Dernière chronique du Vendée-Globe

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CATAMARAN
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Dernière chronique du Vendée-Globe
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La course se termine avec l'arrivée de Sébastien Destremau. Voici donc la dernière chronique sur cette magnifique aventure, chronique qui résume 4 mois d'astreinte permanente jour et nuit depuis le 6 novembre. Et il y a eu du travail...

J'espère que ces lignes vous ont plues. 

Un bilan médical en guise de conclusion.
Dans le monde du sport, le Vendée-Globe est unique. Il n’existe aucune autre compétition au monde qui dure ainsi, sans arrêt, pendant plusieurs mois. C’est là  la grandeur de ceux qui ont réussi à boucler la boucle à la voile quelque soit leur âge où leur rapidité. Mais cela se paye, avec un état de fatigue dont ces skippers n’ont pas toujours conscience dans l’euphorie de l’arrivée. Alors quand les feux de la rampe s’éteignent, le corps reprend ses droits et leur fait savoir qu’ils sont allés au bout d’eux-mêmes voire parfois au-delà. Avec le temps, la fatigue s’est accumulée en s’enfouissant au plus profond du corps. Il va falloir du temps pour l’extirper, l’éliminer et régénérer l’organisme. Ce sera évidemment plus facile pour les jeunes qui disposent de ressources plus efficaces et plus faciles à mobiliser.
Cette fatigue a de multiples origines mais c’est cette durée qui la rend si prégnante. Le déséquilibre, par exemple. Sur un bateau perpétuellement bousculé par les vagues, la lutte pour éviter les chutes et rester vertical exige une vigilance incessante du système nerveux avec, en réponse, un travail musculaire constant. C’est un combat à mener jour et nuit, sauf peut-être les rares jours de calme plat. S’y ajoutent les bruits, violents et permanents, les manœuvres dangereuses et épuisantes, les soucis techniques du quotidien, le stress, le manque de sommeil. La solitude aussi.
Pourtant, lors de l’arrivée des courses précédentes, de nombreux bilans sanguins ont été réalisés pour rechercher des carences qui pourraient expliquer cette fatigue. Rien de significatif n’a jamais été mis en évidence même chez des marins qui ont passé plus de temps en mer. Il s’agit donc bien d’un épuisement lié à une activité anormalement élevée pendant plusieurs mois. Quand on sait que l’apport énergétique quotidien à bord est à peu près le double d’une activité normale à terre, on mesure parfaitement ce que représente ce travail intense et prolongé.  
Malgré cet apport en énergie soutenu, beaucoup ont perdu du poids. Une perte liée à la fonte musculaire au niveau des jambes. La course au large est un sport où la position assise voire à genoux est privilégiée au détriment de la station debout et de la marche.  Dans cette période de récupération post Vendée-Globe, au-delà du repos, le renforcement musculaire des membres inférieurs doit être privilégié à travers des exercices en salle, de la marche et du vélo.
Sur le plan mental, la récupération d’un sommeil régulier est essentielle. Mais la désadaptation du sommeil fractionné peut demander plusieurs semaines entrecoupées de périodes d’insomnies et de coups de pompe. Les techniques de relaxation sont une aide tout à fait utile.
Au total, et selon les organismes, la cure d’un Vendée-Globe avec le retour à une physiologie normale, est souvent l’affaire de plusieurs mois.  
Dans cette édition, il n'y a pas eu d’accidents graves. Nous sommes dans le profil médical de la course précédente, avec des affections qui sont restées maîtrisables. Cette année, les chutes ont provoqué des contusions réparties sur l’ensemble du corps.
Les fractures de côtes se sont consolidées au fil du temps. Les blessures, guéries à l’arrivée, ont concerné surtout les mains. La peau, ramollie par l’eau de mer, est fragilisée et moins résistante aux agressions répétées. En réaction, l’épiderme s’épaissit avec des crevasses, des œdèmes, des ongles qui se décollent. Les infections cutanées sont difficiles à traiter dans ce milieu humide et salé qui favorise les macérations. Elles touchent surtout les zones de frottement sur la peau des combinaisons étanches ou des cirés, les poignets en particulier. Par mauvais temps, l’eau de mer s’infiltre dans les manchons, puis s’évapore avec la chaleur du corps. Restent les cristaux de sel qui agissent comme une véritable toile émeri à chaque mouvement. La couche épidermique imperméable est décapée ce qui facilite les proliférations bactériennes.  
Quelques traumatismes au niveau des genoux, des chevilles et des coudes qui ont guéri sans complications avec un traitement local approprié. Les problèmes dentaires ont été rapidement résolus grâce au matériel présent dans la pharmacie de bord. D’autres pathologies ont touché les voies respiratoires, le système digestif. Les altérations musculaires et tendineuses liées à des efforts violents sans échauffement préalable ont été fréquentes tout comme les douleurs articulaires principalement au niveau de la partie lombaire du dos et des épaules.
A noter le développement d’hygromas au niveau des genoux ou des coudes. L’hygroma, ou bursite, est une inflammation d'une bourse séreuse superficielle, située au voisinage d'une articulation. Cette bourse est une poche qui facilite le glissement de la peau ou d'un tendon sur un os. L'hygroma apparait sous la forme d’un gonflement et d’une douleur qui augmente avec les mouvements et la pression. En course au large, l’inflammation est liée à la répétition de petits traumatismes comme par exemple les mouvements de flexion-extension du coude à la barre ou aux winchs. Le développement d’une complication infectieuse nécessite l’usage d’antibiotiques.
Au départ, il était assez inquiétant de voir l’intérieur de certains bateaux totalement vides avec le risque d’être projeté en avant lors d’un choc. A priori, il n’y a pas eu de traumatismes graves en rapport avec ce danger. Malgré tout, une ergonomie, même minimale, ne peut qu’améliorer les conditions de vie à bord et la sécurité des cabines.
Un certain nombre de troubles n’ont pas été évoqués par les skippers lors des vacations. C’est bien entendu leur droit le plus strict. De son côté, le médecin ne peut dévoiler aucune information sans que le skipper en ait, lui-même, fait état publiquement. Au décours de tous ces incidents médicaux, les collaborations avec plusieurs médecins de concurrents ont été très positives.
La victoire des plus jeunes est désormais inscrite dans une course souvent qualifiée d’épreuve de la maturité. Plusieurs éléments sont à prendre en considération. Les foilers sont des bateaux très exigeants. Sans une préparation minutieuse et poussée, très en amont du départ et privilégiant endurance et résistance, il est impossible de tenir la cadence infernale que se sont imposés les premiers. La constance de l’effort sur une aussi longue durée s’amenuise malheureusement avec l’âge et il est important que chacun connaisse bien ses limites et les gère à l’économie pour ne pas s’effondrer avant l’arrivée.
A ce sujet, il faut noter que la moyenne d’âge est la plus élevée sur cette édition avec 44, 7 ans. En 2012 la moyenne s’établissait à 43,1 ans et en 1989 à 38,6 ans. On constate donc un vieillissement progressif des concurrents. Cette évolution risque d’être stoppée avec les bateaux beaucoup plus physiques et exigeants que sont les foilers.
La proximité des 2 concurrents de tête comme d’autres dans les différents groupes qui se sont créés au fil de la course a été la source d’une émulation fructueuse. Psychologiquement, il est difficile de se ménager quand on sait que l’adversaire le plus proche est à quelques dizaines de milles derrière.  Dans ce combat, il faut toutefois rester très vigilant pour éviter toute surenchère mal maitrisée qui pourrait  se révéler contre-productive ou dangereuse..
Ce tour du monde, malgré les limites imposées au Sud et l’amélioration permanente des moyens de sécurité, reste une course pleine d’aléas, avec parfois des situations « limites » comme celle vécue par Kito de Pavant ou Thomas Ruyant. Il ne faut pas l’oublier.
A la question inévitable sur le podium : « Serez-vous là en 2020 ? » La réponse est sans doute prématurée, mais tous savent la fascination de ce voyage dont on ne revient plus tout à fait comme avant. Il y a tellement à vivre et à se dire là-bas, dans la solitude du Grand Sud. Nous, nous serons là, pour les voir, les écouter, les comprendre et les aimer. Car, au-delà de la performance, ces marins de l’extrême nous font vivre leur aventure dans ce monde inconnu et hostile où l’être humain n’a pas vraiment sa place.
Aujourd’hui, pour notre plus grand bonheur, ils sont tous de retour, qu’ils aient abandonné ou réussi à faire ce tour du monde. Reste derrière eux les effluves du Grand Sud, effluves que nous garderons en nous, jusqu’à ce que le chenal des Sables d’Olonne s’embrase de nouveau pour le prochain départ de cette magnifique épopée du Vendée-Globe.

 

 

BP7
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Encore un très grand merci pour votre chronique à la fois technique et humaniste

En espérant vous lire avant le prochain Vendée Globe

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