Retour Atlantique : de la Guadeloupe vers les Açores

Retour Atlantique : de la Guadeloupe vers les Açores

Posté par : Jean
28 Avril 2018 à 14h
Dernière mise à jour 24 Juin 2018 à 10h
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Un des billets les plus long du blog, il raconte notre retour atlantique. C’est l’agrégation des billets que Raymond envoyait chaque jour via le téléphone iridium. J’y ai rajouté les photos et quelques séquences vidéo prise le long de la traversée.

Vendredi  4  mai

l'excitation   du départ   monte !

Alain et Raymond ont pris  l'avion dimanche  29 avril pour Point à Pitre. Ils  finissent de préparer le bateau  pour la traversée  et  faire l'avitaillement.

Raymond a encore acheté  une guitare.  De mon côté,   j'amène un harmonica.

Les pleins de denrées non périssables et de boissons   sont faits.   

Pour  moi, l'avion est prévu  le samedi  5  mai .

Pour suivre  (presque)  en direct l'aventure,  voici d'abord le lien qui vous permettra  de suivre notre progression au milieu de l'océan :

l'équipage au départ, anse   Deshaie, Guadeloupe.

lien vers la balise  advanced tracking

Dimanche 6 mai

Jean est arrivé hier matin dimanche à Pointe à Pitre, nous avons déjeuné chez Albert et Claude, puis sommes rentré à la Marina et prêts à larguer les amarres, nous avons dû reporter au lendemain, la capitainerie étant fermée.... Alain est en train   de finir d'installer les lignes de vie, avec les conseils de Raymond. 

Lundi 7 mai, premier jour

Nous quittons enfin la marina de Rivière Sens. La capitainerie est ouverte  à 10h et on peut faire la clearance. Pour le plein de gazoil c'est pas si simple, le camion ravitailleur des pompes marines va arriver dans la journée...                              

On commence par attendre puis après quelques aller-retour à la station service à 200 m, l'affaire  est faite. On en profite pour racheter deux kilos de patates et deux baguettes.

Pour déjeuner une tortilla de patates et un melon, c'est un aller savoureux et consistant garanti, avec retour éventuel sans douleur. A 12h30, on largue enfin les amarres pour une navigation de 5h, la mer est belle, vent de travers 25/30 noeuds. Le bateau file tranquillement en suivant la côte sous le vent de la Guadeloupe.  

Les cales sont pleines et l'ambiance est joyeuse. Pourtant nous n'avons pas touché au rhum ce matin.

 Nous atteignons notre destination, Deshaies où nous mouillons à 18h. Tout s'est bien passé, pas de mal de mer, pas d'avarie. Le mouillage est sûr et confortable malgré les rafales de vent catabatique  qui sifflent dans les haubans.

Bonne nuit Sara et ses trois marins, ce soir c'est pâtes à la carbonara.

Mardi 8 mai, jour 2

Notre escale suivante sera Barbuda  dernière île sur notre route avant les Acores. Nous partirons à  17h pour une navigation de 70 miles et une douzaine d'heures avec un vent de travers.

La matinée est consacrée aux derniers réglages. On troque le génois pour le solent plus adapté aux conditions que nous allons rencontrer.

Déjeuner sur la plage de fricassée de châtroux et blaff de poisson, banana split en dessert et rhum vieux offert par la patronne. Est-ce bien sérieux avec ce qui nous attend cette nuit... Jean appelle notre routeur, lequel nous confirme que nous pouvons y aller, cap plein nord sur Barbuda en laissant Antigua sur tribord à mi-distance. Avant de partir, nous faisons une bonne sieste. Au réveil, complètement ramolli par la chaleur de la couchette, je prépare vite fait le repas du soir : salade thon-tomates, fromage et ananas frais.  Mieux vaut le faire au mouillage qu'en pleine mer...

A 17h, bon pied bon oeil, on lève l'ancre. D'emblée je me dis qu'on y sera vite, Sara file 7 à 8 nœuds sous un vent d'est à 25/30 nœuds. Quand la nuit tombe, nous décidons des quarts : Alain de 8 à 10h, puis Jean de 10 à minuit, puis moi de minuit à 2h, et en suivant le tour. Avant d'aller me coucher je me décide à prendre un mercalm, voyant que les deux Kradok en ont pris et qu'ils n'ont pas l'air très en forme.... Bonne option, je m'endors et me réveille un quart d'heure avant minuit  avec une faim de loup. Bizarre, personne n'a touché, ni à la salade, ni au camembert « Le Rustique» qui empeste la cabine, ni à  l'ananas.

On est au milieu et sous le vent d'Antigua, la mer est belle, vent de 20 noeuds de travers toujours. Jean me passe les consignes, remonter au près, cap au 45 après avoir dépassé Antigua, ce que je fais 3/4 d'heure après. J'ai du mal à border le solent qui claque, faisant vibrer tout le bateau. Il faudra avancer le point d'écoute et tendre l'étai largable demain au mouillage. La mer est un peu plus levée et par moment une vague vient laver le pont jusqu'au cockpit. Il fait bon, je n'ai mis qu'une petite polaire sous ma veste de quart et suis resté en short et sandales.

Sara est équilibrée et le pilote auto fait bien le travail tout seul. Par contre, impossible de sortir ma liseuse Kobo avec les embruns... le quart passe très vite quand même. Sara file sous un ciel étoilé et une légère houle qu'illumine une lune rasante. Ça roule et ça tangue, le vent est doux. Je me sens bien. Loin du monde…

Mercredi 9 mai, jour 3

Arrivée au moteur sur Barbuda, une mer turquoise sur des fonds coralliens. Des plages infinies de sable blanc. Une eau à 28°, vision de paradis. Nous mouillons  dans la baie de cocoa beach.

Là on réalise que les palmiers sont étêtés  ou couchés, les habitations sont dévastées, sans portes, fenêtres, ni toiture. Le cyclone Maria est passé il n'y a pas longtemps. Alain se jette à l'eau. Sur terre cette vision d'apocalypse est confirmée : dans les chambres de ce qui fût un hôtel de luxe le vent agite les pages d'une bible de chevet restée ouverte. Au retour il croise tortues, barracudas et raies. La vie marine profite elle de la disparition de l'homme, comme un répit.

A midi ce sera salade de riz-thon-tomates, et salade de fruit ananas, bananes, pommes, maracuja frais de chez Claude. Les restes du repas d'hier améliorés auquel j'avais seul goûté.

A 14h, après un échange avec Searout, notre routeur, nous levons l'ancre, cap sur le  way-point qu'il nous a donné sur un près de tribord, vent 25 à 30 nœuds.

Nous contournons d'abord Barbuda par l'est. Passée l’île, la mer est bien formée. Sara cogne de l'avant dans les vagues. Ça n'est pas très confortable. Chacun son truc, Jean se colle un patch de « scopoderm » derrière les oreilles, moi je reste fidèle au Mercalm, Alain met ses belles lunettes d'extraterrestre. La nuit vient, l'allure est très inconfortable, le vent forcit par moments. On suit autant qu'on le peut à la manœuvre...  Alternance de ris dans la grande voile, de génois et trinquette à l'avant... D'un commun accord tacite, ce soir, nous sauterons le dîner  !

Quarts toutes les deux heures, je commence à 20 heures. Alain n'est pas en forme.... Les craquements du bateau, vibrations, grincements de la coque quand l'étrave fend la vague sont inquiétants. Pour la balancine qui s'est décrochée et balance dans les barres de flèche, il n'y a plus qu'à espérer qu'elle se coince et ne descende pas dans le mât.

Quant Alain me réveille à 2 heures, je dors profondément, merci Mercalm et boules Quiès. Je crois d'abord qu'on  navigue au moteur tellement le niveau sonore est élevé dans ma couchette. J'enfile polaire, veste de quart et harnais de sécurité. Alain me prévient que ça mouille mais que le pilote ne décroche pas. Je peux donc rester à l'abri de la capote. J'ai oublié ma Kobo, mais de toute façon je ne pourrais pas l'ouvrir...les vagues sur le bord au vent s'explosent sur le pont, toutes illuminées de vert par le feu de route d'avant. Je finis par me décider à redescendre la chercher dans ma couchette, histoire de faire passer le temps et m'évader un peu... Tant pis pour elle, faut bien aussi qu'elle prenne la mer, y'a pas que l'homme qui prend la mer  !

J'achève le tome 2 du siècle de Ken Follet quand c'est l'heure du quart suivant. Déshabillé et bien calé sur le flanc bâbord de ma couchette, je m'endors très vite...

Merci Mercalm.

Jeudi 10 mai, jour 4,

(Alain   prend provisoirement le relais de Raymond   à la rédaction)

A moi donc   l'honneur  de vous transmettre ce billet, tâche, somme toute, assez simple : le sms de Jean étant des plus laconiques (le  blogueur n'a sans doute pas eu le temps de bien s'amariner!). "De la houle qui remue les estomacs  mais ça va, on avance  pas vite et au prés. Tout va bien à bord".

Mercalm  semblerait  le plus  efficace!  mais   oui ,  son effet secondaire  est bien .....la somnolence! voire même l'hypersomnie  chez  Raymond).

Ho Mercalm, pourquoi m'abandonnes tu ?

Je me réveille à  8h avec une bonne gueule de bois, mais pas celle à la caïpirinha qui vous laisse un bon goût de rhum et vanille. J'ai trop dormi, c'est pas mon habitude.

Dehors c'est pas mer calme du tout, sauf qu'il n'y a plus de vent. On navigue entre les grains, avec des ondées sans vent. Sara tangue et roule... L'équipage au complet est de travers, même les lunettes magiques d'Alain ont jeté l'éponge.Il décide quand même, héroïque, de monter au mât récupérer la balancine qui a fait un nœud avec le hauban au dessus de la première barre de flèche, la plus haute. Il l'attrape, défait le nœud et ne parvient pas à  la désentortiller complètement du hauban. Faut dire qu'en haut, ça balance un max et qu'il faut s'accrocher sévère au mât. Tant pis, elle est inutilisable mais elle n'est pas perdue.

La manœuvre l'a  complètement retourné mais il ne parvient pas à  vomir. Moi, mon estomac crie famine, que faire ? Je fonce à la cuisine, tandis que Sara fait le bouchon, je pare au plus pressé et au plus simple. Ce sera patates à l'eau.A peine remonté dans le cockpit, en sueur et avec les jambes molles, signes qui ne trompent pas, le seau m'appelle tandis que mon estomac se retourne pour la première fois (non ça n'est pas mon chemin de croix que je vous raconte, enfin j'espère). Immédiatement je me sens libéré et mon estomac se remet à crier famine aussitôt. Jean prends ses patates au beurre, moi au Rustique, un peu plus relevé, peut-être trop...

Puis c'est l'heure  de la sieste, je me passe un peu du Bob dans les oreilles, hommage au rasta mort il y a 37 ans jour pour jour. L'après-midi coule doucement, on se serre les coudes… Alternance de siestes et de séance d'oxygénation à la barre, c'est dur un bord de près dans cette mer.

Jean prend la météo et les instructions de Searout. "Merde" dit-il on s'est éloigné de la route, il faut tirer un bord de près bâbord. Ça change la gîte, les estomacs eux, y sont insensibles. Quand la nuit vient, Alain propose un dîner léger. Ce sera pastèque plus un œuf dur (quelle bonne idée d'en cuire une douzaine au mouillage de Cocoa beach), et un reste de patates à l'eau.

A 20 heures Alain prend le premier quart. Boules Quiès et loup, je sombre rapidement après un chapitre du Scandale Modigliani de Ken Follet .

Mais qu'est ce que j'ai à dormir comme ça?

Tout va bien à bord, on s'est remis des premiers jours et on est amariné.

Raymond reprend l'écriture  et  est de plus en plus disert.

vendredi 11 mai, jour 5,

Cette journée commence très tôt pour moi par un quart à 2 heures. Nuit noire, ciel étoilé un peu voilé, la lune se lève plus tard, juste avant le soleil.

J'ai attaqué mon troisième Ken Follet, le réseau Corneille. Très absorbé par ma lecture je suis dans l'attaque du central téléphonique allemand par le commando Bollinger aux environs de Reims, je ne me me préoccupe pas trop de Sara, le pilote fait bien le travail, juste un contrôle d'allure et d'horizon tous les quarts d'heure.

Tout à coup Jean se lève alerté par un bruit anormal qu'il localise dans le safran. J'ai aussi entendu un claquement, mais entre les explosions de grenades et les rafales de mitraillettes du commando Bollinger, je n'y ai pas prêté cas, l'attribuant à l'environnement sonore courant si riche que nous offre Sara (Je fais un drôle d'équipier un peu trop confiant)...

Jean va inspecter le mécanisme du pilote par les trappes en fond des couchettes arrière et tester la barre qui ne présente ni point dur, ni jeu... Rien d'anormal.

Il décide alors de mettre le moteur en route et là,  surprise ! le démarreur ne se lance pas, la batterie moteur n'a plus de charge. Panique à bord ! Alain et Jean vont vérifier les batteries service et moteur pendant que je tiens la barre, tous feux éteints, pilote coupé par sécurité pour ne pas tirer plus sur les batteries. La charge est normale, pas de problème côté batteries.

C'est alors qu'Alain éteint sa lampe frontale qui se met à lancer des éclats dans le noir du carré. Vu du cockpit je me dis, "et merde un court-circuit" et je pense extincteurs, couverture anti-feux....Sa lampe s'éteint enfin et la lumière revient dans le carré et sur les feux de route, et Jean de me lancer : " putain Raymond !

" En prenant mon quart, mon harnais à du accrocher le coupe-circuit de la batterie moteur qui se trouve au dessous du placard dans ma couchette... Bons pour une belle frayeur, Alain et Jean se recouchent et moi je retourne en pleine attaque du commando Bollinger.

Au bout d'un moment ils dorment bien, le vent a faibli, Sara roule dans une petite houle de travers, et la bouteille d'eau à plat dans le fond du cockpit roule et vient frapper un peu fort sur la cloison de ma couchette.

Je la prends et la cale bien en me disant que j'ai peut-être trouvé là le bruit anormal du safran.... Enfin j'espère !

A 4 heures, j'appelle Jean à me relever mais sans trop insister, je l'entends qui ronfle bien et j'ai du mal à décrocher du réseau corneille. A 5h30 il vient me relever et je n'émerge que deux heures plus tard pour le petit déjeuner. Le ciel est un peu couvert, on essuie quelques coups de vent sous les grains.

Jean prend les instructions de Searout et nous règlons les voiles sur une allure de travers, cap au 70, avec un vent faible 10/15 noeuds, mais Sara file ses 5 à 6 noeuds sous génois et grand voile. C'est confortable, si ça continue je vais pouvoir sortir la guitare.

A midi, j’accommode les restes, salade de patates douces et tomates, ananas, melon.

L'après-midi coule doucement, lecture, mots fléchés. Je vais même tenter de faire un pain, nos réserves de pain tranché de chez Super U de Basse Terre ont pourri; il aurait fallu les sortir de leur sachet plastique et les placer dans le filet pour qu'ils s'aèrent.

La mer s'aplanit, le vent se stabilise à 15 nœuds, pas de grain en vue, je m'installe confortablement dans le cockpit avec ma guitare jusqu'à ce que quelques embruns viennent rincer le manche. Je passe au pain...

Puis vient l'heure du dîner, salade riz tomate et yaourts. Alain prend le premier quart. Le vent tombe et se met à tourner, entraînant Sara dans la ronde, et les équipiers roulent dans leur couchette arrière, jusqu'à ce qu'Alain décide de poursuivre au moteur. A 10 heures, c'est mon tour de quart, le vent est revenu à 15 nœuds d'est, la mer est presque plate, la nuit est noire, sans lune, Sara glisse sur l'eau à 5/6 noeuds cap au 30.

La nuit s'annonce douce, je replonge dans ma lecture jusqu'à minuit. 

Dimanche 13 mai, 7ème jour 

Trêve dominicale, journée très très calme... grand ciel bleu, voilé en fin d'après-midi, petit vent 10/15 nœuds, mer très calme. Sara file ses 5 à 6 nœuds gentiment, Alain achève « la disparition de  Stéphanie Mailer» de Joel Dicker, Jean s'essaie à « Santiano » d'Hugues Aufray à l' harmonica et moi, à «petite Marie» de Cabrel à la guitare. Ambiance joyeuse mais besogneuse à bord...

Ce soir nous allons déguster nos premiers spaghettis sauce maison.

Après dîner nous décidons de décaler les quarts  d'une heure, toujours sur l'heure des Antilles, Jean commence à 21 heures puis Alain à  23 heures et Raymond à 1 heure demain.

Mer belle, Sara file sous génois et grand voile sur un bord de près au cap 40 avec un vent de 10 à 15 noeuds.

Bonne nuit, à  demain.

Lundi 14 mai, 8ème jour :

Nuit calme, quelques grains viennent  perturber l'allure tranquille de Sara, les risées montent à près de 25 nœuds sous une pluie intense mais de courte durée.

A 7h15, j'émerge doucement avec 15' de retard sur mon quart, Alain ne m'a pas réveillé. J'entends des bruits bizarres sur l'avant......Achevant son quart du matin, Alain savourait la promesse  d'une journée aussi belle que la veille, douce  et sereine, mer plate et vent  modéré, mais la promesse de l'aube n'a pas tenu : le génois, doucement mais sûrement, s'est affalé sur le pont. Nous nous précipitons à l'avant pour le ramasser et éviter qu'il ne passe à l'eau.

Avant toute chose, il faut prendre le temps de la réflexion et positiver : nous réveillons Jean et attaquons donc le petit déjeuner.

Le constat est sévère, la drisse s'est rompue  et a  disparu dans le mât. Heureusement que ça n'est pas arrivé mercredi ou jeudi dernier quand la mer était bien formée avec une belle houle. Ce matin les conditions sont favorables, faible houle, vent de 10 nœuds. De plus, Alain a pris la précaution d'acheter une drisse de secours avant de partir la semaine dernière à Pointe a Pitre.

Quand même, il faut monter en haut du mât, et là haut ça balance pas mal. Comme d'hab on tire au sort et comme d'hab ça tombe sur Alain  !

Il se confie donc aux bras des  spécialistes du body pump  qui le halent en haut du mât. En à peine cinquante minutes c'est fait, la nouvelle drisse est passée dans le mât et ressortie par sa lumière située 3 m au dessus du pont, et en plus il en a profité pour désentortiller la balancine.

Bravo Kradok 1 ! Ton classement numéro un, tu le vaux bien. Il est tout de même un peu pâle et on décide de lui prendre sa tension. 

Bon pour le service ! Et c'est tant mieux parce qu'il faut y retourner. La nouvelle drisse de génois est croisée avec le brin montant de la drisse de spi qui sort du mât à un mètre du sommet. Ça pourrait fonctionner, les deux drisses n'étant pas en tension en même temps, mais elles vont frotter l'une sur l'autre et s'user. Kradok 1 toujours héroïque, c'est reparti sur une remontée ultra  rapide  des deux  moulinets fous, qui manquent de lui arracher un pied coincé dans le hauban au passage de la première barre de flèches......

A 10h30, l'affaire est réglée, Sara repart toutes voiles dehors. Bravo les Kradok !

Jean appelle Carbonara, le voilier à 10 heures qui nous a dépassé pendant la réparation. Il fait même route que nous, allant chercher un peu d'air au nord de l'anticyclone.

Mais ce 14 m est un peu poussif et nous le dépasserons dans la nuit.

La double ascension d'Alain, la troisième depuis  notre départ  de Rivière Sens, a payé....

Ce soir  Ce sera tournée de planteur pour tout  l'équipage !

Dixième jour, mercredi 16 mai, panne de vent....

Au lever du jour, Sara tient péniblement son cap dans un bord de près/travers, par un vent d'est-nord/est faiblissant. Carbonara à mis le moteur dans la nuit et nous a lâchés, 20 miles devant.

Jean prend la météo : nous en avons pour trois jours... Notre réserve de carburant ne nous permet pas de rouler trois jours au moteur, il faut en garder pour l'arrivée aux Açores  et par sécurité, si nous devions échapper à  une zone de gros temps.

En milieu de matinée, nous nous décidons à lancer le spi, ce qui nous dévie un peu de notre waypoint objectif, mais nous permet au moins d'avancer.

Au menu de midi, poisson frais ! Une orphie, espèce de poisson anguille pêchée hier soir. Chair fondante et savoureuse, mais plus d'arêtes que de chair.

Au coucher de soleil, plus de vent du tout, nous nous résignons à passer au moteur. Jean prend le premier quart  à 20h.

Onzième jour, jeudi 17 mai:  position à 7 h  : latitude 32° 12' 30" -56° 22' 68"

pas de poissons, pas de baleines, pas de dauphin et le calme plat. Cette nuit, les étoiles se reflétaient dans la mer d'huile. Superbe ! (Jean).

Mer d'huile, on se traîne au moteur.  A une moyenne  de 5 nœuds, il nous faudrait 10 à  12 jours pour atteindre les Açores....

A raison d'un litre et demi de gazoil à l'heure, une grille de mots fléchés au quart d'heure, très raisonnablement un planteur par jour, une terrine par jour, un saucisson tous les deux jours, les réserves fondent, on va manquer....
En plus, on ne pêche que des sargasses  !

Eole prend pitié de nous !

Douzième jour,  vendredi 18 mai

Toujours pétole et 90 décibels dans la couchette ! Et pas de poisson, que des sargasses.


Dans la nuit noire sans lune, la mer est comme un miroir dans lequel se reflètent les étoiles, la ligne d'horizon disparaît, le spectacle est envoûtant.
A l'apéritif on s'offre un petit bain pour se remonter le moral ; sensation délicieuse, ça décrasse et ça décoince les articulations grippées.
En fin d'après-midi un petit vent de nord-ouest vient nous redonner espoir; Jean se met à rêver de spi, mais ça ne tient pas deux heures, et après dîner, re-moteur pour la nuit.

On devrait pas tarder à enfin sortir de cette P... de dorsale anticyclonique.

Treizième jour, samedi 19 mai,

nous approchons la latitude des Açores, le temps change, ciel couvert, vent faible et instable. La température de l'eau  est aussi descendue à 22,5°.
Nous alternons, moteur, spi, génois, mais surtout moteur. L'enrouleur de génois menace de se gripper, on sent un point dur à l'enroulement. Une vérification et un graissage s'imposent. A priori c'est la drisse neuve qui s'est relâchée et a fait un tour sur l'étai. Rien de grave, Alain très déçu que cette belle occasion  de remonter au mât lui échappe..

En fin d'après-midi le vent monte et tourne à  l'est/sud-est nous obligeant à nous écarter de la route sur une allure de près. Pas grave, après-demain ça devrait être  un vent d'ouest et on devrait la retrouver.
Au cours de la la manœuvre de récupération du spi, les lignes de Jean s'emmêlent, faisant un gros "zigouigoui" de fils. Un rapala y passe. C'est le coup de trop et fatal. Jean range son matériel.

On va ouvrir du thon en boîtes.

Quatorzième jour, dimanche 20 mai
Le voyage se poursuit, un peu plus lentement que prévu. Nous verrons ce que les prochains jours nous réservent pour connaître précisément notre date d'arrivée à Ponta Delgada, port le plus commode pour les changements d'équipage.
A priori, nous avons toujours le petit espoir de pouvoir être le 2 juin à Toulon (Raymond et Jean).
La nuit a été fraîche, le vent a tenu  et nous avons poursuivi  notre route au près, cap 40.
Maintenant, il faut se couvrir pour les quarts de nuit. Une petite couverture dans la couchette est aussi bienvenue.
Dans la journée, vent faible et d'orientation changeante, mais on ne cède pas à  la facilité du moteur, d'autant qu'il  nous reste  moins de la moitié du réservoir de carburant.

Dans l'après-midi nous croisons deux cachalot paisibles.

Le soir tombe, un peu plus frais et plus tôt, sous l'effet de notre déplacement vers le nord et l'est.
Demain nous recalerons l'horloge. La nuit va être  pénible à rouler en trois/quart arrière dans le petit temps,.…

Seizième jour, mardi 22 mai
La nuit a été pénible, ballottés de droite et de gauche dans nos couchettes.
Le nouvel horaire UTC-2 correspond bien à  notre position, le soleil fait surface vers 5 heures.
Il nous reste moins de 1000 milles à parcourir pour Horta, la première île des Açores.
Le vent à continué de monter dépassant maintenant les 20 noeuds et il a tourné SSE, nous obligeant à rouler au près.
Avec 2 ris et le génois réduit d'un tiers Sara est plus stable et file 6 nœuds dans une houle de plus en plus forte.


La journée passe. A midi nous nous contentons de réchauffer une boite de lentilles-saucisses sans saucisses et c'est  tant mieux, nos estomacs ne les supporteraient sans doute pas....
Quand le jour tombe il fait de plus en plus frais. Ce soir, c'est Jean qui prend le premier quart à 20h.

Dix-septième jour, mercredi 23 mai
La journée débute sous un ciel gris et un vent contraire ENE, nous obligeant à tirer un bord sud-est au 120. le vent est tombé et a tourné dans la nuit qui a été plutôt calme. Nous avons pu recharger notre compte sommeil.
Des oiseaux réapparaissent, la terre approche ? Moins de 800 milles pour Horta.
La houle à faibli, Sara calé  sur son bâbord roule moins, on va pouvoir se mitonner un plat chaud à midi : patates, haricots verts, œufs durs. Le ciel est gris, la pluie menace, temps breton.... sans le vent.
Dans l'après-midi ça  se gâte... La mer se creuse, le vent tombe et tourne sud/sud-est, puis vient la pluie... Depuis le lever du jour, à tirer des bords, nous ne nous sommes rapprochés de notre destination que de 20 milles. Nous mettons un peu le moteur pour recharger les batteries, le pilote ayant beaucoup travaillé, et nous nous réfugions dans le carré pendant l'orage. Visibilité 50 m.
Demain il nous faudra du vent portant sud-ouest pour nous remettre dans la bonne direction et surtout nous faire avancer. Marre de zigzaguer !

Dix-huitième jour, jeudi 24 mai.
Enfin une belle journée avec un vent portant de 10 à 15 noeuds et une mer presque plate.
Sara file 6 nœuds sous spi sans tanguer ni rouler. Le ciel est bleu, pas un nuage à l'horizon, il fait bon se la couler douce à  l'ombre des voiles dans le cockpit.
Le soir venu San Miguel est à  moins de 800 milles, et on pourrait y être en 6 jours, mercredi 30.... On croise les doigts, envíe de terre !

Dix-neuvième jour, vendredi 25 mai

Une belle journée de navigation, vent portant sud/sud-ouest de 10/15 noeuds et houle se conjuguent favorablement, Sara glisse en trace directe Est vers San Miguel à 6/7 noeuds. A ce rythme et cette allure, nous pourrions arriver dans cinq jours. En fin de journée, Ponta Delgada est à moins de 600 milles. Nous avons perdu beaucoup de poids depuis le départ... je parle évidemment du bateau : moins d'eau, moins de gasoil, moins de nourriture, sans

doute au moins 500 kilos. Sara a retrouvé son poids de jeune fille et file bon train, bien dans ses lignes. Avant dîner on se fait un selfie rigolade devant la pizza toute chaude sortie du four (la première bonbonne de gaz à rendu l'âme après plus de 20 jours de service intensif, il y en a deux autres en réserve). La nuit est calme, ni roulis, ni tangage, ni décibels dans les couchettes. Ah, si on avait eu de pareilles conditions depuis le début, on y serait déjà.

Vingtième jour, samedi 26 mai, les dauphins.
Encore une belle journée de navigation, mer belle, vent portant sud-ouest 10 à  12 noeuds, grand ciel bleu. Sara tire sa route sous spi, à six-sept noeuds vers San Miguel.

A plusieurs reprises un groupe de dauphins vient jouer avec l'étrave du bateau, jusqu'à la tombée du jour. S'il y a des dauphins, il devrait bien y avoir  aussi du poisson  à  pêcher... Oui, mais la traîne ne ramasse même pas de sargasses, il n'y en a plus !
En fin de journée ces bonnes conditions de navigation se maintiennent, une belle pleine lune se lève et nous décidons de garder le spi pour la nuit.

Vingt-et-unième jour, dimanche 27 mai,
Encore de bonnes conditions météo, faible houle d'ouest et vent de sud-ouest 15 noeuds. Nous rentrons le spi et déroulons le génois pour rester dans le cap. Sara file à plus de 7 noeuds vers Sao Miguel.

En milieu de matinée nous franchissons le seuil des 400 milles restants. Ça nous met en appétit dès 11h30, et d'un commun accord nous décidons de passer à table et à l'heure des Açores : il est 13h30.
Le soir venu, un beau coucher de soleil s'offre à nous, bien que toujours sans rayon vert.... Côté traîne, toujours aucune prise, mais le bilan de la journée est positif : malgré un trou d'air dans la nuit, nous avons parcouru 120 milles en 24h.


La pleine lune est déjà bien levée quand le soleil à disparu, le vent se maintient, la mer est belle : une belle nuit en perspective.
Nous devrions arriver à Punta Delgada, île de Sao Miguel mercredi 30 mai au matin, si tout continue comme cela.

Vingt-deuxième jour, lundi 28 mai,  journée "marmitons toilettes"
Au lever du jour,  la lune se couche à l'opposé du soleil. Le ciel est couvert, le vent n'a pas faibli et le seuil des  300  milles restants pour Ponta Delgada est franchi. 

 Le vent s'est orienté au sud-est et Sara trace sa route sur un bord de près à 7 nœuds dans une mer peu formée. L'allure est confortable mais le quart est de plus en plus frais au petit matin. Il faut bien se couvrir, et surtout se protéger de l'humidité ambiante. Le carré s'est couvert de rosée.


Evelyne a pris les billets d'avion pour Marseille  via Lisbonne pour Jean et Raymond. Départ  7h45 vendredi 1er juin sur Air Açores puis Ryanair de Lisbonne à  Marseille.

Ça sent la fin du voyage... 
Au plus chaud de la journée, c'est  tournée de toilette, au seau d'eau de mer sur la plage arrière pour tout l'équipage. L'air  est vif et l'eau  plus fraîche qu'à  Barbuda, 8°en moins, on ne s'éternise pas...
L'après-midi c'est cuisine pour tous, Jean et Alain apprennent à  faire le pain sur les conseils de Raymond qui fait un gâteau au chocolat pour 4 heures. La mer ça  creuse !
Après dîner, le vent faiblit, il reste 200 milles à  parcourir pour São Miguel et les prévisions météo pour mercredi  n'étant pas favorables, vent d'est, nous décidons de rouler toute la nuit au moteur pour arriver mercredi matin.

Vingt-troisième jour, mardi 29 mai
Journée grise, vent faible, nous alternons voiles et moteur.
Hâte d'être arrivés avant que le vent ne tourne  à l'est et se renforce. Les dauphins viennent nous accueillir, mais toujours aucune prise  à la traîne. Quand l'heure du dîner arrive Sara file péniblement 5 nœuds sur un bord de près.  Le temps a bien rafraîchi, le cuisinier à lancé un mouvement  de grève, on se contentera  d'une soupe en sachet. Demain soir ce sera restaurant dans une salle à  plat avec table et chaise...et serveuse !

Vingt-quatrième jour, mercredi 30 mai, Epilogue,

le   phare de  Ponta da Ferraria, à  l'extrémité ouest de l'île de São Miguel, vu de la terre !
A 4h30 les éclats du phare de  Ponta da Ferraria, à  l'extrémité ouest de l'île de São Miguel, apparaissent dans la nuit. Les téléphones portables se mettent à vibrer. Le vent de nord-est se renforce à plus de 25 noeuds, mais une fois sous le vent de l'île, la mer se calme et nous arrivons à  bon port dans la marina de Ponta Delgada á 10 h.
Le temps de faire le plein de fuel et d'accoster et nous filons aux douches et au restaurant.
Fin de la première partie, rendez-vous dans une quinzaine pour la suite  des aventures des Kradoks sans kradok2 qui retourne travailler, peu chère....

Punta Delgada,  ile de Sao Miguel

l'équipage à l'arrrivée

ponton  de  punta Delgada,   juin 2018.

Emplacement

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