAG, CROSSAG qui va diffuser...

Cécile, Marion, Lucile, Bjoern et Clément savent bien de quoi je parle. Il s'agit du Centre Régional Opérationnel de Surveillance et de Sauvetage qui s'adresse trois fois par jour sur le canal 16 (dit la 16) aux navigateurs pour diffuser son bulletin météo côtier. Pour les néophytes c'est tout à la fois un moment de tension dans l'attente des nouvelles et de soulagement le plus souvent, rassurés d'apprendre que la houle sera de moins d'un mètre en mer des Caraïbes (pour le canal des saintes c'est une autre histoire). A contrario pour le terrien le besoin de connaître la météo se limite bien souvent à savoir si il doit prendre son écharpe ou si elle pourra sortir sa première jupe de la saison si c'est une terrienne. Sorti de ces détails vestimentaires le terrien n'est guère contraint à observer le ciel sauf pour savoir si les nuages qui planent au dessus de sa tête amèneront de la pluie ce qui serait fâcheux dans la mesure où trois fois sur quatre il a oublié son parapluie soit dans le RER soit dans sa voiture. Depuis mon départ de Floride fin décembre je prends conscience peu à peu d'un lien perdu entre nous et notre environnement. Et pour cause ma sécurité en mer en dépend. Le terrien se fiche pas mal de savoir si ce gros nuage gris amène des vents de 15 nœuds ou de 30 nœuds. Moi sur ma petite coque de noix réglée pour avancer avec un vent de 10 nœuds c'est une autre paire de manche. Si je ne fais rien, si je ne remarque rien j'aurais tôt fait de me retrouver avec les barres de flèches dans l'eau (comprendre le bateau couché sur l'eau), les drisses et les haubans qui hurlent, les voiles qui claquent et qui fatiguent le gréement, la pluie qui me gifle le visage, les jambes et les bras alors qu'ils bronzaient gentiment 10mn auparavant. Dans ces conditions tout devient plus compliqué, réduire la voilure (on dit prendre un ris), barrer, border et le risque de casse augmente. Et comme en voile plus qu'ailleurs la loi de Murphy s'applique de manière catastrophique le bon marin a tout intérêt à anticiper et donc à observer son environnement, à le comprendre. Dans ces moments notre lien à la Nature ressurgit d'un passé lointain pour nous rappeler la fragilité de notre existence, sa précarité, sa valeur et conséquence plus ou moins direct que non décidément, nous ne contrôlons pas tout sur cette planète.

 Vous allez me dire que justement l'homme a bâti des cités et des États pour se prémunir de cette précarité. Mais à l'heure où l'environnement est tout à la fois une évidence et un sujet politique de seconde zone, le risque de voir resurgir notre lien à la Nature plus ou moins brutalement est une préoccupation de chacun sans vraiment être une évidence. Hier j'ai invité mon voisin de ponton à prendre l'apéro (après une semaine de bricolage et de solitude j'étais en manque de mondanité), et nous avons eu une discussion intéressante. Jacques a 63 ans et fait partie de cette génération dorée de 68, il a fait de la voile grâce ou à cause d'Alain Gerbault, premier circum navigateur en solitaire français (le premier tout court étant Joshua Slocum, un américain). Et il m'a parlé d'une personnalité que je ne connaissais pas: René Dumont et d'un documentaire à son sujet: "l'homme siècle" (je vous le recommande d'ailleurs). Il est en fait le père de l'écologie politique en France. Du reportage j'ai retenu une idée: sur cette planète il y a de la place et à manger pour tout le monde pourvu qu'on sache s'y prendre. Mais pour bien s'y prendre encore faut-il connaitre notre environnement. Certes les scientifiques connaissent l'environnement, mais à titre individuel qu'en connait-on? Je crois qu'on ne regarde plus ou peu ce qui nous entoure, pris dans nos quotidiens citadins aux rythmes très, trop soutenus. Prenez le ciel étoilé, qui prend la peine de lever le nez le soir? qui connait les lunaisons? Qui sait trouver l'étoile polaire? Combien la confondent avec l'étoile du berger? Combien savent que l'étoile du berger est une planète? En préparant mon voyage j'ai été obligé de me poser des questions simples: comment je vais manger pendant 25 jours sans mon carrefour market sur la prochaine crête de vague? J'ai découvert que le chou pouvait se conserver allègrement 15 jours pour peu qu'on le coupe correctement, tout comme les œufs et ce sans l'aide d'un frigo. J'ai vu qu'on pouvait faire germer des graines en 4 jours, que je pouvais faire mon pain à la cocotte. Bref je découvre que je peux vivre très confortablement autrement. Pour peu que j'apprenne à regarder et à connaître mon environnement. J'entends les plus moqueurs d'ici. Bravo Joseph il aura fallu que tu partes un an sur un bateau pour découvrir l'écologie. Effectivement mais je comprends les choses j'en prends conscience quand j'en fais l'expérience. La mer étant un espace par principe qui ne peut être domestiqué par l'homme donc naturel par essence c'est sans doute le meilleur endroit pour cette prise de conscience.

Quitte à partager des évidences autant aller jusqu'au bout, toujours sur ce thème de notre lien à notre environnement, à la Nature. Sur l'eau il n'y a ni bien ni mal, pas de moral. Les choix que je fais sur mon bateau sont seulement dictés par mon environnement, et ont pour seul but d'assurer ma sécurité. Le grain qui passe n'est ni bon ni mauvais, il est simplement là et passe peu importe ce qui arrive. Il n'est nul besoin de chercher une moral à tout ça, alors je me pose la question: à quoi sert la morale? N'est-elle pas source de nos préjugés? Pourquoi aurais-je besoin du bien et du mal alors qu'il n'existe pas dans la Nature? ... Je récupère les copies la semaine prochaine!!
Bon il faut que je vous avoue, j'essaie de lire, non sans mal, " Ainsi parlait Zarathoustra". Alors il est possible que mes lectures m'aient retourné le cerveau. J'arrête là mes divagations et je lance mon dernier appel à tous. Comme je commence à préparer la transate c'est-à-dire le trajet Porto-Rico (San Juan) - Açores (Horta) je lance un appel à candidature pour faire le trajet avec moi: 2 places sont disponibles, la durée est d'environ 25 jours et promis le capitaine essaiera de se limiter sur les discussion philo de comptoir.

Sur ce je vais retrouver mes amis Marie-Jeanne et Friedrich et je vous dis à bientôt.

Bien sûr qu'il n'est pas nécessaire de passer un mois sur un bateau pour se rendre compte des richesses et de la pureté de la nature. Mais pour cela il faut observer, accepter qu'il n'y a pas que la loi de certaines élites, écologistes ou non. René Dumont a été pris pour un illuminé à l'époque mais ses réflexions étaient prémonitoires. Ce soir, une nouvelle tempête aborde la France avec ses précipitations, ses vagues et le vent qui va avec. Devant cela, on se sent tout petit et impuissant. Fais bien attention à ta sécurité et ne prend pas de risque !

Qu'Est-ce que ça me plait, ce que tu racontes là. Oui, René Dumont a tenté de faire passer un message lors des élections présidentielles de 1974. On se souviens du col roulé rouge, et du dernier verre d'eau, entre autre. Mais il ne sert à rien de tenir un discours que les gens ne sont pas prêts à recevoir. C'était vrai pour René Dumont en 74, mais es-tu sûr que ton discours à toi sera reçu autrement qu'intellectuellement, du genre: ouais, ouais, bien-sûr, on sait. Mais nous ne sommes pas confrontés à tes problèmes actuels, même si je connais et je tiens le discours de Renè Dumont depuis la fin des années 60. Aujourd'hui, tu es à peu près sur les lieux où Christophe Colomb à débarqué (Cuba, on sait, mais il y eu d'autres îles qui ne sont pas toutes nommées, ou qui on changé de nom) Lui aussi a connu les tempêtes, et a peut-être cru sa dernière heure arrivée. J'arrête, j'ai déjà été trop long.

Hello Jo, Merci pour ce documentaire sur M. Dumont que je ne connaissais pas. Sa sincérité, sa vivacité d'esprit et la noblesse de ses combats sont bluffantes. Une chose cependant : puisque je (en tant que membre de la société) dois bouleverser la manière dont je vis, je serai vraiment plus motivé si on me promettait des lendemains qui chantent plutôt qu'une mort certaine en cas d'inaction. Ton aventure et ton courage me parlent plus que les propos de ce monsieur car, comme le recommande M. Gandhi, tu es le changement que tu veux voir dans le monde. Bravo à toi

Salut Jo, ce que tu écris me fait penser au dernier livre de Jared Diamond, Le monde jusqu'à hier : Ce que nous apprennent les sociétés traditionnelles (livre de chevet de Manon c'est sûr). Les individus des sociétés traditionnelles connaissent tous les gestes simples dont tu parles et la thèse de Jared c'est que les sociétés occidentales ont perdu le sens commun. Alors que ce qui est essentiel c'est ce qui est nécessaire à la survie. Une fois nos besoins élémentaires comblés, c'est là que ça déconne. Bon vent Jo, prends soin de toi

Bonjour Joseph, Encore une jolie page, et qui en plus fait réfléchir... et nous donne des titres à lire. Parfait ! Rien à rajouter à ce qu'Aurélien à écrit. Je suis plus qu'en phase avec lui. Take Care

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