Indolents compagnons de voyage

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Indolents compagnons de voyage
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KETCH
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answer no 143926

 Ce serait chouette si on nous proposait ne serait ce qu'une page de ce livre, à lire.

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answer no 143927
Lorenzo a écrit :
 Ce serait chouette si on nous proposait ne serait ce qu'une page de ce livre, à lire.

 Suggestion retenue, çà doit pouvoir se faire; un petit peu de patience, on a à peine eu le temps de l'ouvrir! Cordialement

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KETCH
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answer no 143928

Bravo d'être aussi réactif !

Le titre du livre éveille notre curiosité…

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answer no 144286

 Comme promis, ci-dessous - avec l'autorisation de l'éditeur - un petit extrait

_______________________________

« De sa situation, de la collision avec l'étoile, de son aile hors service, pas l'ébauche d'une explication non plus dans le registre. L'hérédité ignore. L'Albatros vit dans l'inédit, au jour le jour.

 

Pourtant, le temps passant a montré que les choses ont cessé d'évoluer dans le mauvais sens.

 

Qu'il se rappelle un peu.

Le rush, le clash. Bille en tête dans l'étoile qui éclate sous l'impact, même qu'au passage un fragment brûlant lui rentre dans l'aile. Avec le recul, l'étoile, ça aurait plutôt l’air d'un œuf. Oui, un œuf ardent, à l'explosion duquel est sorti le drôle de pingouin qui dès lors s'est mis à tirer les ficelles de sa vie.

 

Mais attachons-nous aux faits... Après le choc, l'Albatros est passé de trous noirs en cauchemars. Ces derniers, le plus souven habités par le pingouin aux yeux de noyé, mais aussi — et là-dessus il en mettrait son aile à couper —par d'autres hurleurs, authentiques, ceux-là, puisque dotés du gargouillis malfaisant. Des trous noirs, il ne s'en souvient que comme de formidables fournaises alimentées sans arrêt de souffrance. La période reste confuse. Il faut attendre le moment où il se retrouve exposé au vent, suspendu dans sa cage-panier : quelque peu rafraîchi, pour qu'arrivent les

 

éclaircissements. À partir de là les choses se font plus nettes. Leur cours n'a pas été favorable d'emblée. Il se rappelle la pre­mière fois, quand il est entré dans la cage... Puanteur de végétation en voie de décomposition, il ne voit rien, on lui a recouvert les yeux de la peau à cacher les peurs. Quand on la lui retire, il se découvre enfermé dans une sorte de bulle constituée d'algues entremêlées. Un réveil subit qui le laisse inerte. Il se rappelle la soif, plaie de sécheresse là où jadis il avait un gosier, et la faim, ulcère ouvert à coup de pulsations cardiaques. Arrivant ensuite dans l'ordre des calamités, ces becs féroces fouillant les chairs de son aiel dans l'étouffement général qui le compresse, le pétrit,le broie.

 

Cette accumulation l'avait laissé sans réaction.

Il ne réagit pas plus lorsque l'autre innocent lui présente ses bizarreries aux lointains rapports avec du poisson. II croit peut-être lui faire avaler ça ! Comme si, concernant ce qui vit dans la mer, un albatros ne faisait pas immédiatement la différence entre ce qui est bon et ce qui ne l'est pas ! Et puis quelles couleurs ! Parfaitement infecte. Et l'odeur ! Ah, la puanteur ! L'odeur d'ammoniaque que la mer prend ici au contact des fleurs de pierre qui poussen sur sa frange, et que de là où il est, perché dans son nid

 

d'al­gues, il a sous les sens toute la journée durant... Et aussi, le liquide fétide qu'on prétend lui faire boire. De l'eau, çà ?Alors qu'à l'évidence, il n'y a pas une goutte de sel dedans.

 

Pour qui le prend-t-on ?... Quoiqu'en fin de compte lui, personnellement, il aimerait assez se laisser faire. Boire et manger n'importe quoi, là, tout de suite. C'est son organisme qui se verrouille tout seul, par réflexe, les empoison­nements ça suffit, il a eu sa dose...

 

Il se rappelle aussi cette première nuit passée dans les airs, avec l'alizé faisant son possible sans toutefois parvenir à éteindre la douleur. Et puis les hurleurs arrivent. Les voilà installés au bas du nid d'algues, autour d'un feu de bois, ils commencent à dérouler les grognements obscènes de leur  cri  tout en tirant des sons aigrelets d'un truc qu'ils se tiennent sur le ventre et qu'ils grattent avec frénésie... Et l'autre hypocrite de laissertraîner ses yeux globuleux parmi eux. Quel rôle joue-t-il exacte­ment, celui-là ?...

 

Par chance, cette nuit-là, la lune est apparue au bon moment. L'Albatros n'a pas raté l'occasion. Pensez donc, quand on a à sa disposition la faculté de s'emplir la tête de clair de lune et de se couper de toute perception extérieure en se saturant de rayonnement, pourquoi se priver ? Il est devenu aveugle et sourd à tout ce qui n'était pas lunaire, ce qui le protégea, en cette fameuse nuit, des manigances tra­mées en contrebas.

 

Et puis le jour s'était levé. Une autre histoire. L'Albatros délirait. Il planait dans l'ouate d'un monde meilleur. Une secousse le ramena à lui — pauvre de lui... Quoi ? Le nid redescend ! Il se pose par terre et les gros yeux flottent là, à quel­ques centimètres devant lui. Il se rappelle. Fou de faim, n'y tenant plus, il se précipite sur eux. Son bec fait mouche... Toc...

 

Alors ça ! Nul besoin de la camisole visuelle qu'on s'em­presse de lui passer, ce qu'il venait de découvrir suffit à le calmer. Refroidi. Il n'en revenait pas.

 

L'œil de ce pingouin-là, cet organe bouffi dont on croit perce­voir au premier abord l'avant-goût du moelleux, cette annonce de délices, donc, l'œil du pingouin se révèle au toucher aussi dur qu'un galet, aussi dur que... Mais oui ! Comment ne pas y avoir pensé plus tôt ? Cette transparence ! Cette froide rutilance !... De la glace ! Oui, de la glace ! C'est ça, les yeux du pingouin siffleur sont gelés !

 

Et si ses yeux sont gelés, c'est qu'il vient du pays où règne la douce froidure. Oui, ce hurleur-là est bien une créature de chez lui, un habitant du pays des albatros !

 

Ainsi traduisit-il sa découverte.
Ainsi ou à peu près.

Ce qui est sûr, c'est qu'à partir de là, mis en confiance, il fut prêt à tout reconsidérer. »

 

Indolents compagnons de voyage
Joël Simon
Au Vent des Iles 

 

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VOILIER
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answer no 144477

Je connais la mer, je la vois à travers des lunettes de soleil, des jumelles, je l’admire, je la crains mais depuis que j’ai lu Indolents Compagnons de Voyage, je vois la mer d'un autre œil, je l'ai redécouverte à travers l’œil d’un albatros. Quel spectacle !

L’albatros qu’on voit planer le long des Mers du Sud !

Les mots comme des clapots, les phrases comme des vagues vous transportent dans l’univers magique de ce vaste oiseau des mers. Nous le suivons a travers ses aventures peu ordinaires et ses mésaventures, ses rencontres humaines haut en couleur.

On se sent léger, on devient albatros soi même et on saisit l’essentiel, la survie de l’espèce, la seule vraie raison qui pousse l’animal à tant de voyages et de sacrifices. Nous avons perdu cette notion ou du moins, l’avons-nous remplacé par autre chose. Depuis bien longtemps notre propre radar s’est déréglé, nous avons perdu le Nord et l’auteur nous invite à nous reconnecter.

Tous les amoureux de Baudelaire se laisseront emporter par la poésie et l’imaginaire de Joel Simon. Ceux qui aiment les voyages, l’amour, l’amitié, l’exotisme, les grandes épopées maritimes trouveront le goût et le parfum enivrant des vents des iles.

Le site de la Grande Croisière...