Des ennuis avec Polyphème

Des ennuis avec Polyphème

Posté par : Karyotakis
21 Août 2015 à 10h
Dernière mise à jour 13 Avril 2016 à 09h
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Ce matin du  dimanche 17 juillet 2015, nous levons l'ancre très tôt, après une nuit sans fermer l'œil dans la baie de Taormina, à l’est de la Sicile et juste sous le départ du téléphérique qui monte en ville. La houle qui est là depuis la veille, s’est amplifiée dans la nuit et rentre dans la baie. Le bateau n'a pas arrêté de valser rendant le sommeil très inconfortable. Nos amis sur Oniram, en font pareil quelques minutes après nous. Enfin en mer, en plus avec un petit vent de 15-18 nœuds au 3/4 arrière, l'allure préférée de Mimosa, qui file à plus de 7 nœuds. Destination Ognina, au nord de Catane. Les 20 milles qui nous séparent sont vite avalés, et nous voilà devant les iles Ciclopi à l'entrée du port d’Aci Trezza. Il fait chaud, il est tôt, mieux vaut aller se baigner et attendre l'après-midi pour rentrer au port. Justement sous le cap Molini, il y a une belle baie et elle est protégée du vent du nord qu'on a. Il y a du monde, des gomoni (bateaux pneumatiques)  à gogo,  et des grosses vedettes. On fait le tour des iles Ciclopi, résidence principale du cyclope Polyphème, et on arrive dans la baie pour notre baignade de l'après-midi. Je ne savais pas qu'elle allait être longue, très longue. Bout au vent, le bateau s'arrête, on mouille par 8m de fond, on laisse filer de la chaine, 20m, on la bloque et on essaye de faire crocher notre ancre, une rocna de 15 kilos. Je suis à la manœuvre de l'ancre, et je sens immédiatement qu'elle sautille. On arrête tout et me voilà dans l'eau, masque et tuba. Il y a des rochers partout, les uns sur les autres, l'eau est un peu trouble, j'ai du mal à voir la chaine et l'ancre. Bien sûr on n'a pas mis l'orin, c'est juste 8m, si problème je pourrai y aller ! On décide de remouiller ailleurs, et on commence à lever l’ancre. Il ne reste plus que 10m de chaine à monter quand elle se bloque. Bon, on va tourner autour avec le bateau, pour décoincer l’ancre. Je demande une petite marche avant à ma femme au moteur. Elle est petite, mais la chaine se tend fortement sous les 30 chevaux du moteur, et dans la seconde qui suit je vois la plaque qui supporte le guindeau se casser, et le guindeau dans le puit de chaine ! Ma main de fer que j’ai l’habitude de mettre toujours au mouillage est juste derrière moi, j’attrape la chaine, passe la main de fer, je sécurise la chaine et le bateau. De nouveau dans l’eau. Je vois l’ancre, la pointe de la rocna à peine sous un rocher, mais la chaine coincée entre deux gros blocs. Il y a du monde autour, et même une très grosse vedette vient de mouiller à coté de nous à 5m, limitant les mouvements de notre bateau. Je décide de passer l’orin sur l’ancre en espérant de pouvoir dégager le tout en tirant dans la direction opposée de la chaine. Des jeunes se proposent de plonger à ma place. Ils n’arrivent pas, c’est 8m quand même. Bon je dois y aller, après tout l’apnée je connais et 8m c’est moins que je descendais en étant jeune pour chasser les poulpes. Mais je suis plus jeune et ça fait 40 ans que je ne suis plus allé à cette profondeur ! Au bout de la troisième tentative l’orin est en place. Il suffit de tirer maintenant sauf que rien ne se passe, la chaine coincée entre 2 rochers 2 mètres plus loin empêche l’ancre de venir. Je prolonge plusieurs fois, les réflexes sont revenus, mais rien à faire impossible de débloquer la chaine. Une nouvelle équipe de trentenaires arrive à mon secours. Nous plongeons ensemble. Et puis par miracle alors que je remonte en surface, l’un des plongeurs arrive à décoincer la chaine, je n’ai pas compris comment il a fait. On tire sur l’orin, l’ancre est libre. Vite retour sur le bateau, où un équipier d’Oniram nous a rejoint. Ma femme met le moteur en route, il y a quand même un petit vent, on remonte l’ancre à la main, elle vient facilement, puis elle reste coincée juste sous l’étrave. Au même moment ma femme crie, le moteur a calé il ne redémarre plus. Le bateau dérive,  faut envoyer le génois, non, je lance une amarre de 20m que j’ai facilement sous la main, au premier zodiac à coté de nous qui la porte sur le bateau copain, Oniram. Ca y est nous sommes en sécurité. Mais diable pourquoi le moteur a calé ? Elémentaire ,on cher, dans l’éphorie d’avoir débloqué l’ancre après 2 heures dans l’eau, j’ai oublié l’orin, qui bien sûr il a pris le chemin de l’hélice. De nouveau dans l’eau, sous le bateau. Nous avons un sail drive et enlever l’orin qui avait fait 3-4 tours autour de l’hélice repliable est un jeu d’enfant. Retour au bateau, plus de jus pour démarrer le moteur, et ma relation avec la mécanique est superficielle. Avec l’électricité c’est un peu mieux, et immédiatement je découvre un fusible de 125A grillé. Je ne sais pas à quoi ça sert, je soupçonne que ça protège le démarreur, j’en ai un de recharge je le remplace et miracle le moteur repart. Pour une petite baignade c’est assez, direction le port de pécheurs d’Ognina. Lundi matin un ouvrier du petit chantier local me propose de fabriquer un nouveau support pour le guindeau. Contreplaqué marine, et quelques couches de fibres de verre noyées dans l’epoxy. Et pour faire joli, une plaque de teck par-dessus. En 48 heures le guindeau et de nouveau à sa place. Départ pour Syracuses, le capo Passero, et Malte.  Au mouillage à Comino entre Malte et Gozo, je découvre une fissure sous le davier. J’étais fixé sur le guindeau et je n’avais pas regardé plus loin, ou alors la fissure s’est ouverte petit à petit. Le chantier naval à Licata où nous sommes pense que c’est facilement réparable, mais ils doivent démonter l’enrouleur sous le pont et donc l’étai. On verra l’hiver prochain.

Voilà, fin de l’histoire et voici les leçons que j’en tire.

J’aurais dû me rappeler l’Odyssée. Pour stopper la fuite d’Ulysse, Polyphème lui envoie plein de gros cailloux. Ils sont encore là et je ne me suis pas mefié !

Ne pas aller en force, même une petite marche avant a été fatale.

Veuillez au sur accident qui est un classique de ces situations.

 Le guindeau est arraché

 

Les Ciclopi en face de Aci Trezza, est de la Sicile

 

Le nouveau support est en place après 48 heures ! Super

 

La fissure est bien visible sous la dernière vis de gauche sous le davier

 

Et plus près

Réparations

Une histoire qui finit plutôt bien. A Licata cet hiver, Giuseppe et Andrea, ont démonté l'étai et l'enrouleur sous le pont, le guindeau et le davier. Vasileu du chantier Martello, a fait 10 couches de résine et fibres sous le pont et ensuite a fixé une plaque acier au-dessus pour renforcer le tout ! Giuseppe a tout remonté. Il ne reste qu'à essayer en mer. Beau travail.

 

La proue est degagée ! On voit bien la fissure

Renfort avec plaque acier

On remonte le tout !

Emplacement

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